Test de Turing Vs Chambre Chinoise ?
Par Mahjoub Lotfi Belhedi
Chercheur en réflexion stratégique // CEO d’un cabinet spécialisé en transformation digitale
En parfaite continuité avec mon article précédent « L’intelligence artificielle : la perspective d’une nouvelle religion !? », l’incorporation forcée du terme « Intelligence » au processus d’auto-apprentissage des systèmes experts (pas forcement intelligents), repose essentiellement sur une glorification mythologique du fameux « Test de Turing » et une marginalisation scientifique délibérée de la « Chambre Chinoise » du professeur Searl !
Voyons où tout cela nous mène !
I- La partie apparente de la médaille
A l’instar d’un moine tibétain en pleine méditation, les convertis « IA » multiplient les rituels de sacralisation du « Test de Turing », en décernant depuis 1966, le « Prix Turing » - l’équivalent du prix Nobel en informatique - attribué à une personne sélectionnée pour sa contribution technique en informatique, et en réinventant des « gris-gris » high tech sous forme de reCAPTCHAT (Completely Automated Public Turing test to tell Computers and Humans Apart) ou autres…
En toute simplicité, le « Test de Turing » est une expérience initiée en 1950 par le mathématicien cryptologue britanique « Alan Turing » qui vise à tester si un ordinateur est capable d’imiter la capacité de raisonnement d’un être humain par « la mise en place de trois terminaux. L’un d’entre eux est géré par un humain chargé de poser des questions, tandis que les deux autres, isolés physiquement du premier, doivent y répondre. L’un est opéré par un humain, l’autre par un ordinateur. Au bout d’un certain laps de temps ou d’un certain nombre de questions, l’humain ayant le rôle de l’interrogateur est invité à désigner lequel des répondants est humain et lequel est une machine.
Dégageant des comportements “aussi humains” que l’interlocuteur humain. Elle est alors considérée comme dotée d’une intelligence artificielle et réussit le test ».
Depuis cette date, la prétendue «IA» ne cesse de connaître des mutations profondes en termes de modélisation allant du Machine learning (LM) au Deep learning (DL) avec toutes les innovations technologiques sous-jacentes (réseaux de neurones convolutifs, récurrents, génératifs…), en générant aussi un large éventail d’applications qui touche pratiquement tous les secteurs d’activité humaines procurant aux nouveaux papes « transhumanistes » du « Silicon Vallée & Cie » un puissant tremplin technolgique pour le développement et la propagation « marketing » d’une série de dogmes et rituels numériques ayant pour expression magique : « Big Data » !
II- Le revers de la médaille
A contre courant, l’expérience de « la Chambre Chinoise » imaginée par le philosophe américain « John Searl » en 1980 - largement occultée par la communauté scientifique - dévoile la démarche à la fois problématique/hypothétique du « Test de Turing » quant à l’attribution du qualificatif « intelligent » aux ordinateurs et ce en suivant le process démonstratif suivant :
« Une personne A qui n’a aucune connaissance du chinois est enfermée dans une chambre, on met à sa disposition un catalogue de règles permettant de répondre à des questions en chinois. La personne A enfermée dans la chambre, reçoit de la part d’une personne B des questions écrites en chinois et, en appliquant les règles qu’elle a à sa disposition, elle produit d’autres phrases en chinois qui sont parfaitement claires, et du niveau d’un locuteur de chinois. Ainsi, du point de vue du locuteur qui pose les questions (la personne B), la personne A enfermée dans la chambre parle parfaitement chinois.
Mais, cette dernière n’a aucune compréhension de la signification des phrases en chinois qu’elle compose, elle ne fait que suivre des règles prédéterminées dans le catalogue ».
La « Chambre Chinoise », vaut ce qu’elle vaut, a au moins le mérite de mettre en exergue la haute singularité (et non la suprématie) de l’intelligence humaine (IH) dont « le test de Turing » est incapable de la reproduire authentiquement, et que toute approche comparative avec l'IH est implicitement dénuée de toute pertinence scientifique que ce soit sur le plan info-opératoire ou cognitive…
a- une dépendance info-opératoire étroite envers l'IH
C'est seulement l'IH (l’intelligence humaine) qui génère la fameuse « data » via ses activités anthropiques, la gère sous une forme massive (en big data), puis traitée par des équipes de « data analysts » et modélisée via des « data scientists » pour réaliser des prédictions.
Autrement dit, les modèles de "Machine learning" ou de "Deep learning" sont placés sous la haute surveillance info-opératoire de l'IH, et que toute dérive d'apprentissage est la conséquence directe d'une erreur humaine de collecte de données, d'analyse ou de modélisation. Même le fameux principe de « rétro propagation » qui tend à rectifier les tirs d'apprentissage n'est que l'émanation brillante d'une IH inventé par le trio « David Everett Rumelhart », « Geoffrey Everest Hinton » et « Ronald Williams » en 1986.
b- une singularité cognitive hors pair de l'IH
Elle se traduit comme suit :
- A l’opposé de «l’IA», l’IH est un grand « Tout Cognitif » complexe parfaitement interelié, formé entre autres de facultés de perception, de raisonnement, d’apprentissage et de contextualisation/décontexualisation…
- Le cerveau est un système extrêmement complexe composé de prés de 100 milliard de neurones (cellules nerveuses) interconnectés via les « synapses », subdivisé en hémisphère gauche et droite, répartie en une multitude d'aires - les lobes - dont chacune d'entre elles assurent une fonction cognitive ou motrice pré-définie échappant à toute modélisation algorithmique à base binaire.
- Le cerveau est le siège de notre conscience, émotions, fantasmes et aussi de nos répulsions sub-conscientes, caractérisé par sa grande plasticité intégrative de nos expériences et nos apprentissages, assurant une coexistence fluide entre les parties « intuitives » et « rationnelles » du cerveau qui constituent les sources de nos interactions sociales.
- Etc.
Néanmoins, le grand baptême organisé par les « New Transhumanistes » à l'honneur de " l'IA" continue à passer la pilule de « Turing » …
Et la manipulation étymologique s’intensifie au su et au vu de tout le monde !
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