Les étudiants africains en Tunisie dénoncent le racisme et interpellent l'Etat sur le fléau !
Après le match controversé qui a opposé la Tunisie à la Guinée équatoriale lors du quart de finale de la CAF 2015, l'AESAT (Association des Etudiants et Stagiaires Africains en Tunisie) a organisé ce mercredi 04 février 2015 à Tunis une conférence de presse. Objectif: revenir sur les agressions physiques et verbales dont ont été victimes les ressortissants subsahariens vivant en Tunisie, dénoncer les agissements discriminatoires et interpeller l'Etat sur la propagation d'un racisme ambiant, dangereux et impuni.
Ils sont environ 8 mille en Tunisie. Ils sont Maliens, Camerounais, Congolais, Tchadiens, Béninois, Burkinabè, Mauritaniens, Sénégalais, Togolais, Centrafricains...Et en ont ras-le-bol. Ras-le-bol du racisme. Ras-le-bol des obstacles administratifs dressés devant eux comme un mur insurmontable. Ras-le-bol des descentes de police à domicile. Ras-le-bol des violences physiques et verbales...La liste des maux dont souffrent les étudiants subsahariens en Tunisie est longue et insupportable.
Tous ces étudiants en ont marre de vivre le calvaire au quotidien dans un pays qu'ils ont pourtant choisi pour faire leurs études supérieures. Mais ces cris stridents semblent tomber dans l'oreille de sourds, vu que les autorités ne semblent pas prendre au sérieux le mal.
Au cours d'une conférence de presse, organisée aujourd'hui 04 février 2015, à Tunis et à laquelle ont pris part des étudiants, des membres de la société civile, des présidents de différentes associations affiliées à l'AESAT...le président de l'AESAT, Toussaint Bagula (entouré de Anaïs Elbassil, coordinatrice de la Maison du Droit et des Migrations, et de membres de l'Association), est revenu sur les agressions racistes dont ont été victimes les ressortissants subsahariens en Tunisie après le match.
Alertée par des cas d'agressions physiques et verbales et d'injures à caractère raciste à l'encontre des Subsahariens dans les rues et sur les réseaux sociaux, l'AESAT ne pouvait rester muette face à de tels agissements. Raison pour laquelle, le président de l'AEAST a tenu à interpeller la société civile, les autorités compétentes et la presse afin que plus jamais ce genre de comportements ne se reproduisent. Mais selon les propres termes du président, "l'AEAST ne cherche pas à accuser, mais à dénoncer". "Nous déplorons des cas de racisme sans accuser la Tunisie d'être un pays raciste", lance-t-il !
Plusieurs cas d'agression repertoriés
Selon Mariam Touré, chargée à l'information au sein de l'Association, une enquête avait été établie par l'AEAST, qui est allée sur le terrain pour recenser les cas d'agression après le match. Ainsi, un étudiant guinéen a été agressé à Borj louzir, un étudiant camerounais à l'Aouina, un étudiant malien à Ennasr, un étudiant congolais à la station terminus de l'Ariana, cinq étudiants tchadiens agressés à Sfax dans un café...et la liste continue! Il est clair que toutes ces agressions physiques, injures haineuses aussi bien dans la rue que sur les résaeaux sociaux visent une couleur de peau.
L'AESAT salue, néanmoins, la bravoure de certains Tunisiens qui se sont interposés, dans certains cas, en défendant les victimes, lesquelles ont pu se défaire des griffes de leurs bourreaux.
Ces actes d'agression ne sont malheuseument pas des cas isolés. Dans le passé, l'AEAST a déjà dénoncé des agressions à l'encontre des ressortissants subsahariens victimes quotidiennement d'injures racistes et d'actes de discrimination. Il suffit de recenser les attributs réducteurs dont on affuble les Noirs en Tunisie (Guiraguira, kahlouche, abid, guird, oussif, lasmar…) pour se rendre compte de l’évidence.
