Le pays va mal et chacun regarde son nombril
Inspiratrice des soulèvements en Egypte, en Libye, au Yémen, en Syrie, la révolution tunisienne aura permis de faire tomber les tabous et de permettre aux citoyens de humer un vent frais et nouveau d’épanouissement et de liberté. Une liberté inespérée que même les plus rompus aux arcanes des prédictions politiques n’ont vu venir.
Tout le monde est unanime à dire que ce jour de janvier 2011, un miracle, et pas des moindres, s’est produit dans l’ancienne Ifriqiya. Après de si longues années d’un règne que l’on croyait indéboulonnable, le régime est tombé comme un château de cartes.
En l’espace de quelques mois, le pays a acquis un bond inimaginable dans la liberté. Nombre de Tunisiens continuent d’ailleurs de vivre dans cette euphorie, en refusant de regarder la réalité en face. Au-delà de cette liberté acquise à la vitesse d’un éclair, il est important que l’on se penche sur le revers de la médaille, si nous voulons réellement avancer.
Les Tunisiens doivent avoir l’honnêteté de reconnaître que la révolution, si elle a permis de mettre fin à l’oppression et à l’asservissement, les a aussi malheureusement, d’un autre côté, divisés étrangement. Aussi bien chez les politiciens que chez les intellectuels, artistes, journalistes, écrivains, hommes d’affaires, commerçants …, l’on constate une scission où les gens se regardent en chiens de faïence. Où l'on crache sans gêne de la haine sur son semblable.
On se crêpe sans vergogne les chignons, on s’agresse moralement et physiquement même, on s’insulte copieusement, on manipule l'information pour discréditer un adversaire politique.
Ce pugilat mesquin et bas s’invite même sur les médias et surtout sur les réseaux sociaux où le dénigrement cynique et éhonté dépasse le seuil du tolérable.Personne n'échappe à l'ire de ces internautes. Il suffit d'une peccadille pour que la Toile s'enflamme. C'est à croire que les priorités de la Tunisie sont renvoyées aux calendes grecques.
Or quelles sont aujourd'hui les priorités de la Tunisie? Sans tomber dans un catastrophisme exacerbé ou sombrer dans un pessimisme inquiétant, force est de reconnaître que la situation politique, sociale et économique de la Tunisie n'augure rien de bon et appelle à la vigilance et surtout à l’audace pour des prises de décisions douloureuses.
Avec un paysage politique fragile ajouté à une conjoncture économique alarmante, une situation sociale au bord de l’implosion, une corruption qui gangrène les institutions et fait voler en éclats le peu de capital confiance qu'il reste chez les investisseurs, la Tunisie a besoin d'une "nouvelle révolution" pour faire bouger les choses. Une nouvelle révolution qui fera appel aux compétences pour sortir de la crise.
Le temps n'est-il pas venu de dépasser toutes ces divisions, tous ces nombrilismes, toutes ces haines mal placées, toutes ces calomnies indignes, toutes ces accusations basses et malhonnêtes? Au lieu de faire le ménage dans leurs esprits et tendre la main pour une réconciliation nationale, il existe encore des écervelés qui continuent à jeter de l’huile sur le feu. Manifestement, le pays va mal ! La maison brûle ! Mais nous regardons ailleurs !
Oumar DIAGANA
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