Rapatriement du "fils de Carthage", Hannibal : Frustration du Club Hannibal
Dans les années 90, à Izmit (Turquie), je vis une pancarte indiquant la direction de la tombe où repose Hannibal. Une pelouse millénaire, peu entretenue, délaissée. Sur une stèle de marbre outragée par les éléments de l'implacable nature, est gravée l'effigie de l'illustre, le glorieux et l'historique Carthaginois. Depuis, je n'eus qu'un seul rêve: que ce grand homme qui a fondé la 1ère République en Tunisie : Carthage, rentre au pays », c'est en ces termes que Mongi Geddès, vice-président du Club Hannibal au Musée du Bardo, s'est exprimé, tout résolu à réaliser son rêve...
La Tunisie, héritière d'une fortune patrimoniale exceptionnelle, brille par l'originalité de ses vestiges archéologiques, historiques et culturels. La valeur de son patrimoine et des potentialités qu'elle offre sur le plan touristique et du bénéfice des retombées économiques est devenue incontestablement un outil de développement pourvoyeur en devises et en emplois.
Naissance d'un mouvement associatif
Depuis la nuit des temps, chaque nouvelle civilisation "piochait" dans les reliques de ses anciens, et combien de mémoires ont été effacées à jamais. Hélas, nos vestiges millénaires n'ont pas, non plus, été épargnés. Ils ont souvent été agressés et par l'homme et par la nature, qui, ajoutés au vol et au pillage, risqueraient d'aboutir fatalement à un lent et progressif péril. A contrario, une association a été créée dans les années 90 : le Club Hannibal, qui se bat, voilà maintenant deux décennies, pour ressusciter une des mémoires, une des gloires de Carthage: l'illustre héros Hannibal Barca. Cette association voulait, à l'époque, s'engager dans une aventure curieusement audacieuse: ramener de Turquie les cendres du valeureux guerrier vers son pays d'origine, "Carthage".
C'était, M. Geddès, hôtelier, voyagiste et amateur d'art et d'histoire ancienne, le découvreur d'Hannibal. Tout le monde a subi la contagion de son rêve et se préparait impatiemment au retour de l'enfant prodige... dans une opération de transfert, de rapatriement de grande envergure ... dans un an ? Les études ont été faites et les plans élaborés; les financements débloqués et les travaux entamés... Le « Parc Hannibal » va naître aux ports de puniques de Carthage-Sidi Bou Saïd pour accueillir l'urne contenant les cendres du légendaire héros dans sa dernière demeure, où sera édifié son monument au port militaire punique.
La naissance du projet et de ses composantes
En effet, dans le cadre de la mise à niveau globale du parc de Carthage - Sidi Bou Saïd et des ports puniques, un projet d'édification d'un monument d'Hannibal et d'aménagement du port militaire punique avec toutes ses composantes serait créé. L'aménagement du site consiste à l'édification du monument historique du commandant Hannibal, qui aurait lieu à l'intérieur du centre de l'île de commandement militaire du port et qui serait reconstitué dans sa forme originale comme à l'ère punique.
Le monument et l'aménagement de l'île du commandement se composeraient d'un espace pour accueillir une foire permanente et d'une galerie des monuments et des illustrations sur la vie du commandant Hannibal et ses réalisations.
Des colonnes de cristal lumineuses seraient dressées. Un pont pour faciliter l'accès des visiteurs au monument serait construit
Hélas ! Hannibal est toujours loin de chez lui et le projet loin d'être achevé ... et tout le monde s'était accroché à des chimères
MONGI GUEDES, HÔTELIER, VOYAGISTE ET AMATEUR D'ART ET D'HISTOIRE ANCIENNE
Espace Manager: Comment l'idée de la création du Parc Hannibal vous est-elle venue ?
L'idée est mienne, j’étais en visite en Turquie. J'ai remarqué un panneau sur le bord de la route portant l'inscription « Tombeau d'Hannibal ». Cela a suscité ma curiosité (...). «Pourquoi ne pas rapatrier ce glorieux personnage ainsi, créer un événement historique et développer notre tourisme culturel. Attirer l'attention des visiteurs étrangers sur l'histoire de la Tunisie, dont ils ne connaissent pas grand-chose ! Par exemple, à l'époque d'Hannibal, la Tunisie était une grande puissance, aussi puissante que les USA actuels.
