Le tourisme tunisien face aux pillages institutionnalisés des ressources humaines
Par Kaïs Ben Mrad
La vidéo de la dame tunisienne qui a été victime du vol de ses bijoux par les femmes de ménage d’un luxueux hôtel de Djerba a créé le buzz sur les réseaux sociaux. L’affaire a en effet rouvert encore une fois le débat sur la responsabilité des hôteliers et de leurs personnels lors de la survenance de ce genre de délit, ainsi que sur la qualité de la formation de ceux qui travaillent dans le secteur du tourisme.
Selon de nombreux hôteliers, l’éternel problème de la qualité des services s’est considérablement aggravé ces derniers temps, puisqu’ils ne trouvent plus de personnel qualifié pour l’engager. Ce constat, qui se confirme encore plus durant la haute saison touristique est dû au manque de personnel compétent et au pillage institutionnalisé des ressources humaines du secteur.
Un pillage enregistré à petite échelle au niveau national, puisque certains hôteliers parfois de la même zone n’hésitent pas, à l’approche de la haute saison, à piquer le personnel formé par leurs voisins sans aucun respect de toute déontologie. Il y a un pillage enregistré surtout au niveau international, puisque certains pays, à l'instar de la France, profitent des milliers de travailleurs touristiques tunisiens en les engageant comme saisonniers dans les hôtels et restaurants de l’Hexagone. Histoire de faire face à l’énorme pénurie du personnel spécialisé constaté dans ce pays après la crise sanitaire du COVID-19, surtout au niveau des postes de serveurs, de plongeurs, de cuisiniers, de femmes de ménage et de commis ou chefs de rang…
Les candidats ainsi retenus sont en train d’aller travailler par milliers en France pour une période maximale de six mois avec un salaire d’au moins 1645 euros brut pour 35 h par semaine. Une base amenée à évoluer, en fonction des grilles de salaire établies dans la branche de l’hôtellerie-restauration de l'Union Française des Métiers et des Industries de l'hôtellerie (UMIH).
En plus du phénomène inquiétant de la fuite des cerveaux, puisque les médecins, les ingénieurs Big Data, les ingénieurs web, les architectes système ou encore des ingénieurs consultants… sont désormais même interceptés, dès leur parcours académique achevé, c’est donc le phénomène de l’immigration des travailleurs qualifiés dans certains secteurs comme le tourisme qui ne cesse d'augmenter et de poser de sérieux problèmes.
Pourtant, la formation, que ce soit de l’élite ou de personnel spécialisé, coûte cher à l'État qui se rend compte à la fin qu'il a formé des ressources humaines de qualité non pas pour lui, mais pour les pays de l’Occident. Vu que le nombre de jeunes diplômés ou de travailleurs spécialisés qui quittent la Tunisie à la recherche de situations professionnelles et sociales plus avantageuses n’a cessé de progresser, il est donc logique que la qualité des services dans notre pays aille en se détériorant puisque les meilleurs sont partis tenter leur chance ailleurs.
Ce sont les patrons tunisiens qui sont ainsi à plaindre et particulièrement dans ce cas les hôteliers obligés face au manque cruel de personnel opérationnel et de personnel d’encadrement, à engager pêle-mêle et sans vérifications des personnes incompétentes ou non formées pour faire face aux besoins de la haute saison. Ce qui influe sur la qualité des services et peut augmenter les dérapages et les problèmes dont les vols à l’instar de ce qui s’est passé dans ce luxueux hôtel de Djerba.
Il appartient désormais aux autorités tunisiennes de trouver les moyens et les stratégies de retenir au pays le plus de compétences possible, afin de les inciter à sauver certains secteurs et contribuer ainsi au développement national d’un pays qui a besoin de toutes ses richesses.
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