Ouederni et Ghariani chez El-Wafi : Les nostalgiques de Ben Ali sont-ils là ?

Ouederni et Ghariani chez El-Wafi : Les nostalgiques de Ben Ali sont-ils là ?

Au lendemain de la chute du régime de Ben Ali, une vague de sympathie envers Bourguiba, le fondateur de l’Etat moderne, s’est emparée du pays. Même ceux qui ne l’ont pas connu au pouvoir l’encensaient considérant son époque comme l’âge d’or du pays. Il retrouvait grâce auprès de ses opposants les plus féroces, surtout les islamistes qui refusaient auparavant d’appeler la miséricorde divine pour le repos de son âme. Un consensus national s’est fait autour de son nom surtout que pour beaucoup il incarnait le prestige de l’Etat mis à mal.

Cinq plus tard, c’est l’ère Ben Ali qui revient à la surface. Devant les difficultés économiques et la crise des finances publiques, c’est l’époque honnie de l’ancien président qui est rappelée. Pour le volume de la dette et sa proportion par rapport à la richesse nationale, pour le taux de croissance et sa progression, pour l’état de l’infrastructure, la référence devient l’année 2010, la dernière année du long règne de Ben Ali que peu appellent maintenant le président déchu. En est-on pour autant à l’époque des nostalgiques de Ben Ali.

Samir el-Wafi a eu la main heureuse ce dimanche en invitant dans son émission « Liman Yajroo » deux anciens hauts responsables de l’ancien régime représentatifs tant soit peu des deux « visages » du règne de Ben Ali. Le premier Ahmed Yadh Ouederni est l’archétype du grand commis de l’Etat qui a certes été très proche de l’ancien président mais qui n’a pas trempé ni dans les magouilles de sa famille ni dans les exactions commises contre les opposants du régime surtout les islamistes. Le second Mohamed Ghariani, dernier secrétaire général du RCD, le parti omnipotent et omniprésent dans le pays dont le rôle dépassait celui de parti politique pour devenir l’appareil à tout faire de l’ancien régime.

L’approche de chacun des deux quant à la manière d’appréhender ce passé qui reste pour eux un fardeau lourd à porter est d’ailleurs révélateur du malaise dans lequel ils se trouvent. Si les deux reconnaissent le déficit démocratique, l’absence de libertés, et les atteintes aux droits de l’homme dont le régime de Ben Ali est coupable, ils ne sont pas du même avis quant à la manière de s’exonérer de ce passé. Le premier qui avait rempli consciencieusement ses fonctions de grand commis de l’Etat sans se croire concerner par ce qui se faisait en dehors de ses attributions n’admet pas devoir s’excuser des abus du régime auquel il avait appartenu.

Le second en plein dans le système admet-il ses torts et s’en excuse-t-il de bonne grâce ? C’est certainement beaucoup plus compliqué que cela ne paraisse de prime abord. Mohamed Ghariani par opportunisme, par calcul politique ou plus simplement par réalisme né de sa reconnaissance du changement radical que connait la scène politique avec l’émergence d’Ennahdha comme force politique incontournable a cherché rapidement à s’intégrer dans la nouvelle donne. La dimension humaine n’a pas manqué de lui dicter son comportement, puisque, révèle-t-il au cours de l’émission, le président du parti islamiste s’est rendu chez lui s’enquérir de la situation de sa famille alors qu’il était lui-même encore en prison.

Ahmed Yadh Ouederni n’a pas eu ses scrupules. Il ne s’estime redevable que des faits qui pourraient lui être personnellement reprochés. De son point de vue, il n’a à demander pardon que pour des accusations qui pourraient lui être imputées et dans lesquelles sa responsabilité est prouvée. En droit d’ailleurs la notion de responsabilité collective n’existe pas. Fort de son approche, il n’a pas manqué d’être offensif car il se croit dans son bon droit de se défendre sur ce terrain.

Sur ce terrain il a été convaincant, alors que son alter-égo, Mohamed Ghariani est paru pâlot, terne, sans relief et manquant de relief. Le soutien que lui a témoigné le journaliste islamiste Rached Khiari au lieu de le renforcer lui a été plutôt un poids dur à porter. Ces deux approches révèlent aussi la difficulté dans laquelle la famille destourienne se trouve après la dissolution du RCD.

Le refus d’Abir Moussi, présidente du parti destourien libre de se retrouver sur un même plateau que Mohamed Ghariani qui fut son patron au sein de l’administration de l’ancien parti de Ben Ali en dit d’ailleurs long sur les divergences profondes entre les différentes ailes de cette famille politique. Eclatée en divers partis et groupuscules, ce n’est pas demain qu’elle pourrait être rassemblée.

L’émission de Samir el-Wafi l’a prouvé de façon éclatante. Les nostalgiques de Ben Ali s’ils existent c’est pour regretter ses performances économiques, mais certainement ni son parti ni son régime.

RBR

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