Négocier le retour des Tunisiens au pays, mais lesquels ?
Le ministre de l'intérieur français Gérald Darmanin est attendu aujourd'hui à Tunis pour « négocier » l'expulsion vers la Tunisie d'une vingtaine d'islamistes tunisiens fichés dans le FSPRT (Fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste).
« Les pays sources exigent, par exemple, des tests PCR pour voir si les intéressés n'ont pas le Covid », confie un connaisseur du dossier. Certains des individus fichés sont effectivement positifs au virus. Mais les pays d'origine avancent aussi d'autres arguments pour refuser leur retour.
« Il faut que le pays source reconnaisse son ressortissant avant de le reprendre, et les laissez-passer consulaires sont délivrés au compte-gouttes même pour des profils sans histoire. Alors imaginez pour un terroriste! », confie un expert. Dans certains cas, les autorités du pays d’origine tiendraient, selon lui, à peu près ce discours: « Votre suspect est en France depuis de nombreuses années, or il s’est radicalisé chez vous et nous n'avons aucune raison de le reprendre. »
Dans une tribune que j'avais publiée le 14 octobre sur les prévisions sanitaires catastrophiques suite à l'épidémie de la Covid-19 en Tunisie, j'avais alerté sur le manque abyssal de médecins pour faire face à cette crise. On estime à 160 les réanimateurs dans le public, 250 dans le privé et plus de 500 seraient à l’étranger dont la quasi-totalité seraient en France.
J'avais formulé la proposition suivante : « Si le gouvernement tunisien veut réellement se donner les moyens de limiter l'ampleur de la catastrophe, il devrait d’une part réquisitionner les cliniques privées et appeler en renfort les infirmiers et les médecins retraités, et d'autre part négocier rapidement avec le gouvernement français le prêt, pour une période de 6 mois, des médecins qui ont été formés en Tunisie (surtout les réanimateurs). Pour ces médecins, ce serait un geste de reconnaissance qu’ils pourraient être fiers d'accomplir pour le pays qui les a formés. Pour la France, ce serait une occasion de manifester sa gratitude et une petite compensation pour la formation de ces médecins à laquelle elle n'a en rien contribué et dont elle fait pourtant bénéficier ses citoyens. »
Nul doute que la France arrivera à imposer à la Tunisie d'accueillir la vingtaine d'islamistes tunisiens dont elle veut se débarrasser. Mais le gouvernement tunisien pourrait négocier pour chaque islamiste expulsé, le prêt d'au moins dix médecins tunisiens installés en France pour seulement 6 mois ! Ce prêt pourrait sauver la vie à des milliers de Tunisiens.
Ahmed Abbes (mathématicien, directeur de recherche à Paris, coordinateur de la Campagne tunisienne pour le boycott académique et culturel d’Israël (TACBI) et secrétaire de l'Association française des universitaires pour le respect du droit international en Palestine)
Votre commentaire