L’IVD dans la tourmente, sa présidente sur la sellette
L’Instance Vérité et Dignité(IVD) se trouve ces derniers temps « dans la tourmente », selon le journal le Maghreb dans sa livraison de jeudi 27 août et « au bord de l’implosion », selon la Presse. Cette Instance qui, contrairement à ce qui s’écrit et se dit, n’est pas une instance constitutionnelle, connaît ces derniers temps, beaucoup de remous en son sein.
Les Instances constitutionnelles sont au nombre de cinq et sont définies dans le chapitre VI de la Constitution et qui sont l’Instance des élections, l’Instance de la communication audiovisuelle, l’Instance des droits de l’Homme, l’Instance du développement durable et des droits des générations futures et l’instance de la bonne gouvernance et de la lutte contre la corruption.
Pour revenir à l’IVD, elle vient d’enregistrer une quatrième démission en la personne du juge administratif Mohamed Ayadi, pratiquement pour les mêmes raisons, à savoir « un climat délétère et une mauvaise gestion ». La lettre fuitée du vice-président Zouhaier Makhlouf adressée au président de l’Assemblée des Représentants du Peuple, eut l’effet d’une bombe puisqu’elle a mis à nu les pratiques jugées « arbitraires et déplacées » de Sihem Ben Sedrine. Cette dernière a fait traduire devant le conseil de discipline le directeur des études et des recherches Laroussi Amri, pour « incompétence » et qui a préféré démissionner. Elle a tenté de réunir, mercredi 26 août, le conseil de l’Instance pour délibérer sur la démission de Ayadi et sur le cas de Zouhaier Makhlouf, mais n’a pas réussi à rassembler le quorum requis et a dû reporter la réunion au jeudi 27.
Le problème de l'IVD, serait-il sa présidente?
le problème de l’Instance serait-il alors sa présidente? Elle a été imposée par l’ancienne Troïka au pouvoir, alors que, selon plusieurs spécialistes, elle n’en pas le profil. Le président d’une Instance de cette importance doit, en principe, remplir des critères d’objectivité, d’impartialité et surtout avoir le profil d’homme ou de femme d’expérience en matière de justice, un ancien haut magistrat, par exemple. Or, Ben Sedrine, pour son malheur, est en proie à plusieurs critiques puisqu’on lui reproche notamment sa propension à condamner avant de juger. En plus de ne pas avoir la compétence requise dans un domaine, celui de la justice, qui lui est complètement étranger, de par sa formation, et bien qu’elle se targue d’avoir une certaine expérience en matière de justice transitionnelle, elle est perçue beaucoup plus comme «une inquisitrice » que comme « une justicière ».
Mais ce n’est pas tout. Car Sihem, qui n’en démord pas, est accusée d’avoir été derrière la dissolution de l’ancien parti au pouvoir alors qu’elle va juger ses responsables. Elle est désignée comme étant l’instigatrice de la «liquidation» de ce qui est appelée la police politique alors que ses membres pourraient être traduits devant « sa juridiction ». Elle est montrée du doigt quand il s’agit de « connivence et de collusion avec des puissances étrangères », la rapport de l’ancien « directeur de la reconstruction et de l'assistance humanitaire en Irak », Paul Bremer et la lettre de son vice-président Zouhaier Makhlouf, en donnent les preuves. Certes, elle a été parmi les premières personnalités à fustiger les écarts de l’ancien régime et la corruption des familles qui « pillaient la Tunisie» et elle en a payé pour sa liberté, mais, pour son malheur, elle a dilapidé ce capital dont elle jouissait et même sa famille politique et ses anciens compagnons de route dans « le combat pour les libertés », l’ont désavouée. Son rapprochement avec la Troïka et surtout avec les sinistres « ligues de la protection de la révolution », a jeté le discrédit sur cette image qu’elle voulait se forger de « militante démocrate ».
Quelle issue?
L’initiative du président de la République pour la réconciliation avec les hommes d’affaires, une fois adoptée, finira par réduire le champ d’intervention de l’IVD qui se consacrera uniquement aux volets politiques et la torture. C’est pourquoi, Sihem Ben Sedrine a engagé une « véritable croisade » contre le projet de loi de la présidence, mobilisant autour d’elle beaucoup d’opposants dans les ranges des partis et de la société civile, laissant même libre cours à de graves dépassements langagiers comme c’est le cas d’Aziz Amami qui a menacé «d’incendier le siège de l’ARP », en cas d’approbation dudit projet, devant la sidération de certains membres de l’Instance et la délectation de sa présidente. D’ailleurs, une plainte a été déposée par près d’une vingtaine de députés contre Ben Sedrine et Amami pour « apologie d’une organisation terroriste et menace contre un établissement de souveraineté ». Elle est accusée de « complicité » puisqu’elle a publié l’intervention du blogueur sur la page officielle de l’Instance dans les réseaux sociaux. Déjà qu’elle est accusée de « non respect aux institutions de la République », le jour où, suivie de quelque six camions de déménagement, elle voulait récupérer de force les archives présidentielles dans une démonstration digne d’un « état bananier », elle se voit endosser, par des représentants du peuple, la responsabilité d’inciter à la destruction du « haut lieu » de la jeune démocratie.
Quelle issue pour cette situation alambiquée ? Ben Sedrine ne veut en aucun cas lâcher prise et démissionner alors qu’elle sait, après le départ de ses protecteurs, qu’elle est menacée de « destitution ». Elle s'accroche, cherche des alliances à l'intérieur et l'extérieur du pays, mène une campagne contre tous ceux qui s'opposent à elle et fait de sa survie à la tête de l'Instance une priorité incontournable. Or, les principes du jeu politique sont malléables et les « ennemis » d’hier sont devenus les alliés d’aujourd’hui. Rien n’est exclu et d’autres démissions pourraient intervenir d’ici peu et l’on parle déjà de Zouhaier Maklouf, Hayet Ouertani et de Mustapha Baazaoui, ce qui porterait le nombre à sept et conduirait, systématiquement, au blocage, en cas de non remplacement des démissionnaires. Un accord tacite, pourrait, alors, intervenir entre les partis de la coalition, pour la recomposition de la direction de l’IVD. Des noms commencent déjà à circuler dont un ancien candidat à la présidentielle et un ancien haut magistrat, aujourd’hui à la retraite.
B.O.