Retour inquiétant des méthodes de l’Etat policier
Le traitement réservé par les forces de l’ordre, mardi après-midi, aux participants à la manifestation organisée au centre-ville de Tunis pour protester contre le projet de loi de la réconciliation économique et financière ne cesse d’alimenter la polémique surtout chez les militants des droits de l’homme et les partis de l’opposition, inquiets de ce retour menaçant des méthodes du régime policier et autoritaire de Ben Ali.
L’ambiance très tendue, l’intervention très musclée des forces de l’ordre pour empêcher les manifestants de se rendre à l'Avenue Habib Bourguiba et les nombreuses arrestations ont fait réveiller chez de nombreux Tunisiens les démons des mauvais souvenirs de l’époque de la dictature qu’on croyait révolue à jamais.
Il est certes vrai que le pays est en état d’urgence (dont le prolongement a été très critiqué) et que la Tunisie est en guerre contre le terrorisme, mais il fallait à tout prix éviter d'opprimer les manifestants et confirmer le constat relevé par de nombreux observateurs même parmi les médias étrangers sur ce retour inquiétant du régime autoritaire.
Le journal électronique français MEDIAPART vient d’ailleurs de consacrer un long dossier à ce sujet. Dossier dans lequel il a estimé que plus que 100 000 arrestations ont été enregistrées en Tunisie depuis le début de l’année, et que la torture demeure une pratique courante, de plus en plus banalisée par les responsables politiques.
Prise entre l’étau du terrorisme et des réformes négligées par les précédents gouvernements, la Tunisie aborde donc un tournant bien périlleux de sa période post-révolutionnaire.
Surtout que les mécanismes de la démocratie ne sont pas acquis non seulement par certains membres de forces de l’ordre qui commettent de graves dépassements en toute impunité, mais surtout par certains politiques et par certains journalistes qui essayent de manipuler l’opinion publique pour faire l’amalgame entre la guerre contre le terrorisme et les atteintes aux libertés d’expression et d’opposition, ainsi qu’aux droits aux revendications.
Une amalgame intentionnelle qui a abouti à une atmosphère de lynchage permanent de ceux qui s’opposent ou même critiquent le gouvernement où toute voix dissonante est considérée comme un traître à la nation ! Ce qui aboutit ainsi à cette mainmise autoritaire de l’Etat qui refait surface d’une manière inquiétante.
Bien qu’on soutienne donc de la plus forte des manières le gouvernement et les forces armées dans cette guerre menée contre le terrorisme, nous attirons l’attention sur ces dérapages constatées, afin de ne pas retomber dans une dictature et dans un Etat où tout est permis à la police qui peut s'adonner, impunément, à toutes sortes de dérives.
K.B.M.