Quel avenir politique pour Youssef Chahed?

Quel avenir politique pour Youssef Chahed?

« Le succès n'est pas final, l'échec n'est pas fatal, c'est le courage de continuer qui compte. »

Noureddine Tabboubi déclarait ces derniers jours que tous les résultats du gouvernement Youssef Chahed sont négatifs. Selon lui, un bon  chef de gouvernement doit répondre aux critères de du « réalisme, la  haute conscience des priorités, l’expérience et la capacité de de  diriger une équipe homogène ». Le visé est Youssef Chahed.

L’UGTT est membre à part entière du « Pacte de Carthage » avec des ministres qui lui sont proches au sein du gouvernement. Il est tout à fait normal que Noureddine Taboubi, évalue l'action du gouvernement, interpelle Youssef Chahed en tirant la sonnette d'alarme en lui rappelant les lignes rouges à ne pas franchir et peut demander sa démission en cas de de résultats non probants de la part de quelques membres de l’équipe gouvernementale qui ont fait preuve d’incompétence et d’amateurisme.  

Lors de son discours d’investiture en aout 2016, Youssef Chahed a fait miroiter devant l’Assemblée des Représentants du Peuple de nombreuses promesses mirobolantes sur un futur  boom économique et une année 2017 exceptionnelle en terme économique et sociale,  année du décollage de l’économie nationale.

Hélas et mille fois hélas, durant ces trois dernières années la situation héritée de la Troïka déjà catastrophique s’est aggravée économiquement et socialement.

Un bilan économique et social sombre

La Feuille de Route de Carthage (FRC) avait  pour objectifs : La lutte contre le terrorisme, la croissance économique, la lutte contre la corruption, l’équilibre financier, le développement régional et la consolidation de l’action gouvernementale. Le seul objectif atteint est celui de la lutte contre le terrorisme.

Les autres objectifs sont loin d’être atteints et les  voyants sont au rouge. Les mauvais chiffres l’attestent :

Des réserves en devises en dessous de 77 jours. Au début du mois de mars, les stocks de devises suffisaient pour l’importation de 80 jours, alors que ce chiffre était de 86 jours mi-février, une situation qui témoigne des grosses difficultés économiques que connaît la Tunisie,Le déficit budgétaire a atteint 6 % en 2017.

  • Le déficit commercial alimentaire de la Tunisie s’est accentué sur toute l’année 2017 pour se situer à 1.354,6 millions de dinars contre 1.075,7 millions de dinars en 2016 et ce, suite à la hausse de 22,1% des importations alimentaires.
  • un  pouvoir d’achat au plus bas avec une flambée des prix des denrées alimentaires et une inflation à plus de 7%,
  • Un dinar dans un état piteux par rapport à l’Euro et au dollar. Il a perdu 17,3% et 6,1% de sa valeur vis-à-vis de l’euro et du dollar américain en 2017  
  • un gouvernement qui emprunte auprès des banques locales 600 millions de dinars à un taux de 6,1% pour pouvoir payer  les salaires du mois de mars,
  • La proportion d’endettement a atteint 70 % du produit intérieur brut en 2017, comparé à 61.9 % en 2016.
  • Le service de dettes a atteint un record historique fin octobre 2017 avec 6.349 milliards de dinars contre 3.990 milliards de dinars à la même période en 2016
  • une balance commerciale toujours déficitaire.  A fin 2017, le déficit de la balance commerciale de la Tunisie s’est  aggravé, s’élevant à 15,592 milliards de dinars (contre un peu plus de  12,601 milliards de dinars en 2016). Du coup, le taux de couverture a  perdu un point par rapport à l’année 2016 pour s’établir à 68,8% (contre  69,8% en 2016), C’est ce qui ressort des chiffres publiés par  l’Institut national de la statistique (INS). 
  • des caisses sociales en faillite totale. Le déficit des caisses sociales cumulées sur les années 2011 à 2017 est élevé à 3975 millions de dinars dont 2303 millions de dinars pour la CNSS et 2190 pour la CNRPS,
  • Des grèves qui assèchent les caisses de l’état. Une production de phosphate arrêté pour de longues périodes et qui a fait perdre 9,1 milliards de dinars durant le septennat aux caisses de l’état. Le sit-in aux portes du site d'El-Kamour où on a fermé le robinet du pipeline pétrolier a coûté 925 millions de dinars. Le sit-in de Kerkennah contre la société pétrolière Petrofac a couté 400 millions de dinars. Que des sommes colossales perdues qui pouvaient être investis pour créer des richesses et des emplois !
  • La crise des secteurs du textile, de l’habillement et du secteur du cuir  qui recule de 1.7 %.
  • un climat social extrêmement tendu. Selon des données fournies par le ministère des affaires sociales, le nombre global de ces grèves s’élève à 247, dont 205 dans le secteur  privé soit 83% du nombre global des grèves et 42 dans le secteur public.
  •  un climat politique désastreux où tout est presque bloqué à l'ARP,
  • Aucun accomplissement du contingent des projets promis  «Tunisie 2020 » qui nous annonçait un monde merveilleux pour les tunisiens,
  • Des élections municipales reportés au mois de mai 2018 et qui se déroulent dans une absence totale de mobilisation des citoyens électeurs,
  • un pays inscrit sur une liste noire des pays exposés au financement du terrorisme par l’Union Européenne et l'assemblée européenne de Strasbourg. Cette mise à l’index survient deux mois  après l’inclusion de la Tunisie dans une autre liste noire, celle des  paradis fiscaux, établie par les ministres européens des finances.