Dans les rues de Tunis, de Gabès, de Sfax, de Djerba, et un peu partout en Tunisie, il n’est pas rare d’entendre ces "clichés" jetés dans l’indifférence générale à la figure de tous ceux qui n’auraient pas… le bon teint ! Et ce, sans le moindre complexe, ni la moindre fausse pudeur ! De telles attitudes sont même devenues "normales" dans un pays où le racisme semble être banalisé au quotidien.
"Profitant" de ces événements malheureux et dans le but de faire entendre, à nouveau, sa voix et pourquoi pas, prendre à témoin le monde entier, l'AESAT a décidé encore de passer la vitesse supérieure pour exprimer son indignation et dénoncer avec fermeté les persécutions et autres oppressions dont souffrent au quotidien les étudiants. Et les souffrances des étudiants subsahariens en Tunisie sont une réalité. La liste des difficultés est longue.
Quand les universités arnaquent les étudiants subsahariens !
Mis à part ces cas d'agressions après le fameux match, il y a lieu de reconnaître que la vie d'un étudiant subsaharien en Tunisie est loin dêtre un long fleuve tranquille. Cette Tunisie, pourtant connue, naguère, pour son hospitalité, sa tolérance et son ouverture, est-elle en train de se renier !?
Comme dans tous les pays du monde où les étudiants sont censés bénéficier d'un titre de séjour, en Tunisie trouver la carte de séjour s'avère un vrai parcours du combattant. Aux côtés de la lourdeur administrative sont venus s'ajouter d'autres maux, les uns plus insupportables que les autres.
Selon l'AESAT, chaque année, ce sont plus de 60% des demandes de séjour qui ne sont pas satisfaites. Et qui dit demande non satisfaite dit situation irrégulière.Et cela expose les étudiants (qui ont pourtant leur inscription en bonne et due forme) à des expulsions arbitraires. Le comble, c'est qu'aucune explication n'est donnée de la part des autorités." Des autorités qui semblent faire payer aux étudiants leur lenteur administrative.
Malgré les nombreux courriers adressés par l'AESAT au ministère de l'Intérieur, au ministère des Affaires étrangères, au ministère des Affaires sociales, à l'UGTT, à Amnesty International, à l'Association Tunisienne des femmes démocrates, à la Ligue tunisienne des droits de l'homme...la situation demeure la même.
Selon Ouermi Oumou, secrétaire générale de l'AESAT, "les étudiants subsahariens sont victimes d'arnaques". Pourtant, bien que les étudiants étrangers inscrits dans les universités privées déboursent annuellement une fortune pour pouvoir suivre les cours (10 mille dinars contre 5 mille pour les Tunisiens), ils ne sont pas des mieux lotis.Certaines universités arnaquent carrément les étudiants en leur faisant payer beaucoup plus qu'il n'en faut. Sans compter de la publicité mensongère faite par ces universités dans les pays d'Afrique Noire. "Il arrive que l'université vienne faire sa promotion chez nous en nous détaillant la liste des spécialités. Mais une fois sur place, on déchante, car la spécialité que l'on avait choisie n'existe tout simplement pas", a lancé la secrétaire générale.
Les cartes de séjour, elles, sont délivrées au compte-gouttes. Tandis que les dossiers de nombreux étudiants, rejetés sans justification, se retrouvent dans l'illégalité. Quand ces derniers ne sont pas expulsés au cours d'un contrôle policier ou lors d'une descente de police à domicile, ils sont contraints, à l'aéroport, de s'acquitter de lourdes pénalités sonnantes et trébuchantes une fois qu'ils désirent rentrer chez eux.
Mis à part les problèmes de papier, le sentiment de toujours avoir la police à ses trousses, la difficulté à trouver un logement,... les étudiants sont victimes aussi d'gressions sexuelles. Et le plus écoeurant, c'est que ces pauvres étudiants ne peuvent même pas porter plainte. C'est à peine si leur récit est pris au sérieux par la police qui ne bougera jamais son petit doigt.
L'AESAT appelle encore une fois les nouvelles autorités à prendre au sérieux les problèmes des étudiants et stagiaires africains en Tunisie. Il y va, avant tout, de l'image que la Tunisie renvoie à l'étranger !
O.D.