Polémique en Tunisie sur l’université Allemande qui a ouvert au Maroc

Polémique en Tunisie sur l’université Allemande qui a ouvert au Maroc

Pour la première fois en Afrique, l’université allemande a choisi de s’implanter au Maroc.

La German University in Morocco (GUM), qui vient d’ouvrir ses portes dans ce pays frère,  proposera une formation 100 % allemande en totale osmose avec celle proposée en Allemagne. Ce qui permettra aux étudiants marocains de bénéficier d’une formation  pareille sans pour autant se déplacer.

Ce projet, qui marque le lancement de l’exportation du système éducatif universitaire allemand en Afrique, est le fruit d’un partenariat entre le groupe international Adam Riese et l’université bavaroise des sciences appliquées de Landshut en Allemagne.

Néanmoins l’annonce de cette ouverture a soulevé une grande polémique en Tunisie. Elle a éclaté le vendredi 11 septembre lorsque l’ancien ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique Slim Khalbous, a publié un post  sur sa page facebook sous le titre :« Voilà pourquoi le Maroc attire l’investissement international et pas la Tunisie » pour justifier les raisons qui ont fait que notre pays a raté l’opportunité d’accueillir l’Université allemande au profit du Maroc en insistant sur le fait que « Cette université aurait dû ouvrir en Tunisie »

Slim Khalbous,  qui dirige depuis décembre 2019, l’Agence universitaire de la Francophonie à Montréal, a écrit dans ce sens :

« L’idée d’une université allemande en Tunisie a déjà été évoquée en 2013 puis a été aussitôt enterrée ... Dès mon arrivée au ministère, j’ai réactivé le dossier car j’étais, et je le suis toujours, convaincu que l’introduction du système éducatif germanique serait bénéfique pour notre pays car complémentaire avec notre système d'enseignement, notamment pour développer la culture de la professionnalisation, de la formation par alternance avec l'industrie et la recherche appliquée à l’université...

En 2017, j’ai eu la chance de participer avec le CDG à une mission officielle en Allemagne et j’ai pu directement en parler avec la Chancelière Merkel et la Ministre fédérale, Johanna Wanka, en charge de l’enseignement supérieur à l’époque... C’était le démarrage effectif du projet complètement revisité et amélioré vers un campus tuniso-allemand d’envergure internationale.

A partir de cette rencontre, nous avons bien avancé pendant plusieurs mois sur le projet avec une équipe de travail mixte tuniso-allemande... Ainsi, en matière de formation, nous avons axé les cursus sur l’ingénierie, domaine phare du système allemand. Ce qui aurait permis de réduire les départs des étudiants tunisiens vers l’étranger en leur permettant d'obtenir un diplôme international en Tunisie. De plus, et avec l’aide de plusieurs membres du gouvernement, j’ai réussi à consacrer un terrain de 35 hectares à Ben Arous pour l'édification du campus de cette université (comme participation de l’État tunisien). D’ailleurs, aujourd’hui le terrain en question est la propriété du ministère de l’Enseignement supérieur et il est toujours affecté au projet !

En dépit de ces avancées, les Allemands ont commencé petit à petit à prendre de la distance par rapport au projet lorsqu’ils ont eu connaissance de nos lois en matière d’investissement privé et étranger dans le secteur universitaire... Quand j’ai convoqué leur ambassadeur, Andreas Reinicke, pour mieux comprendre leur réticence, il m’a dit clairement dit: «ces lois sont trop restrictives et compliquées pour nous...».

En 2019, j’avais contribué à un projet de loi déposé par le ministère du Développement et de la Coopération internationale pour assouplir les conditions de création d’une université internationale en Tunisie. Le conseil des ministres l’avait validée mais le parlement l’a hélas refusée et l’article en question a été retiré du projet de loi sous la pression d’un lobby politique populiste et de certains syndicalistes idéologues qui refusent le développement international du savoir sous prétexte d’une hypothétique perte de souveraineté nationale !

Or la Science n’est-elle pas universelle ? Ne se développe-t-elle pas que par le partage ? D’autant plus que dans ce cas le partage devait se faire sur notre sol, avec de surcroît un transfert de compétences et des équipes pédagogiques mixtes... Mais personne n’avait rappelé ces principes lors des débats qui étaient d’un niveau affligeant et auxquels étonnamment les initiateurs du projet de loi n'ont même pas été conviés (!)...

