L'UNESCO et ses partenaires résistent au nettoyage culturel et à l'extrémisme violent
A l'occasion de la Conférence générale de l'UNESCO, un panel international de haut niveau, qui s'est tenue ce lundi 6 novembre 2017, a réuni les ministres iraquien et malien, le procureur général de la Cour pénale internationale et des experts internationaux pour renforcer la coopération en réponse au nettoyage culturel et à l’extrémisme violent.
En ouverture du panel, la Directrice générale de l'UNESCO, Irina Bokova, a souligné le rôle clé de la protection du patrimoine dans l'élaboration de nouvelles stratégies pour la paix et la cohésion sociale dans les situations de conflit.
"Les extrémistes violents ciblent la culture parce qu'ils savent que le patrimoine culturel est une force de résilience. Ils attaquent le patrimoine et persécutent les communautés dans une stratégie globale de « nettoyage culturel », parce qu'ils connaissent le pouvoir de la culture de délégitimer leurs revendications et leurs fausses promesses. Face à cette menace, nous devons répondre avec le « pouvoir dur » (« hard power ») des mesures militaires. Cela appelle également le « soft power » de la culture et la transmission de l'histoire, comme bouclier moral et intellectuel contre la haine », a-t-elle déclaré.
"Les extrémistes ont détruit de nombreux sites archéologiques, des bâtiments religieux, des musées et des bibliothèques partout en Iraq, et les communautés en ont été profondément affecté. Reconstruire ce patrimoine culturel est une façon pour les gens de laisser derrière eux leurs souffrances et ouvrir une nouvelle porte ; c’est essentiel à la réconciliation nationale et locale", a déclaré Faryad Rawandozi, Ministre de la Culture de l'Irak.
"Les attaques contre le patrimoine culturel au Mali, que ce soit des mausolées ou des manuscrits, ont été des attaques contre nos croyances et notre façon de vivre, dans une tentative de nous anéantir. Notre réponse est d’engager tout un chacun dans la sauvegarde, la revitalisation, la réhabilitation et l’éducation pour le future de Tombouctou" a expliqué N'diaye Ramatoulaye Diallo, Ministre de la Culture du Mali.
Bokova a également souligné les récents progrès historiques réalisés en intégrant la protection du patrimoine dans les stratégies de paix et de sécurité, rappelant l'adoption d’importantes résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU (2199, 2347, 2354 et 2379) sur la protection du patrimoine en cas de conflit armé.
La Directrice-générale a réitéré l'importance de la coopération de l'UNESCO avec la CPI, se référant à la condamnation d’Ahmad Al Faqi Al Mahdi pour la destruction du patrimoine de Tombouctou, le premier procès de la CPI qui a qualifié la destruction de patrimoine culturel de crime de guerre.
La Procureure de la CPI, Fatou Bensouda, a noté les liens entre la dignité, les droits de l'homme et le patrimoine culturel, et l'importance de la responsabilité pour les crimes contre le patrimoine culturel. "Lorsque des biens culturels ou des bâtiments consacrés à la religion et à l'éducation sont attaqués, l'impact négatif peut être dévastateur pour les droits associés, notamment la liberté de pensée, de conscience et de religion, le droit à l'éducation et même les droits économiques. Ces crimes graves doivent être traités par le biais de la loi et la dissuasion. Dans mon bureau, nous sommes déterminés à faire notre part dans le cadre juridique du Statut de Rome », a-t-elle déclaré.
Karima Bennoune, Rapporteur spécial dans le domaine des droits culturels, a également souligné la nécessité de garantir le droit d'accès et de jouissance du patrimoine culturel. "C'est une expérience humaine, et c'est un droit humain fondamental. Des gens sont morts en défendant leur patrimoine culturel. À l'avenir, nous avons besoin de prévention, de responsabilité et de prise de décision inclusive », a-t-elle déclaré.
Mohamed Elmoctar Cissé, directeur de la Bibliothèque des Manuscrits d'Al Aquib à Tombouctou, est venu partager son expérience de l'occupation de la ville par l'extrémisme violent en 2012. « Nous vivions une prohibition radicale. Lorsque les extrémistes sont partis, nous avons travaillé pour rétablir nos activités et nos bâtiments, et nous avons engagé et formé nos jeunes. Les efforts de reconstruction se sont avérés essentiels à la résilience, à la réconciliation et au redressement de la population. " a-t-il expliqué.
Ce panel faisait partie d'une série d'événements organisés sous le thème «Le soft power de l'UNESCO aujourd'hui», soulignant l'utilisation du soft power par l'Organisation pour répondre aux défis d’aujourd’hui du développement durable et de la consolidation de la paix.
Le même jour, la Directrice générale de l'UNESCO et la Procureure générale de la CPI ont signé une lettre d'intention pour renforcer la coopération entre les deux institutions dans le domaine de la protection du patrimoine.
Dans le cadre des efforts de sensibilisation, la Directrice générale de l'UNESCO a dévoilé une réplique en trois dimensions de la statue monumentale du Lamassu (taureau ailé) de Nimrud (dans l’Iraq actuel) qui a été détruit par des extrémistes en 2015. L’inauguration a eu lieu en présence de Faryad Rawandozi, Ministre iraquien de la Culture, Francesco Rutelli, Président de l'association Incontro di Civiltà (Italie) et Vincenza Lomonaco, Ambassadrice et Déléguée permanente de l'Italie auprès de l'UNESCO, et Présidente de la Commission de la 39e Conférence générale de l'UNESCO. La statue sera exposée au Siège de l'UNESCO pour la durée de la Conférence générale, symbolisant ainsi l'engagement de l'Organisation à partager l'histoire et à transmettre ses valeurs aux générations futures.
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