Racisme: Le caricaturiste Lotfi Ben Sassi "épinglé" par des associations de lutte contre la discrimination

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Suite à une caricature publiée par Lotfi Ben Sassi dans le journal La Presse, à la veille du match retour Cameroun-Tunisie comptant pour les éliminatoires du Mondial brésilien, des citoyens tunisiens, pour la plupart membres d'associations de lutte contre la discrimination de couleur, se sont insurgés contre le caricaturiste et l'ont fait savoir à travers cette lettre ouverte.

Lettre ouverte au caricaturiste Lotfi Ben Sassi

"Vous ne nous connaissez pas, nous, par contre, nous vous connaissons à travers vos caricatures depuis que nous étions tout petits, quand nos parents et nos proches nous expliquaient ce que vous écriviez tout en rigolant, en nous disant : « Il est fort cet homme ! ».

Comme un grand nombre de Tunisiens, nous avons grandi avec vos caricatures et vos commentaires quotidiens dans LA PRESSE. Bien sûr, nous sommes devenus fans. Les mots nous manquent même pour vous témoigner à quel point nous étions fascinés par une telle lucidité, une telle intelligence de résumer les évènements et les incidents en une phrase caricaturale qui ne nous fait pas forcement rire, mais qui, par la subtilité de son ironie, réussissait à dessiner un sourire sur nos lèvres.

Mais immense fut notre choc quand des propos, que nous qualifions de racistes, émergent de la plume de Lotfi BEN SASSI. Nous n’avons jamais pensé qu’une personnalité publique comme vous, censée être impliquée dans le militantisme pour la dignité de son peuple, pourrait un jour proférer des propos aussi déplacés, comme ceux que vous avez « pondus » en parlant de l’AFRIQUE SUBSAHARIENNE dans votre caricature publiée en mi-novembre 2013 sur votre page Facebook.

L’Afrique que vous qualifiez péjorativement de «républiques bananières» est le berceau de l’humanité. Cette terre qui a enfanté SENGHOR, LUMUMBA, MANDELA, MAKEBA… ne peut être que fertile par sa richesse, sa diversité et sa culture millénaire.

Les pays de l’Afrique (on oublie très souvent que la Tunisie en fait partie) se sont transformés en « républiques bananières », et vous savez mieux que nous que, quand les colonialistes européens ont volé et confisqué leurs richesses, ils ne leur ont laissé, en contrepartie, que stigmatisation, clichés méprisants et dégradants, voire racistes qui vont être accentués avec le néocolonialisme américain. D'où l’origine de cette expression fort réductrice « RB ».

Dommage que vous n’ayez pas assumé totalement votre « œuvre », en vous empressant de supprimer votre caricature. Cette suppression est peut-être un acte noble, en ce sens que, revenu à de meilleurs sentiments, vous vous êtes sûrement rendu compte de votre monumentale bourde. Cela peut arriver à cause d'un manque d'inspiration, une réaction à chaud ou d’une plume qui aurait dérapé. Sauf que supprimer ne suffit pas Monsieur Ben Sassi. Il aurait été plus courageux et plus judicieux de présenter des excuses, si plates fussent-elles. Ce qui serait un acte civique, plutôt que de se contenter de supprimer, comme si de rien n’était.

La Tunisie a signé pas mal de traités internationaux en matière de droits humains et de respect entre des pays et des peuples. Il est bien évident que respecter les termes de ces traités, c'est aussi obéir au respect de soi-même, de son peuple et de son pays.

Des jeunes ont eu le réflexe d’enregistrer votre publication avant qu’elle ne soit supprimée. Ces jeunes tunisiens sont ouverts, éveillés et ne laissent plus passer des propos pareils.

Nous vous demandons, monsieur, de vous excuser humblement auprès de nos amis subsahariens qui sont victimes au quotidien, dans notre pays, de ces préjugés sordides qui continuent malheureusement à avoir la... peau dure. Préjugés et autres attributs réducteurs auxquels n'échappent d'ailleurs pas les Noirs tunisiens.

Le "modèle" que vous incarnez auprès d'une certaine frange de la population, ajouté à votre rang de personnalité responsable et digne, porteuse de valeurs de justice, incombe à vous une réaction digne de votre rang ! A bon entendeur..."

Signataires :

-Sofiène BONGUI, juriste et Maha ABDELHAMID, doctorante, administrateurs du groupe-Facebook : "Assurance de la Citoyenneté sans discrimination de couleur".

-Amina SOUDANI: ingénieur en génie des procédés, administratrice du groupe-Facebook:" Témoignage pour dénoncer la discrimination de couleur"

-Nejah SALEM, enseignant universitaire

-Mohamed NOUIRI, administrateur du groupe Facebook "La Voix de la Gosba"

-Omrane NOUIRI, instituteur

-Imene Ben ISmail, Tounsya Sawdaa, administratrice de la page "Elaswed fi bledou" الأسود في بلادو

-Salwa ZLAWI, retraitée

-Afifa LETIFI, en master de civilisation Anglaise

-Fathi BELHAJ, politologue

-Wejdane MAJRI, enseignante universitaire

-Sena KRIR, fonctionnaire.

-Sana BENTKHAYAT, diplômée en recherche d’embauche

-Ghalia SOUDANI, éducatrice d’enfance

-Houda Boufalgha, professeur de français

-Nadia DHAOUEDI, enseignante universitaire

-Anoir HAMIDI, ingénieur en informatique