Voilà la vraie histoire... Et voilà pourquoi le Maroc attire l’investissement international et pas la Tunisie ...

La réforme du système éducatif et universitaire doit se faire avec une réflexion de fond, des débats d'idées dépassionnés, sans idéologies populistes et une vision à long terme... Il y va de l'avenir de notre jeunesse, de nos futurs élites et de notre ancrage aux systèmes d'enseignement et de recherche les plus évolués au monde. »

La réponse à ce post de l’ancien ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique est tombée immédiatement du professeur Adel Ben Amor qui a démenti Slim Khalbous et  a donné une autre version en relatant les faits suivants qui ont été immédiatement relayés par l’Association d’Amitié Tuniso-Allemande :

« Ci-après ma réponse au post de Slim Khalbous qu'il vient de publier : Ce post est mensonger, tout comme son intitulé est provocateur car c’est lui qui a fait avorter ce projet !

Ci-après, quelques éléments de réponse factuels et vérifiables :

1- La première réflexion a bien débuté en 2013, mais le projet a toujours porté le nom de « Université Tuniso-Allemande (UTA) » et non université allemande en Tunisie ! La différence est énorme.

2- L’omission volontaire de SK est qu’en mars 2016, une délégation, dont je faisais partie, a accompagné le ministre Bouden en Allemagne, avec 3 objectifs :

 (1) Consolider la coopération en matière d’œuvres universitaires

 (2) Approfondir la mise en œuvre du projet de l’UTA

 (3) Evoquer la possibilité de mettre en place une mission universitaire tunisienne en Allemagne. En juin 2016, une délégation allemande a visité la Tunisie et un accord de principe a été conclu entre les deux parties, dans un cadre de PPP.

Ayant auparavant obtenu l’accord du chef du gouvernement et préparé une visite de terrain, le ministère, en collaboration avec le gouverneur de Ben Arous, leur a organisé une visite technico-culturelle à Mornag pour visualiser le terrain prédestiné à l’UTA.

 SK s’attribue cet épisode alors que tout s’est passé avant son arrivée au ministère ! D’ailleurs, il y a une correspondance qui est partie début juillet vers le ministère de l’Agriculture pour solliciter le reclassement de ce terrain à vocation agricole !

3- La partie française a multiplié ses efforts pour la mise en place d’une université tuniso-française (UTF), qu’elle souhaitait démarrer avant l’UTA ! La réponse du ministère était claire : la Tunisie est ouverte aux systèmes universitaires d’excellence, en conformité avec les textes règlementaires tunisiens et loin de toute concurrence ou substitution de projets.

4- L’accueil inélégant réservé au haut responsable allemand des œuvres universitaires par SK et son désintéressement pour l’UTA au profit de l’UTF ont démotivé la partie allemande. C’est ainsi que, sentant le gouvernement Chahed en perte de vitesse et préparant sa carrière postministérielle, SK a multiplié les visites et les contacts avec la partie française, accélérant la mise en place de l’université tuniso-française qui, curieusement, portera le nom d’Université Française en Tunisie pour l’Afrique et la Méditerranée, le tout dans un contexte de campagne électorale farouche pour l’AUF !

5- Sur le plan légal, la création des établissements d’enseignement supérieur obéit à la loi de 2008, et à celle de 2002 pour les établissements privés. Ces textes auraient suffi pour créer n’importe quelle université où la Tunisie est partenaire avec un autre pays. Aujourd’hui, l’UFTAM est abrité à l’université de Tunis, gérée par une ONG, accueille une soixantaine d’étudiants qui ont payé 9000 dinars de frais annuels d’inscription et qui suivent des formations déjà habilitées dans des établissements publics ! Comment autorise-t-on de telles formations dans une entité hors-la loi ?!

6- SK se lamente à la fin de la nécessité de réformer le système universitaire tunisien, oubliant qu’il a été ministre pendant 3 ans !!! A-t-il engagé une seule réforme pendant son mandat ? Bien au contraire, il a enterré le plan d’action stratégique et le plan quinquennal 2016-2020 qui lui ont été, avec d’autres projets et documents, transmis par mes soins lors de la passation entre les deux ministres, déclarant qu’il a trouvé le ministère dans une situation catastrophique !

7- Pour reprendre ses mots, voilà la vraie histoire ! Tout ce que j’affirme est factuel et vérifiable. Lorsqu’on est ministre et qu’on convoite un poste en France, on est prêt à tous les compromis.

Affaire à suivre..

 

 

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