Le tourisme tunisien face à son avenir !
Le tourisme tunisien à connu plusieurs crises dans le passé (guerre d’Irak, guerre du Golfe, attentats d’Egypte). Mais la crise actuelle est très grave, parce qu’elle dure déjà plus de 2 ans. Et parce que ses causes ne sont pas externes, mais internes.
L’avenir du tourisme tunisien est donc bien sombre, parce que la gravité de cette crise a été méconnue et occultée jusqu'à ce jour par tout le monde. Ensuite parce qu’il est menacé cette fois-ci de disparaître.
Historique du Tourisme en Tunisie
C’est l’Etat qui s’engagea le premier dans la création du secteur touristique, sous l’influence de la France et des pays Européens, ou parce que l’idée était très séduisante, qu’importe :
- L’Etat investit donc beaucoup dans la construction de nombreux palaces et hôtels de luxe, et par la formation de cadres Hôteliers.
- Il encouragea les privés et des cadres de l’administration à investir dans la création d’entreprises hôtelières et touristiques: Octroi de terrains à des prix dérisoires, facilités pour obtenir de crédits auprès des banques, formation du personnel, Octroi de nombreux avantages fiscaux et d’aides financières…..etc.
Durant les 40 dernières années, l’Etat assura ainsi les meilleures conditions du développement du secteur touristique :
- Création de zones touristiques viabilisées dans les régions côtières.
- Développement de la formation Hôtelière par la création d’écoles hôtelières dans les régions touristiques.
- Construction de plusieurs marinas.
- Attitude très laxiste vis-à-vis des promoteurs corrompus ou qui ne respectaient pas la loi, et même pas les règles pour fournir à la clientèle des produits et un service de qualité.
- Complaisance du vis-à-vis des pays émetteurs et des TO : Les autorités leur ont permis, durant les 40 dernières années, de modeler les activités touristiques en fonction de leurs seuls intérêts financiers:
- Ces derniers en profitèrent pour pousser les autorités à développer d’abord le tourisme balnéaire, puis le tourisme de masse, puis le tourisme des jeunes, puis le tourisme du 3ème âge, puis le tourisme culturel, puis le tourisme haut de gamme, et ces 15 dernières années la formule du « All inclusive »….etc .
- Ils ont toujours profité également pour imposer des tarifs toujours plus bas et bénéficier de plus en plus d’avantages.
- Ils finirent durant les 20 dernières années par mettre la main sur un grand nombre d’Etablissements, soit en rachetant la majorité de leur capital, ou en incitant beaucoup de promoteurs à prendre leur Etablissement en « gestion pour compte »? Le pourcentage d’Etablissements Hôteliers gérés par des sociétés étrangères qui ne dépassait pas les 17% dans les années 70 ; a dépassé jusqu’à ce jour les 35%.
Tourisme: des hauts et des bas
Le Tourisme a certes rapporté beaucoup de devises à l’Etat. Il a créé beaucoup d’emploi, et a eu un effet positif sur les autres secteurs économiques. Mais il a fragilisé notre économie, a pollué l’environnement naturel et a perturbé notre culture et nos traditions.
Le Tourisme à été en fait une forme insidieuse de néocolonialisme. Or ce nouveau colonialisme été beaucoup facilité par l’incompétence professionnelle de beaucoup de promoteurs, qui n’ont jamais su gérer leur entreprise, et à l’incompétence politique des autorités de tutelle, qui n’ont jamais eu une vision claire du développement du secteur touristique.
Après le 14 Janvier 2011, l’Etat perdit beaucoup de son autorité. C’est ce qui permit aux pays émetteurs d’abandonner le Tourisme Tunisien à son sort :
- Ils dissuadèrent leurs nationaux de ne pas fréquenter notre pays. Leurs TO fermèrent le robinet des réservations. Et beaucoup de sociétés étrangères de gestion, en profitèrent pour quitter le pays, en emmenant leur argent, en laissant en ruines les entreprises qu’ils géraient et au chômage des milliers d’employés.
L’arrivée du pouvoir des Islamistes effraya encore plus ces « partenaires », et les citoyens de ces pays (les touristes potentiels, qui avaient déjà une psychologie très fragile.
Enfin une des causes principales de la crise de notre tourisme et qui risque de lui donner le coup de grâce a été la réaction et le comportement de tous les intervenants tunisiens:
-L’Etat des Islamistes: Au lieu d’essayer de résoudre le problème de la crise, l’Etat, aggrava la situation: Il laissa à plusieurs reprises les « salafistes » brandir leur drapeau noir. Il permit aussi ces « salafistes » organiser des descentes dans des Hôtels pour interdire la vente de l’alcool.
- Il décida d’imposer une taxe de 2500 à l’entrée du pays.Il a programmé de liquider les vielles unités hôtelières à bas prix à des financiers des pays du Golfe.
