Le resserrement du crédit bancaire en Tunisie pèse sur la croissance

Le resserrement du crédit bancaire en Tunisie pèse sur la croissance

Par Mohsen Hassen (Ancien ministre - Économiste)

La Banque centrale de Tunisie (BCT) va annoncer prochainement certaines mesures pour rationner les crédits aux particuliers et aux entreprises, l’institut d’émission va réviser les règles prudentielles et de répartition des risques en instituant un ratio Crédits/Dépôts pour les banques. 

Cette politique de resserrement de crédit (Credit Crunch), souvent associée à une panique bancaire, est due essentiellement, aux causes suivantes: la hausse des prix et des coûts d'emprunts des banques entre elles-mêmes et la mauvaise solvabilité des emprunteurs.

Une fois lancé, ce processus a tendance à s'autoalimenter. La contraction du crédit provoque celle de l'activité économique qui suscite à son tour l'aggravation des risques de défaut de paiement. Ces risques incitent les financeurs à réduire encore davantage l'offre de crédit pour limiter leur exposition, etc.

Les PME victimes de la crise bancaire

L’accès des petites et moyennes entreprises (PME) au financement en Tunisie est à un niveau alarmant. Au moment où on aspire à une meilleure dynamique de croissance dans les années à venir, 11.000 PME en Tunisie représentant le 2/3 des activités économiques du pays ne totalisent que 15% des concours bancaires.

Selon une enquête, réalisée par Sigma Conseil sur “l’accès de la PME au financement en Tunisie ”à la demande de la CONECT (Confédération des entreprises citoyennes de Tunisie) 71,8% des dirigeants de PME se disent “insatisfaits” du financement de leurs entreprises , contre 22,9% qui ont exprimé leur satisfaction des mécanismes de financement en place.

La problématique de l’accès au financement des PME en Tunisie peut être résumée en 4 points :  le éfaut de garantie, la faible structuration des dossiers de demande de financement , la faiblesse des fonds propres et les conditions de financement (taux d’intérêt, apport) prohibitives.

Outre ces problèmes structurels, les PME ressentent, actuellement, la sélectivité bancaire à plusieurs niveaux :

 - Une sélectivité sectorielle : la promotion immobilière, le tourisme, le textile…
- Une sélectivité par les règles prudentielles
- Une sélectivité par le risque

La conjoncture actuelle comporte, aussi, d'autres facteurs tel que la montée des pressions inflationnistes ou encore la dépréciation de notre monnaie qui menacent la compétitivité des PME tunisiennes.

Le resserrement des conditions de financement est susceptible d’avoir un plus grand impact négatif sur les entreprises les plus dépendantes du financement externe, en particulier les PME, alors que les grandes entreprises ont plus de facilités à se financer sur les marchés et à conserver la confiance des banquiers.

Il est susceptible d’engendrer une augmentation des défaillances d’entreprises et une aggravation du chômage puisque les PME constituent le vivier de l’emploi.

Du coup, on commence à mesurer une répercussion sur l'état d'esprit des chefs d’entreprise qui commencent à faire face à un véritable assèchement financier, qui risque de les asphyxier et de compromettre la pérennité de leurs activités d'exploitation.

C’est en ce sens qu’un «new deal» est souhaitable. Les pouvoir publics ont un rôle central à jouer en envoyant des signaux clairs.

Ce «new deal» passe par des moratoires pour les secteurs sinistrés. Mais il passe aussi par une politique incitative à la constitution de fonds propres  et une amnistie fiscale en contrepartie d’un durcissement des contrôles et des amendes pour les fraudes ultérieures.

Les banques, quant à elles, doivent proposer de vraies compétences d’accompagnement des entreprises, cet appui a un effet positif sur le développement et la rentabilité, surtout, des jeunes entreprises.

M.H.

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