Le chef de l’Etat peut-il bloquer la formation du gouvernement ?
La rencontre, hier, entre le président de la République Kais Saied et le chef du gouvernement désigné Habib Jemli sur l’évolution de ses concertations à propos de la formation du gouvernement, n’a pas abouti à un accord. Le chef de l’Etat a émis des réserves concernant certaines personnalités et a prôné pour le rattachement de la coopération internationale au ministère des affaires étrangères. D’où le report sine die de l’annonce du gouvernement qui devait intervenir hier.
On le sait déjà et ce n’est qu’un secret de Polichinelle : Kais Saied ne voit pas d’un bon œil la participation de Nabil Karoui et de son parti au gouvernement. D’ailleurs il a tenté au cours de la réunion de lundi dernier en présence des chefs des quatre partis( Ennahdha, Tahya Tounes, le Courant démocrate et le mouvement Achaab) de rapprocher les vues. Mais Ghannouchi avait fait avorter son initiative. Il aurait demandé à Jemli de reprendre langue avec le Courant démocrate et le mouvement Achaab.
Ce blocage pourrait retarder l’échéance qui viendra à terme le 14 janvier prochain.
A la question le président de la République peut-il bloquer l’annonce de la formation du gouvernement ? Les réponses divergent, selon la lecture qu’on fait de la Constitution. L’article 89 accorde le droit au Chef du Gouvernement de choisir les ministres et les secrétaires d’État et en concertation avec le Président de la République en ce qui concerne les ministères des Affaires étrangères et de la Défense.
Or concertation ne signifie pas, selon Salsabil Klibi, professeur de droit constitutionnel, « avis » ou « avis conforme » qui sont contraignants. Elle pense même que le terme concertation n’a aucune valeur juridique. De ce fait, le chef du gouvernement désigné peut passer outre l’accord du président de la République et solliciter la confiance du parlement.
Mais, une fois la confiance obtenue, le chef du gouvernement doit prêter serment avec les membres de son équipe devant le chef de l’Etat qui « procède sans délai à la nomination du Chef du Gouvernement et de ses membres » par décret présidentiel. Et là, il pourrait s’abstenir.
Nous avons déjà un précédent dans ce sens quand le chef du gouvernement Youssef Chahed avait opéré un remaniement ministériel sans se référer au président Béji Caid Essebsi. Ce dernier avait alors déclaré qu’il pouvait ne pas présider la cérémonie prestation de serment et ne pas promulguer le décret. Mais, avait-il ajouté « étant un Homme responsable, je ne le ferais pas ». Et la cérémonie a eu lieu. Mais feu BCE n’avait-il pas bloqué la publication des amendements de la loi électorale, quelques jours avant son décès ?
Rien donc n’est exclu et tout dépendra de rapports de force entre Kais Saied et Rached Ghannouchi.
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