Le ministère du Tourisme: Les divers ministres qui se succédèrent n’ont jamais compris ni les réalités du secteur touristique ni les causes réelles de la crise. Ils n’ont su réagir qu’avec » la langue de bois » ou avec des promesses fumeuses genre « La situation va s’améliorer durant les 3 prochains mois, ou dans les 6 prochains mois, ou d’ici la fin de l’année, ou dans la saison de l’année prochaine ».
-Le Président de la République : Vu les limites de ses fonctions il n’a jamais eu de réaction.
- L’Assemblée constituante : La majorité des députés étaient surtout préoccupés à augmenter leurs salaires et à se garantir une retraite dorée. Ils ne proposèrent, au mieux que quelques solutions farfelues.
- Les syndicats des patrons : Les 2 Fédérations (La Fédération de l’hôtellerie et la Fédération des Agences de voyage) ne savaient (comme toujours) que pleurnicher et supplier l’Etat de les aider encore et encore. Devenues des fédérations des assistés, ils n’ont jamais su que demander à l’Etat plus d’aides et d’avantages, ou d’intervenir pour sauver de la prison ceux qui n’ont pas payé leurs impôts, ou ceux qui ont été pris en flagrant délit de corruption.
-Les professionnels : Ce sont des victimes. Ceux qui n’ont pas encore fait faillite, essayaient de survivre, et de sauver les meubles.
-Le syndicat des travailleurs ; C’est le silence total, vu qu’il ne savait que revendiquer toujours des augmentations de salaire quelle que soit la situation.
-Le personnel : C’est la seule grande victime de la crise.
-Les partis politiques du pouvoir: Ils ont tellement peur de quitter le pouvoir, qu’ils s’en foutent de la crise du tourisme. Seuls plusieurs de leurs politiciens, de leurs intellectuels proposèrent des solutions pour sauver le secteur touristique, mais c’était des propositions absurdes ou fantaisistes. Certains proposèrent d’ajouter au mot tourisme l’adjectif « islamiste », comme si cette révolution sémantique allait provoquer un miracle. D’autres proposèrent de transformer le tourisme Tunisien en « tourisme Halal ». Enfin d’autres proposèrent de convaincre les touristes de se convertir à l’Islam. Bref c’est le délire total.
- Les partis politiques de l’opposition ; Ils n’ont même pas proposé dans leurs programmes d’alternatives sérieuses au système d’économie libérale de l’ancien régime, dont le secteur touristique fait partie. Comment voulez-vous qu’ils s’intéressent à la crise du Tourisme ?
- Les intellectuels : La majorité ont eu un silence éloquent. Seuls quelques-uns ont présenté des analyses simplistes, ou des solutions aussi farfelues qu’illusoires.
- La classe des riches : Ils ne disent rien. Ils s’en foutent déjà de la crise du pays, alors la crise du Tourisme, c’est leur dernier souci.
- La classe populaire: Elle est occupée à survivre. Elle ne s’intéresse à la crise du Tourisme qu’a cause du chômage qui touche ses jeunes.
- La classe moyenne (ou majorité silencieuse) : Elle se tait aussi. Mais elle commence à s’inquiéter car ses conditions de vie commencent à être grignotées petit à petit.
Conclusion
Jusqu'à ce jour, l’avenir du secteur touristique est très incertain. Il n’ y a que 3 possibilités qui se présentent:
Première possibilité: Les pays émetteurs (pays européens) vont obliger les nouvelles autorités à continuer comme avant, et même à augmenter la mainmise des TO sur notre tourisme, pour faire plus de profit. Et cela quelle que soit la nature du nouveau pouvoir politique.
Deuxième possibilité : Si le nouveau pouvoir politique refuse, il devra affronter une véritable guerre économique, politique, diplomatique, médiatique….etc.
Troisième possibilité : Dans tous les cas, le nouveau pouvoir politique pour s’en sortir devra révolutionner notre tourisme en le transformant en un tourisme de qualité.
- Le ministère du Tourisme devra changer la majorité des effectifs de l’administration du tourisme ; parce que ceux qui existent, s’ils ne sont pas près de la retraire, ont déjà démontré déjà dans le passé leur manque de professionnalisme et de compétence. Il devra organiser une véritable mise à niveau de toutes les structures des intervenants dans le secteur touristique.
- Les syndicats doivent jouer beaucoup plus un rôle d’encadrement et de contrôle, qu’un rôle corporatiste.
- Les autres organismes de l’Etat doivent collaborer activement à la réussite du secteur touristique.
- Les partis politiques doivent ajouter à leurs critiques la critique permanente du secteur touristique pour l’améliorer davantage.
Béchir TOUKABRI