L'UGTT aurait-elle perdu tout contrôle de ses troupes ?
S'il est légitime que, partout dans le monde, le rôle d'un syndicat consiste à défendre les intérêts des salariés, il y a partout des lignes rouges à ne pas franchir au risque d'avoir des répercussions fâcheuses sur la bonne marche des institutions de l'Etat.
Acteurs du dialogue social entre l’Etat, les employeurs et les salariés, les syndicats peuvent légitimement engager des actions de protestation (grèves, sit-in, manifestations, pétitions…) quand les droits des salariés sont bafoués. Seulement voilà, en Tunisie, les choses ne se passent pas toujours ainsi. Surtout depuis la révolution, où certains syndicalistes se croyant sortis de la cuisse de Jupiter s'arrogent le droit de se comporter comme bon leur semble. Et ce, au mépris de la loi et au nez et à la barbe d'un Etat qui semble avoir perdu toute autorité.
Il est inadmissible qu'à l'heure actuelle où l'économie du pays passe par des périodes de vaches maigres, et où la discipline devrait régner, que l'on assiste à certains comportements de la part de certains éléments de l'UGTT.
La question que nombre d'observateurs seraient tentés de se poser est de savoir si l'UGTT contrôle encore ses troupes. Mais que se passe-t-il réellement au sein de l'UGTT? La centrale syndicale serait-elle désormais incapable de canaliser sa base? Sinon comment expliquer ces écarts répétitifs, dangereux et intolérables auxquels ils s'adonnent depuis quelque temps particulièrement ses responsables sectoriels ou régionaux? Des écarts qui ne sont pas de nature à donner une bonne image d’une centrale récipiendaire pourtant, il y a quelque temps seulement, du Nobel de la Paix.
Le premier trublion de ces écarts n'est autre que Adel Zouaghi, secrétaire général de la section de la Fédération syndicale de la santé de Sfax, relevant de l’UGTT, dont le procureur général près la Cour d’appel de Sfax a demandé récemment l'arrestation pure et simple. Et ce pour délit d'entrave à la liberté de travail conformément à l'article 136 du code pénal.
Déféré avec quatre membres du bureau syndical du CHU Habib Bourguiba, Zouaghi est poursuivi pour la énième fois pours ses écarts.
Dans ce procès celui qu’on surnomme le maitre de Sfax est accusé d’avoir empêché le directeur général et les employés de l’hôpital de travailler et d’avoir empêché une commission d’inspection envoyée à Sfax par le ministère de la Santé, d'accéder aux locaux de la direction du CHU, en leur fermant la porte de l'administration et en les chassant des lieux par la force.
Autre tête brûlée de cette série d'écarts: Lassâad Yaâcoubi. Après s'être illustré par de nombreuses sorties les unes plus insensées que les autres à travers lesquelles, il a toujours pris les élèves otage de ses grèves ou revendications, le secrétaire général du syndicat de l'enseignement secondaire vient de franchir le Rubicon.
Bien que n’ayant aucune relation avec le domaine médical, Yaacoubi a saisi l’opportunité de sa présence à un rassemblement de protestation qui a eu lieu ce lundi au siège du ministère de la Santé pour critiquer de la façon la plus acerbe le ministre de la Santé Saïd Aïdi, allant même jusqu'à écrire sur son mur que Aidi est "l'ambassadeur de France en Tunisie!"
Yaâcoubi estime qu’en soutenant l’ouverture des cliniques privées, le ministre a laissé tomber les droits des Tunisiens au lieu de se focaliser sur les dispensaires et les hôpitaux locaux et régionaux. Yaacoubi ose même demander au ministre de retourner d'où il vient, c'est-à-dire en France. Et de réclamer purement et simplement le départ du ministre du gouvernement.
C'est à se demander pourquoi ces syndicalistes de l’UGTT saisissent la moindre occasion pour déverser leur bile sur le ministre de la Santé, Saïd Aïdi. La décision de mettre un militaire à la tête de l'hôpital Habib Bourguiba à Sfax serait-elle la seule cause? Il est permis d'en douter ! De source digne de foi, le "militaire" aurait tout simplement mis le doigt sur des malversations, et aurait commencé à démanteler un réseau de corruption tentaculaire ou tout le monde est trempé. Donc, ce grand ménage opéré par le nouveau maître des lieux serait à l'origine de ces banales revendications syndicales.
Plus proche de nous est la sortie abracadabrante de Sami Tahri. Sur fond de polémiques stériles, nées de l'initiative du ministère des Affaires religieuses (prise conjointement par les ministres de l’Education) d'instaurer des séances gratuites d'apprentissage du Coran aux enfants pendant les vacances scolaires, Sami Tahri ne s'est pas embarrassé de déclarations on ne peut plus choquantes à l'encontre du projet.
N'en déplaisent aux opposants farouches de ce projet, l'apprentissage du texte sacré ne peut être que bénéfique pour l'épanouissement intellectuel et moral de l'enfant. Si l’on veut combattre le terrorisme et l’extrémisme, ne serait-il pas opportun de commencer par initier les mômes aux vrais fondements de l’Islam, à travers l’enseignement du Coran et la sunna, loin de toute interprétation belliqueuse et violente du texte sacré. Interprétations qu'a fait sienne Daech et les résultats que l'on connait.
In fine, il est que les hauts dirigeants de la centrale sortent du mutisme complice, en canalisant ces irresponsables en les rappelant à l'ordre de la manière la plus sévère qui soit. A défaut de quoi, c'est toute l'organisation syndicale qui risque de voir partir en lambeaux le précieux capital confiance qu'elle s'est bâti au fil du temps. A bon entendeur !
O.D.
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