Ainsi, nous étions allés, avec mes compagnons, voir le ministre de la Défense de l'époque pour préparer cet événement, puisqu'il s'agit d'accueillir un chef militaire. (...). On doit lui faire les honneurs dignes d'un général. L’ancien président Ben Ali était d'accord au départ, ensuite il n'a plus donné suite, et j'ignore les raisons. Heureusement qu’il ne l'a pas fait. C'est plutôt la révolution qui doit en profiter ! Cette initiative a fait un grand écho, et a été encouragée par bon nombre de parties: médias, ambassades de divers pays, et bien d'autres organisations (...), tous voulaient nous aider matériellement. Donc, c’est à partir de là que notre club est né: le Club Hannibal. D'autres ont vu le jour. Le Club Hannibal au Japon, présidé par le premier ministre, un autre à Washington sous la présidence d'Al Gore... à Rome, en Espagne, à Paris...
Qui a contrecarré le projet qui constitue un enjeu économique important et qu'en est-il de l'argent débloqué pour sa réalisation ?
Au début, Ben Ali était d'accord pour le projet. Toutes les études étaient complètes et prêtes. Des sondages ont été entrepris pour vérifier s'il y a des vestiges encore cachés. Finalement, le terrain était prêt pour entamer les travaux. L'ancien locataire du palais de Carthage, l'inculte, est revenu sur ses promesses ; cela n'a étonné personne. Non seulement il n'a rien à voir avec la culture, mais peut-être aussi sa mafieuse famille a-t-elle appris que le terrain cache des trésors.... Tous mes efforts et ceux de mes camarades ont été vains pour finalement baisser les bras, puisque notre rêve n'était plus que chimère, quoique le Japon nous a octroyé un don de 400.000 DNT pour équiper notre Club Hannibal, que le ministère de la Culture et de la sauvegarde du patrimoine de l'époque a englouti (...).
M'hamed Hassine Fantar, (Historien et membre du CLUB HANNIBAL)
Vous-vous êtes battus pour réaliser le projet du Parc Hannibal. Ce projet est-il tombé à définitivement à l'eau ?
Dans les années 90, le Club Hannibal, situé au musée de Carthage, a vu le jour. Je suis un des membres de cette association et j'ai proposé un projet pour le tourisme culturel qui devait s'appeler projet de Parc Hannibal, qui devait avoir une sorte d'espace culturel qui raconte les gestes d'Hannibal, toute l'histoire d'Hannibal à travers les sculptures, mosaïques, et toutes ces manifestations culturelles se font autour d'une sorte de chapelle dans laquelle on mettrait une urne contenant de la terre ramenée de Turquie où se trouve la sépulture d'Hannibal à 100 km d'Istanbul: Izmit, où il y a un parc Hannibal aménagé par Ataturk en l'honneur de la mémoire d'un patriote: Hannibal.
Il s'est donné la mort dans un royaume qui se trouve au bord de la mer Marmara en Turquie. Le grand tumulus qui était visible jusqu'aux environs du 1er siècle ap JC, et au 3e siècle un empereur d'origine berbère, considérant qu'Hannibal était comme l'un de ses compatriotes il a fait un mausolée en marbre, mais tout cela avait disparu et il ne reste que l'endroit. Alors, Ataturk décida de rendre hommage à la mémoire d'Hannibal et il lui a fait un grand parc sous le contrôle de la marine turque.
Cet endroit est vaste et beau au bord de la mer au nom de Mazar Hannibal et il est écrit sur la pelouse dans toutes les langues: Voici ce qu'a ordonné Atatûrk à la mémoire de Hannibal, ce grand patriote.
Donc, nous avons considéré qu 'il est possible de faire venir une motte de terre symbolique de ce parc, nous la mettrions dans une urne qui sera le symbole de l'âme d'Hannibal dans cet endroit et ce grand parc aura avec beaucoup d'édifices : bibliothèque, musée Hannibal, des œuvres d'art qui peuvent être commanditées pour la mémoire d'Hannibal et dans ce grand parc, on a aussi la possibilité de construire un navire carthaginois qui pourrait faire des promenades dans le golfe de Tunis. Un grand parc qui pourrait être un pôle d'attraction répondant à tous les goûts scientifiques et culturels.
Où devait être construit le Parc Hannibal et pourquoi les travaux s'étaient-ils arrêtés?
On a d'abord choisi les ports puniques de Carthage. On avait même commencé à faire les fondations. Il y a eu pendant un certain temps dans le budget Titre II « Parc Hannibal », elle est restée un certain temps, puis on ne sait pas d'ailleurs ce qu'est devenu cet argent. L'argent prévu par le Titre H a été sans doute utilisé ailleurs. Et des informations plus précises sont chez l'architecte et au ministère de l'Équipement.
Abdelhamid Ferchichi