Le  gouvernementsur la sellette

19 mois sont passés depuis l’annonce des accords de Carthage et nous sommes encore au stade de la création d’une Commission constituée de deux représentants de toutes les parties signataires du document afin d’évaluer le travail du présent gouvernement et d’identifier les priorités pour le prochain. Cette commission aura sept jours pour rendre sa copie. Allons on se moque de la gueule du monde et heureusement que le ridicule ne tue pas!

Rached Ghannouchi, leader d’Ennahdha, dit que la question du remaniement n’a même pas été abordée. Hafedh Caïd Essebsi, directeur exécutif de Nidaa, répond : « Nous ne voulons pas d’un remaniement de forme, mais de fond ». Quant à Noureddine Taboubi, patron de la centrale syndicale, il y va franchement sans langue de bois aucune : « Le sort du gouvernement sera scellé la semaine prochaine ».  Croire qui? Partira ou non ? Si oui quand ? La langue de bois a trouvé ses trois meilleurs champions.

Taher Ben Hassine  déclare « La désignation de Youssef Chahed à la tête du gouvernement était une erreur, la mission est trop grande pour lui. Comme dit l’adage, à l’impossible nul n’est tenu. Youssef Chahed aurait dû quitter dignement lorsqu’il s’est rendu compte de l’ampleur de la tâche qui lui est confiée. D’ailleurs, son dernier soutien, à savoir l’UGTT, l’a lâché et l’a jeté par la fenêtre, cela veut tout dire ». Le costume était-il trop grand pour lui ? Le 20 mars nous aurons la réponse.

Un Conseil ministériel, prévu ce mercredi 14 mars 2018, au palais du gouvernement à la Kasbah, a été annulé par le chef du gouvernement Youssef Chahed qui a préféré se rendre à Sousse. Il a réagi aux déclarations du secrétaire général de l’UGTT Noureddine Tabboubi en déclarant : « L’UGTT sait très bien que mon gouvernement n’est pas un gouvernement  de gestion des affaires. C’est le gouvernement qui s’est le plus engagé à réaliser des réformes radicales relatives à la fonction publique, aux entreprises publiques, aux caisses sociales ainsi qu’à la masse salariale. Dans ce sens, un projet de la valeur de 125 MD a été lancé. Il s’agit d’un projet de dessalement d’eau de mer par des technologies de pointe visant à fournir de l’eau potable à 5 millions de citoyens et ce afin de poursuivre le service du peuple tunisien .»

A quoi ils jouent ces deux-là alors que les Tunisiens vivent dans l’attente de la réalisation du slogan légitime « Emploi, Liberté, dignité nationale » porté lors de leur « révolution » depuis plus de sept ans.

Le réel changement c’est maintenant, celui de proposer des orientations politiques nouvelles et un nouveau modèle du développement. C'est maintenant de dire toute la vérité aux Tunisiens sur la situation catastrophique de la Tunisie afin qu’ils acceptent les indispensables « décisions douloureuses » et les sacrifices pour des jours meilleurs. L’innovation est demandée à tous les acteurs de ces accords.

Churchill lors de son premier discours devant la chambre des communes promettait « Du sang, du labeur, des larmes et de la sueur » au peuple britannique. Aujourd’hui cette citation doit être reprise par le prochain gouvernement et par chacun des acteurs socioéconomiques dans une  répartition juste et équitable des efforts.

Le succès n'est pas final, l'échec n'est pas fatal, c'est le courage de continuer qui compte.

A.K

 

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