Mezri Haddad est le "prototype de l’intellectuel persécuté", selon Moncef Marzouki

Mezri Haddad est le "prototype de l’intellectuel persécuté", selon Moncef Marzouki
 
On peut se demander pourquoi c’est maintenant que Mezri Haddad a décidé de rendre public ce document signé de la main de Moncef Marzouki, l’ancien président de la Ligue Tunisienne des droits de l’Homme (LTDH). Sa date, le 11 octobre 1994. Son contexte, un éclatement de la LTDH et une effervescence politique 7 mois après les élections présidentielles de mars 1994, lors desquelles Mezri Haddad avait publiquement soutenu la candidature de son "ami", Moncef Marzouki, dans un article de Libération intitulé "L’élection du roi de Tunisie".  
 
Avant de publier ce témoignage capital, nous avons posé la question du pourquoi maintenant à Mezri Haddad. Il nous a fait la réponse suivante: "Contrairement à ce personnage qui a usurpé la fonction présidentielle pour régler ses comptes avec ses ex-amis comme avec ses ennemis, en bricolant un livre noir indigne de son passé droit-de-l’hommiste, j’ai une certaine éthique que je n’ai jamais transgressée, même vis-à-vis de mes pires adversaires. Maintenant qu’il a été délogé du palais de Carthage, j’ai décidé de publier un certain nombre de documents personnels, qui ne touchent pas à sa vie privée mais à son parcours politique, jalonné de mensonges, de trahisons et de voltes faces. Ce premier document ne s’adresse pas à Moncef Marzouki, mais à l’ensemble de ses conseillers qui se sont fabriqués une légende de militants en essayant d’effacer la vraie histoire des vrais militants de la cause démocratique. Il s’adresse aussi aux jeunes qui ont cru aux mensonges de Marzouki".
 
Même si l’histoire des individus et des nations est toujours écrite par les vainqueurs, pour nous, journalistes indépendants, il y a des vérités historiques que nul n’a le droit de travestir, encore moins d’occulter. Or, depuis janvier 2011, il y a plusieurs mensonges qui ont été écrits ou dits au sujet d’un certain nombre de ministres, de hauts fonctionnaires, d’intellectuels et même de journalistes, considérés comme ayant été les "Azlem" de l’ancien régime. 
 
C’est le cas de Mezri Haddad, "intellectuel de renom", comme l’écrivait Moncef Marzouki, philosophe et ancien Ambassadeur de la Tunisie auprès de l’UNESCO. Certains l’ont accusé d’avoir traité le peuple tunisien de "hordes sauvages", alors que sur BFM-TV, il avait explicitement stigmatisé "les casseurs", les incendiaires, les pilleurs" et surtout "les hordes fanatisées", désignant ainsi les cellules dormantes de l’islamisme politique. 
 
On avait affirmé qu’il était membre du RCD, Mezri Haddad n’a jamais adhéré à ce parti ni à aucun autre d’ailleurs, même s’il a résolument soutenu Nidaa Tounes et plus particulièrement la candidature de Béji Caïd Essebsi. On avait dit qu’il n’a jamais été exilé politique sous Ben Ali, il l’a été de 1989 à 2000, avant tout le monde, y compris Moncef Marzouki, qui avait d’ailleurs une carte de séjour de dix ans et jamais de réfugié politique. 
 
Pourquoi donc, après avoir été l’un des plus redoutables opposants à Ben Ali, "opposé à la dérive autoritaire et sécuritaire du régime", comme le reconnait Moncef Marzouki, a-t-il décidé de rompre l’exil en avril 2000? Mezri Haddad y a répondu dans son livre "La face cachée de la révolution tunisienne" (2001): "parce qu’entre une opposition dissoute dans l’islamisme et aliénée à certaines officines étrangères, et un pouvoir souverainiste inscrivant ses réformes dans la continuité bourguibienne, mon choix était vite fait. A l’aventurisme révolutionnaire, j’ai toujours préféré le gradualisme réformiste ».
 
Quatre années par la révolution, il n’a d’ailleurs toujours pas dévié de ce choix philosophique. Malgré son passé authentique de démocrate et de militant des droits de l’homme, malgré qu’il a été le seul responsable à démissionner de son poste d’Ambassadeur à l’UNESCO avant la chute de Ben Ali, Mezri Haddad a choisi depuis 2011, à nouveau l’exil. Y mettra t-il fin aujourd’hui que son "ami" n’est plus à la Présidence et que le candidat qu’il a soutenu y est pour cinq ans ?