L’ambassadeur russe n’a remis à Othman Jerandi qu’une « Copie figurée des lettres de créance »

L’ambassadeur russe n’a remis à Othman Jerandi qu’une « Copie figurée des lettres de créance »

Beaucoup d’usagers des réseaux sociaux surtout Facebook se sont étonnés que le ministre des Affaires étrangères Otman Jerandi ait reçu les lettres de créance d’un ambassadeur en l’occurrence celui de Russie.

D’aucuns n’ont pas manqué d’y voir une intention des autorités tunisiennes de réserver au représentant de Vladimir Poutine en Tunisie un traitement en deçà du convenable puisqu’il est de notoriété publique que seul le président de la République se fait remettre le sésame par lequel un chef d’Etat étranger accrédite son représentant dûment mandaté auprès de la République tunisienne c’est-à-dire auprès de son chef d’Etat.

D’emblée corrigeons puisque le ministre Ohman Jerandi n’a pas reçu les lettres de créance mais « une copie figurée des lettres de créance » comme précisé d’ailleurs dans l’information publiée sur le site officiel du département.

Pour être didactique, je vous livre les différentes étapes de l’accréditation d’un ambassadeur qui n’est pas une nomination comme les autres puisque les autorités suprêmes de deux pays y sont impliquées :
1- Lorsque vient le moment de mettre fin aux fonctions d’un ambassadeur celui-ci est informé par le ministère par notification officielle généralement 3 mois à l’avance pour permettre au fonctionnaire de liquider ses droits à congé

2- Aussitôt l’ambassade concernée adresse une note verbale au ministère des Affaires étrangères du pays d’accréditation pour lui communiquer la décision.

3- Lorsque le choix se porte sur la personne devant présider aux destinées de l’ambassade, une notification est adressée à cette dernière laquelle la transforme en note verbale par laquelle une demande d’agrément est sollicitée. A cette note est jointe une brève notice portant biographie succincte de la personne choisie.

4- L’agrément n’est pas une formalité comme on veut bien le croire. Le ministère du pays d’accréditation fait les recherches idoines sur la personne proposée et en fait état à l’autorité qui lui revient le droit d’accréditation. Cela varie d’un pays à l’autre. Dans certains pays comme la France, c’est le conseil des ministres qui détient cette autorité et la question doit être inscrite à l’ordre du jour ce qui peut demander plusieurs semaines sinon quelques mois.

5- L’agrément n’est pas acquis et il se peut que le pays d’accréditation ne réponde pas à la demande ou fait savoir que la personne proposée ne lui plaît pas et cela de façon indirecte. Jamais un Etat étranger ne signifie un refus par écrit pour une décision prise à un très haut niveau par un autre pays.

7- Muni de ses lettres de créance, l’ambassadeur prépare son départ pour rejoindre son poste. Il ne peut accéder à son pays d’accueil que lorsque son prédécesseur aura quitté ce dernier car on ne peut retrouver deux représentants officiels en même temps. L’arrivée de l’ambassadeur est notifiée au pays d’accréditation qui l’accueille officiellement par un représentant du protocole diplomatique ainsi que par les diplomates de l’ambassade à la tête desquels se trouve le chargé d’affaires ad.interim qui préside aux destinées de l’ambassade en attendant la prise de fonction officielle de l’ambassadeur agréé qui dans certains pays ne peut commencer à exercer ses fonctions que lorsqu’il remet ses lettres de créance.

8- L’ambassadeur rejoint sa résidence accompagné dans certains pays par le représentant du protocole. C’est après son arrivée que les formalités de la remise des lettres de créance sont engagées. Un rendez-vous lui est lui notifié pour la remise de « copies figurées » des lettres de créance soit au ministre en personne ou à son secrétaire d’Etat ou à un autre haut fonctionnaire dûment mandaté.

9- Une cérémonie de remise de lettres de créance est ensuite organisée par le chef de l’Etat du pays d’accueil. Lequel peut recevoir les ambassadeurs individuellement ou un groupe. L’ordre de préséance étant celui de leur arrivée respective dans le pays d’accréditation. Une cérémonie avec salut au drapeau et hymnes nationaux est généralement organisée, l’ambassadeur étant accueilli comme un représentant dûment mandaté par son chef de l’Etat. L’ambassadeur qui est conduit par une voiture officielle du pays d’accueil et accompagné par le directeur du protocole diplomatique ou son représentant est ensuite introduit auprès du chef de l’Etat d’accréditation par le chef du protocole présidentiel. A la suite de la remise des lettres de créance en main propre une courte audience est accordée en tête à tête, pour un échange qui peut aller au-delà d’une conversation protocolaire. Lors de la présentation l’ambassadeur est généralement accompagné du numéro2 de la mission et de l’attaché militaire en tenue d’apparat. Après la cérémonie l’ambassadeur est raccompagné à sa résidence par le représentant du protocole. Dès lors l’ambassadeur prend officiellement ses fonctions, s’il ne l’a pas déjà fait si les us et coutumes du pays d’accueil le permettent.

10- Les premières audiences sont sollicitées à ses pairs au premier rang desquels le doyen du corps diplomatique et les doyens régionaux ainsi qu’aux chefs de mission des pays frères et amis. Concomitamment, il sollicite des rencontres avec ses vis-à-vis au ministère des Affaires étrangères du pays d’accueil. Et commence ensuite pleinement ses fonctions.

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