Ridha Chkandali démonte les chiffres de la TAP sur la dette extérieure : “Un non-sens économique”

Le Professeur émérite en sciences économiques à la Faculté des sciences économiques et de gestion de Nabeul, Ridha Chkandali, a tenu à clarifier les données publiées par l’Agence Tunis Afrique Presse (TAP) selon lesquelles la Tunisie aurait remboursé 125 % de ses échéances de dette extérieure à fin septembre 2025, dépassant ainsi les prévisions inscrites dans la loi de finances, fixées à 8 469 millions de dinars.
Une affirmation pour le moins surprenante, qui, selon l’économiste, résulte d’une série d’erreurs d’interprétation et de confusion entre les données.
“Un gouvernement sans réalisations tangibles”
Pour le Professeur Chkandali, mettre en avant le remboursement de la dette extérieure comme principal accomplissement du gouvernement actuel traduit une certaine pauvreté en matière de réalisations économiques.
“Depuis l’indépendance, la Tunisie n’a jamais manqué un seul paiement de sa dette extérieure. En faire aujourd’hui un exploit relève d’une communication mal orientée”, estime-t-il.
Selon lui, présenter ce paiement comme une réussite exceptionnelle donne au public l’impression que l’État n’a rien d’autre à montrer sur le plan économique ou social.
Un chiffre “illogique et économiquement impossible”
L’économiste juge également absurde l’idée que la Tunisie ait pu rembourser 125 % de sa dette extérieure :
“Comment un pays peut-il rembourser plus que ce qu’il doit ? À moins d’avoir découvert le trésor d’Ali Baba, il est inconcevable qu’un État verse davantage que le montant dû à ses créanciers. Et s’il devait faire preuve d’une telle générosité, le peuple tunisien mériterait d’en bénéficier avant quiconque.”
Une erreur d’interprétation majeure
Ridha Chkandali pointe du doigt deux erreurs fondamentales dans la dépêche de la TAP.
Premièrement, l’agence aurait confondu les chiffres relatifs au service global de la dette extérieure, estimé à 10 549,2 millions de dinars au 30 septembre 2025 selon la Banque centrale, avec les remboursements effectués par l’État tunisien.
“Ce montant inclut en réalité les paiements de l’ensemble des acteurs économiques : la Banque centrale, les banques publiques et privées ainsi que le secteur privé. Ce n’est pas uniquement la dette de l’État”, précise-t-il.
Deuxièmement, la TAP aurait comparé le service total de la dette (10 549,2 MD) avec le principal de la dette publique (8 469 MD), obtenant ainsi le fameux taux de 125 %.
“C’est une erreur méthodologique grave : on ne compare pas le service de la dette – qui comprend intérêts et remboursements – au seul principal, et encore moins la dette globale du pays à celle de l’État.”
Des remboursements dans les temps, sans dépassement
Contrairement à ce qu’avance l’agence officielle, la Tunisie a simplement respecté ses engagements budgétaires habituels.
Jusqu’à fin septembre 2025, l’État a honoré la totalité du service de la dette prévu dans la loi de finances, ne laissant que deux échéances à venir avant la fin de l’année :
258 millions de dinars à rembourser en décembre, correspondant à une dernière tranche d’un prêt de la Banque africaine d’import-export (Afreximbank) contracté en 2021 et 2022 ;
256 millions de dinars à régler en octobre, relatifs au prêt élargi (2016-2019) accordé par le Fonds monétaire international (FMI).
Pas de nouveaux prêts algériens ou saoudiens
Le Professeur Chkandali rappelle enfin que, selon la loi de finances 2025, la Tunisie prévoit d’emprunter 6 131 millions de dinars à l’étranger, répartis entre plusieurs institutions :
120 MD auprès du Fonds monétaire arabe,
277 MD auprès de la Banque mondiale,
1 565 MD auprès de l’Afreximbank,
1 886 MD d’autres sources,
2 045 MD de prêts extérieurs destinés aux projets publics,
et 200 MD de prêts rétrocédés aux entreprises publiques.
Il souligne par ailleurs qu’aucun financement n’a été obtenu ni de l’Algérie ni de l’Arabie saoudite, contrairement à certaines rumeurs circulant sur les réseaux sociaux.
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