Souad Abderahim, Mohsen Marzouk et les autres
L'élection de Souad Abderahim à la tête de la municipalité de Tunis a retenti telle une onde de choc dans les rangs des porteurs du courant progressiste et moderniste en Tunisie. La victoire de la représentante du mouvement islamiste a, à contre-sens, saigné à blanc ce même courant. Encore un élément disperseur et objet de discorde qui a semé les troubles sur fond d’accusations mutuelles de trahison et de traitrise. Les nidaisites et les pro-Kasbah tirent à boulets rouges sur Mohsen Marzouk et son parti, qui à son tour jette ses flèches empoisonnées et se prête au jeu de qui a le plus tort. Encore un remue-ménage à s'engouffrer de jure et offrir par ricochet d’autres victoires au parti islamiste Ennahdha.
Le nouveau jeu d’Ennahdha
Pendant que la guerre souffle mots et actes chaque jour davantage entre les ex-partenaires d’hier et pires ennemis d’aujourd’hui, nous citons Nidaa Tounes et Machroû Tounes, le mouvement islamiste lui, tente de tirer enseignement de son échec aux élections de 2014 et joue une nouvelle mise pour rattraper son coup en 2019. Ennahdha a tout compris. Et c’est pourquoi ce parti n’aura de cesse de disqualifier ces “âmes en porcelaine” en les battant sur leur propre terrain. L’élection de Souad Abderahim en tant que mairesse de Tunis, soit le noyau de la Capitale, s’ajoute au dangereux tableau de chasse d’Ennahdha, et fait office d’une belle assise de leur jeu.
Vous voulez du modernisme, moins de conservatisme, une pincée généreuse de démocratie, vous allez être servis! Voilà ce qu’au fond de ses réflexions ambiguës, Ennahdha avait promis aussi bien aux citoyens qu’à ses adversaires à férocité frugale. Dressons donc le tableau : alors qu’Ennahdha a tiré son épingle du jeu en faisant gagner sa candidate à la tête de la plus importante municipalité, les progressistes se donnant en proie à leurs ambitions fortement empreintes d’égocentrisme, poursuivent la déchirure et ravivent la plaie. Le mouvement islamiste observe alors depuis son perchoir cette guerre que se livrent les nidaistes, les machroûistes et la Kasbah.
Une guerre qui se tient à médias interposés mais également dans les coulisses. Chacun accuse l’autre d’être à l’origine de la victoire de Souad Abderahim et par voie de conséquence de faire gagner les islamistes en pactisant avec eux. Ces mêmes islamistes dont les compétences et les capacités à bien gouverner ont démontré leurs limites à l'avènement de la Troïka en 2011. Mais un point est à relever : il faut dire que les nidaistes et les pro-kasbah sont bien “culottés” de désigner Mohsen Marzouk et son parti comme les complices du succès d’Ennahdha à la mairie de Tunis alors qu’ils mettaient un point d’honneur à promouvoir le “compromis” voilà des années. Drôle d’hypocrisie politique!
La Kasbah loin de tout soupçon
Et à chacun des clans d’envoyer ses pics en dévoilant à petite portion des faits dont la gravité sonne le pas. L’affaire révélée récemment par le journal britannique The Guardian en est une belle preuve. Bien que la Kasbah ait nié en bloc le contenu dudit article, des voix pro-machroû se sont levées pour affirmer et confirmer que l’information est pour le moins avérée. Quoi qu’il en soit, il n’y a jamais de fumée sans feu, de surcroît si celui-ci provient d’une cheminée si bien dressée que celle du Guardian. Passons! Les hostilités sont donc de bonne envergure entre Youssef Chahed et Mohsen Marzouk.
Désormais on ne se cache plus comme des amants interdits et l’on fait sonner le glas à toute possible coopération ou soutien pouvant a priori servir les seuls intérêts de l’actuel chef du gouvernement. Car, il devient de plus en plus limpide dans les rangs des plus avisés des politiques et des responsables gouvernants que Youssef Chahed lorgne le pouvoir et en serait même devenu avide! Légitime conséquence à tout un chacun ayant goûté aux délices des sièges haut perchés.
Qu’est-il arrivé à la sphère des progressistes et modernistes pour qu’elle devienne aussi aveuglée par les ambitions individualistes nuisibles? Il n’est pas interdit d’avoir de l’ambition, ce qui l’est en revanche c'est cette course effrénée pour façonner l’ambition en un simple siège de pouvoir.
Pendant que la dispersion se creuse de plus en plus, les islamistes eux poursuivent leur guerre froide et silencieuse jusqu’à s’incruster dans toutes les structures du pouvoir et coiffer au poteau tout ce beau monde à la belle allure certes mais au projet frivole. A tous ceux-là, sachez qu’il ne faudra pas s’étonner de voir les islamistes sabrer du champagne, halal a fortiori, après les élections de 2019.
Une petite rétrospective sur les derniers mois sera à même de démontrer avec lucidité et raison, comment les islamistes sont en train de gagner du terrain grâce à des armes infaillibles : organisation, discipline et motivation extrême.
Que la sphère éclairée des progressistes puisse en faire autant sur les mois à venir, relèverait sans pessimisme aucun, d’un miracle. Faudra être un fervent croyant et être baigné d’une foi implacable pour croire à un miracle, n’est-ce pas?
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