L’homo Fehrinus
Je m’excuse.Sami Fehri ne serait pas un symptôme névrotique. Je le croyais sincèrement. Je me suis vraisemblablement gouré. Faute de jugement. Colère violente. Oulad Moufida, m’a tellement « tuer » que le mot n’a tourné qu’une seule fois dans ma langue : « symptôme névrotique ».
Le feuilleton en soi ne mérite pas une chronique. Du mektoub en plus concupiscent. Fehri n’évolue pas, il s’affirme, sans s’afficher. Persiste sans signer. L’histoire n’a pas de récit, les personnages relèvent de la caricature, les relations schématiques et sommaires, servent une seule émotion : la haine.
L’argument réaliste est démago : le spectateur censé se retrouver dans « cette télé-réalité » proteste d’un réel plus riche, plus varié, largement plus humain et immanquablement plus heureux. Allez disputer la réalité au réel !
Je ne m’attarderais sur les arguments-chaussettes de la mimésis et du réalisme. Un seul mot sur ce dernier, le réalisme en soi n’existe pas, le réalisme socialiste, oui. Le réalisme artistique doit diriger les consciences vers la lutte des classes ! Ce n’est ni ce que pense ni ce que fait Fehri et ses tatoués trash….
De quoi Sami Fehri est-il donc le relent ?
La question est immense !
D’abord Sami Fehri n’est pas le seul à sortir « sa poubelle » à la même heure. Ils le font tous. Ils ‘ont tous fait. Après tout, les éboueurs passent à une heure fixe !!
Ensuite, Fehri est le prolongement du mauvais cinéma tunisien, rarement distingué pour ses qualités artistiques mais souvent encensé pour des raisons idéologiques outre-mer et outre-mesure. Il ne fait que persévérer, le talent et les idées en moins. « Le cinéma tunisien est particulièrement connu pour ses tabous en culottes courtes. À la tête du peloton «coquin», il a offert quelques immortels en la matière. Beaucoup de feuilletons ont levé des tabous, presque tous tournent autour d’un adultère ou deux. ‘‘Mektoub’’ n’en est qu’une suite timide et embarrassée, par moments fétichiste ! » écris-je déjà en 2009.
Puis, Fehri est le dernier bélier qui cogne sur le muraille du corps. L’homme est corps, un simple corps. Pas le corps physique tel qu’il se présente à nous. Mais bien plutôt un corps représenté. Un corps éternellement vide, éternellement inassouvi, en perpétuelle privation, toujours tendu vers un baiser sincère ! Triste et meurtri par ses limites, dont le plaisir est moins charnel que narcissique: comment se faire aimer : la violence n’a rien fait, la soumission, non plus, la manipulation encore moins. Comment Dieu se faire enfin aimer.
Enfin et j’en viens à l’essentiel, Fehri est aussi le dernier Bélier qui cogne sur la muraille de l’esprit. Fehri ne retient de l’âme grecque tripartite que « l’epithumia » (l’âme d’en bas siège des basses passions et appétences, situé dans le ventre). Le « Noûs » ( l’âme d’en haut siège de l’intelligence, situé dans la tête) n’existe pas. Pas l’intelligence « neuronale » physique. Pas l’esprit comme il se dit. Mais bien plutôt l’intelligence « représentée » : la sagesse nécessaire à la vie commune. La sagesse nécessaire à la vie tout court. La sagesse filiale qui vient des siècles et de l’expérience. La culture, pour dire les choses clairement, la culture tunisienne!
Le héros de Fehri semblerait moins bohème que primitif, sans culture ! Au propre comme au figuré. Il rejetterait l’esprit parce qu’il n’aurait jamais bien porté son corps. Parce qu’il n’en aurait jamais fini avec les premiers affects : l’amour, la confiance, l’estime, le respect…… C’est encore difficile pour l’homme de Fehri d’entrer « en culture » ! L’homo-fehrinus n’en est pourtant pas réel : ce sont les les loques d’une culture tunisienne désavouée, honnie, inassumée, reniée, à tout bout de champ.
L’homo-fehrinus, serait primitif par défaut ! Parce qu’on lui aurait volé sa culture…….Celle par laquelle retrouverait-t-il son esprit…..
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