Prédictions de Jacques Attali face au Coronavirus
Jacques Attali, polytechnicien, énarque et ancien conseiller spécial du président de la République François Mitterrand pendant dix ans, il est le fondateur de quatre institutions internationales : Action contre la faim, Eureka, BERD et Positive Planet. Il est l’auteur de 67 livres et a publié plus de 1 000 éditoriaux dans le magazine de l’Express, nous a habitués à des prédictions qui se sont souvent vérifiées.
Jacques Attali a publié de nombreux essais dictés par une tentative assidue de décrire le futur à la lumière du passé de longue durée. La crise du coronavirus qui secoue le monde actuellement lui offre l’occasion de développer sa méthode d’analyse et de forger ses prédictions.
•Les pandémies continentales discréditent le système des croyances et de contrôles
Jacque Attali se retourne volontiers vers l’histoire pour éclairer le futur. Il observe ainsi que chaque épidémie majeure, depuis mille ans a conduit à une réorganisation radicale de la politique et de la culture des nations. Ainsi Attali pense que : « chaque fois qu’une pandémie ravage un continent, elle discrédite le système de croyances et de contrôles, qui n’a su empêcher que meurent d’innombrables gens ; et les survivants se vengent sur leurs maîtres, en bouleversant le rapport à l’autorité. ».
La Grande Peste de 1348, appelée Grande Peste ou Peste Noire, venue d’Extrême-Orient, en suivant la route de la soie, pour atteindre Messine et Marseille, a réduit d’un tiers la population de l’Europe du XIVe siècle, a complètement chamboulé la place du politique et du religieux. S’est instaurée une nouvelle organisation où la police prenait la place centrale de protection de la vie des gens. L’épidémie accoucha de l’État moderne, et la prédominance de l’esprit scientifique sur l’autorité religieuse, les superstitions et les coutumes.
•Une pandémie menaçant le marché et la démocratie
Ainsi, la menace est très claire pour tous les dirigeants des États impactés par la pandémie : s’ils sont incapables à maîtriser la situation, c’est tout le système d’autorité qui les fonde qui serait remis en cause. Adviendrait alors « une période sombre », puis la naissance d’un nouveau modèle, fondé sur une autre autorité, avec d’autres systèmes de valeurs. Attali estime que si les dirigeants occidentaux échouent devant le coronavirus, c’est le système qui fonde leur autorité qui sera remplacé, et avec lui, « les deux mécanismes qu’il a mis en place : le marché et la démocratie ».
Ainsi de nouveaux modèles pourraient se mettre en place. S’installeraient alors des régimes de surveillance autoritaire, aidés par l’intelligence artificielle, dont on commence à voir les prémices en Chine. Et en même temps, des régimes autoritaires de répartition des ressources dont on voit les premières esquisses dans la crise actuelle, avec des rationnements, des contingentements ou des préemptions par les États de ressources dites « stratégiques ». Depuis le début de la crise du coronavirus, les politiques adoptent des options impensables pour des gouvernements libéraux : tracking des populations par des applications intrusives, nationalisations envisagées sans révolution, réquisition de pans entiers de l’industrie au nom de l’économie de guerre contre la pandémie, etc. Pour Attali, quand l’épidémie s’éloignera, on verra sans doute naître une période de critique et de contestation des dirigeants qui se traduira, en réaction, par des formes de « régression autoritaire » pour conserver les systèmes de pouvoir en place. Mais rapidement, une nouvelle phase de légitimité de l’autorité adviendra.
•Vers un changement radical des comportements
Les secteurs économiques dominants seront ceux de l’empathie : la santé, l’hospitalité, l’alimentation, l’éducation, l’écologie. Ils s’appuieront encore plus qu’aujourd’hui et certainement d’une autre façon, sur les grands réseaux de production et de circulation de l’énergie et de l’information. Juste après la pandémie, Attali entrevoit un changement radical des comportements en particulier les achats moins frénétiques des biens inutiles et un meilleur usage de notre temps passé sur cette planète, que nous aurons appris à reconnaître comme rare et précieuse. En conséquence si nous nous montrons incapables de maîtriser la situation actuelle et la crise économique qui suivra inévitablement et si nous ne saisissons pas l’occasion d’inventer de nouveaux modèles centrés sur la recherche du bien commun, le monde pourrait n’être qu’un immense champ de ruines.
Source : UP' Magazine info@up-magazine.info
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