Lettre ouverte aux décideurs sur les migrations vers l'Italie

Lettre ouverte aux décideurs sur les migrations vers l'Italie

M. le Ministre italien des Affaires étrangères,

Mme la ministre italienne de l’Intérieur,

Aujourd’hui, en Tunisie, vous souhaitez réaliser votre désir d’expulser plus de migrants vers la Tunisie. Nous vous rappelons que vous avez dit que l’Italie accueille moins d’immigrants que les années précédentes (2015-2018), que la Tunisie traverse une crise économique, sociale et politique, et que vous souhaitez toujours soutenir « l’expérience tunisienne ». Votre pays souffre d’une pénurie importante de main-d’œuvre dans de nombreux secteurs, peut-être vaut-il la peine de négocier avec la Tunisie un accord qui faciliterait la migration des travailleurs saisonniers.

Votre manque de coopération pour cas des migrants tunisiens disparus en mer indique bien votre conception unilatérale de la coopération. Les photos et vidéos reçues de certains centres de détention en Italie prouvent l’existence de violations systématiques, physique et psychologique des immigrés tunisiens et de leur dignité.

Vous voulez gagner la confiance de vos électeurs et de vos citoyens, mais cela ne doit pas passer par la violation des droits des immigrés et leur intimidation, ni par la menace les pays voisins, mais plutôt par la contribution à la construction d’un espace méditerranéen plus juste, plus pacifique, plus solidaire et garantissant les droits et libertés. De tous.

Messieurs les Commissaires de l’Union européenne,

Théoriquement, les accords internationaux sont fondés sur le principe de réciprocité entre les États parties et sont censés être négociés sur la base de l’égalité. Mais il semble que la liberté de circulation entre la Tunisie et l’Union européenne n’est accordée qu’à une seule partie.

L’Union européenne, par sa politique d’octroi strict des visas et de sélection de certaines catégories, aggrave et perpétue les inégalités sociales entre les catégories sociales.

L’Union européenne cherche à ouvrir davantage la Tunisie sur l’Europe en termes de circulation des biens, services et capitaux, mais pas en termes de libre circulation des personnes, et ce, malgré son affirmation selon laquelle elle veut s’adapter aux contextes post-« révolutions» dans la région et aux défis auxquels leurs pays sont confrontés.

L’Union européenne et ses pays doivent démontrer son respect des droits et libertés des citoyens de la Rive Sud et ce qu’elle appelle son « soutien permanent à la Tunisie ». Elle doit appeler ses États membres à libérer les migrants irréguliers tunisiens dans les centres de détention en Italie, en Espagne et ailleurs.

Les acquis politiques et en matière de droits humains en Tunisie sont fragiles. Ils sont menacés par la détérioration de la situation économique et sociale dans le pays et les accords de partenariats inégaux qui contribuent à aggraver la crise sociale en menaçant de saper la transition démocratique dans le pays.

Messieurs les décideurs,

Les forces qui croient aux valeurs des droits de l’homme et des libertés poursuivent leurs luttes en Tunisie, en Italie et sur les deux rives pour la défense des droits des migrants. Ils contribuent à sauver des vies et œuvrent pour une Mer Méditerranée et un monde plus solidaire et pacifique. Elles ne sauront pas découragées par les approches anti-immigration et anti-immigrés sur les deux rives. Elles refuseront les lois ou accords sur mesures qui confisquent les droits et perpétuent les discriminations

Forum tunisien des droits économiques et sociaux

Le Président Abderrahmane El Hedhili
 

Votre commentaire