Rached Ghannouchi sur Nessma-TV : new look, nouvelle envergure

Rached Ghannouchi sur Nessma-TV : new look, nouvelle envergure

 

Le président d’Ennahdha Rached Ghannouchi a arboré pour la première fois sur une chaîne de télévision une cravate. Si la couleur n’avait pas d’importance le message est clair : le leader des islamistes est un homme public comme les autres qui par respect envers ses semblables porte un attribut qui n’a pas d’autre sens que celui-là. On ne peut pas faire mieux pour afficher sa normalité.

Mais il a fait beaucoup plus, il s’est présenté mieux qu’un leader charismatique, plus qu’un dirigeant de parti politique aussi important soit-il. Il a donné l’image d’un homme d’état qui ne manque ni de surface ni d’envergure.

Clair dans ses analyses, tout à fait sûr dans ses prises de position, ayant réponse à tout avec précision et concision, il n’a pas louvoyé ni cherché à fuir ses responsabilités. Bien plus il n’a pas choisi la voie de la facilité, ni celle du populisme quand il a fait le diagnostic de l’état du pays avec une franchise rare dans la classe politique.

Sans doute s’est-il préparé à l’exercice, car il est venu avec des messages qu’il a délivrés avec finesse et diplomatie, mais c’est le propre de l’homme politique avisé.

Certainement nombreux sont ceux qui vont déceler dans sa prestation un double discours car s’adressant au plus grand nombre il s’est montré rassurant et conciliant, alors qu’auprès de siens il aurait eu une autre posture plus idéologique et serait plus clivant, mais ce serait lui faire un procès d’intention qui n’est nullement convenable en démocratie, surtout lorsqu’elle est naissante comme c’est le cas en Tunisie.

Même s’il n’y a pas beaucoup de neuf dans ce qu’il a dit, on doit lui être redevable d’avoir dit les choses avec conviction et surtout précision. Sans doute ce qui reste c’est cette exhortation qu’il fait à Youssef Chahed le chef du gouvernement de proclamer solennellement qu’il n’est pas concerné par l’élection présidentielle de 2019 qui commence, juge-t-il à polluer et à crisper le climat politique dans le pays. Là, il n’a pas tort. Quand bien même envisager cette échéance est prématuré, quelque deux ans et demi avant terme, elle est dans tous les esprits. Il serait malsain de laisser perdurer ce climat surtout que les difficultés du pays en matière économique et financière ne peuvent tolérer aucune distraction ni abstraction.

En prenant soin de donner ce conseil avisé au chef du gouvernement tout en rappelant les précédents que constituent le gouvernement Béji Caïd Essebsi en 2011 et le gouvernement Mehdi Jomaa en 2014, Rached Ghannouchi a-t-il préparé son coup. C’est évident. En a-t-il parlé avec le président Béji Caïd Essebsi pour avoir son avis. On ne peut l’exclure. Mais il ne fait pas de doute que le numéro 1 de Nidaa Tounés, Hafedh Caïd Essebsi a été mis dans la confidence si ce n’est lui qui lui en a soufflé l’idée.

D’ailleurs Rached Ghannouchi a été tout à fait clair en prenant position en faveur du directeur exécutif du Nidaa qui est pour lui le détenteur de la légitimité au sein de ce parti.

En jugeant que le remaniement ministériel est incontournable et que le chef du gouvernement devrait y procéder le plus tôt, le chef d’Ennahdha semble épouser la même position que celle défendue par Hafedh Caïd Essebsi même s’il ne dit pas comme ce dernier qu’un réaménagement en profondeur de l’équipe gouvernementale est devenu indispensable. Il n’en reconnaît pas moins que le remaniement fait partie des prérogatives du chef du gouvernement.

Ce qui ne l’empêche pas de dire non plus que la coordination des partis au pouvoir va débattre prochainement de la question et décider en dernier ressort de la position à prendre sur le sujet.

Sa position tranchée des élections municipales est tout à fait à rebrousse-poil de celles affichées par la plupart des mouvements politiques. Alors que ces derniers ne sont pas déterminés aussi clairement, lui estime que ce scrutin doit avoir lieu à la date fixée par l’ISIE et que le pays a trop tardé à organiser cette échéance qui aura à mettre en application l’un des chapitres de la Constitution concernant le pouvoir local. La décision prise par Ennahdha d’octroyer aux indépendants 50% des sièges sur ses listes vise selon lui à pousser les représentants de la société civile et les compétences à s’intéresser à la gestion des affaires locales. Une manière aussi d’enraciner le parti islamiste dans le tissu de la société.

S’agissant de la transition économique et sociale, le discours tenu par Rached Ghannouchi ne peut qu’être partagé par une large majorité de Tunisiens. Le temps de l’Etat-providence, de l’Etat employeur est révolu. Pour frapper les esprits il donne l’image des boutiques qui ferment lorsqu’ils font faillite à l’exception de la boutique de l’Etat qui maintient ses portes ouvertes alors qu’il est en faillite. Cela ne peut plus durer. Il fait un fervent appel pour la réhabilitation du travail, de l’effort et de l’application sans lesquels rien ne pourra être réalisé.

A ce sujet il appelle à un dialogue social national auquel prennent part les organisations professionnelles, les partis politiques, la société civile et le gouvernement et qui sera organisé sous l’égide de celui-ci qui s’engage à en en appliquer les recommandations.

C’est donc à un Ghannouchi avec un new look dans l’air du temps que nous avons eu à faire dans cette interview. Mais aussi à un Ghannouchi d’une nouvelle et plus ample envergure qui se prépare à de plus hautes fonctions dans l’Etat et peut être même à sa tête.

RBR

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