L’économie tunisienne « sous perfusion » a régressé de 15 à 20 ans entre 2010 et 2016 (Mourad Hattab)
«L’économie Tunisienne a accusé depuis la fin de 2010, une régression temporelle de 15 à 20 ans. Elle est actuellement, sous perfusion. La muette agonie qu'est en train de vivre le pays, va prendre fin, mais on ne peut pas imaginer cette fin, qu'à long terme, étant donné que notre tableau de bord est très limité », a affirmé l’expert économique, Mourad Hattab, dans un entretien accordé à l’agence TAP.
Hattab a relevé que le pays a un problème de liquidités, «il a perdu sur les plans économique et financier, 40% de son potentiel en matière de liquidités, suite à un développement exceptionnel de l’économie informelle, mais aussi, du fléau des importations anarchiques. Les importations nationales représentent des flux de l’ordre de 42 milliards de dinars, par an depuis 2011, soit trois fois les réserves annuelles en devises du pays, dont 60% sont des importations anarchiques».
"En un laps de temps très court, la Tunisie s’est transformée en un pays extrêmement déficitaire sur le plan commercial et des paiements extérieurs, mais aussi, au niveau des finances publiques. Entre les années 2011 et 2016, le déficit budgétaire a doublé, passant de 3 à 6% et pourrait atteindre jusqu’à 7%, en 2017 », a t-il souligné. « Depuis 2011 et jusqu’au maintenant, la Tunisie a eu recours à 35 crédits extérieurs, pour une valeur de près de 30 milliards de dinars, afin de pallier à cette situation. Notre ratio d’endettement a doublé, il est estimé à 85% du PIB, compte tenu de l’endettement du secteur public. Le ratio d’endettement équivaut 5 fois les réserves en devises du pays et deux fois ses recettes d’exportation. La dette est devenue insoutenable par rapport aux normes généralement admises en la matière ».
« Cette situation est aggravée par la baisse de la valeur du dinar par rapport aux trois monnaies d’endettement, à savoir le yen, le dollar et l’euro, soit une dépréciation de l’ordre de 31%, durant cette période de transition». D’après Hattab, l'augmentation du service de la dette est estimée à 8 milliards de dinars pour 2017. Cette hausse est très importante, notamment avec la dépréciation de la monnaie nationale. « La Tunisie est le seul pays au monde ayant eu autant recours à des financements auprès du FMI, dans un intervalle de temps ne dépassant pas quatre ans.
Le FMI est le premier bailleur de fonds de la Tunisie, sachant que tous les crédits de FMI sont conditionnés par des ajustements structurels et sont accordés à des taux d’intérêt effectifs globaux ( y compris les commissions) d'environ 3,64% », a par ailleurs, précisé Hattab. « Notre structure d’endettement auprès du FMI est calamiteuse, vu que nos crédits sont d’une échéance très courte, oscillant entre 4 et 6 ans et nous coûtent très cher».
En outre, "le taux d’investissement par rapport au revenu national brut, a baissé jusqu’à 12%, ce qui est un taux très faible. En effet, le financement de l’économie par tous les acteurs concernés, est très limité et est de l’ordre de 53 milliards de dinars en 2015, ce qui représente 48% du PIB ». Pour l’expert, en l’absence de financement et d’investissement, le taux d’épargne demeure très faible en Tunisie. Pour les ménages, ce taux ne dépasse pas 3% (toutes catégories d’épargne confondues), en se référant aux chiffres de l’INS.
Selon Hattab, le secteur privé qui a sauvé la Tunisie en 2011, a perdu 40% de son potentiel »… « Nous avons perdu les joyaux du secteur privé, à savoir, les secteurs touristique, du textile-habillement et du cuir et chaussures ». Et d’ajouter que les services et marchandises provenant des marchés asiatiques et de la Turquie, ont envahi le marché local. La Tunisie accuse avec ces pays, un déficit énorme représentant 50% de son déficit commercial.
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