Transformation digitale des administrations tunisiennes : où en est-on réellement ?

Transformation digitale des administrations tunisiennes : où en est-on réellement ?

Par Aymen Achouri

Depuis plusieurs années, la Tunisie affiche une volonté affirmée de moderniser ses services publics à travers la transformation digitale. Dans les discours officiels comme dans les feuilles de route gouvernementales, la numérisation de l’administration est présentée comme un levier majeur de transparence, d’efficacité et de rapprochement entre l’État et le citoyen. Mais sur le terrain, la réalité semble plus nuancée.

Des plateformes numériques... à moitié utiles

Des plateformes en ligne ont vu le jour, tant du côté des banques publiques que des ministères. Certaines permettent, en théorie, de réaliser des démarches administratives à distance, comme la demande d’extraits de naissance, la prise de rendez-vous pour renouveler une carte d’identité, ou encore l’ouverture d’un compte bancaire. Cependant, il n’est pas rare que ces démarches numériques aboutissent à une impasse : une fois le formulaire rempli en ligne, l’utilisateur se voit notifier qu’il doit tout de même se déplacer physiquement pour finaliser l’opération.

Anecdotes révélatrices du terrain

Une anecdote révélatrice : un citoyen ayant demandé un extrait de casier judiciaire via une plateforme en ligne a reçu un message de confirmation, mais s’est vu dans l’obligation de se rendre au poste de police pour retirer le document « en main propre » — alors même que son identité avait déjà été vérifiée numériquement via la plateforme.

Des banques pas encore totalement digitales

Autre exemple : certaines banques tunisiennes proposent l’ouverture de comptes en ligne via leurs sites ou applications mobiles. L’utilisateur peut télécharger ses pièces justificatives, remplir un formulaire détaillé, et recevoir une confirmation par email. Mais dans de nombreux cas, il est ensuite invité à se présenter en agence pour signer physiquement les documents imprimés.

Un problème de fond organisationnel

Ces contradictions révèlent un problème de fond : la transformation digitale ne peut pas se limiter à la numérisation des interfaces. Elle nécessite une refonte des processus internes, une interconnexion des bases de données, une formation adaptée des agents publics, ainsi qu’un cadre légal et réglementaire propice à la dématérialisation totale des démarches.

Quelques avancées notables

Malgré ces lenteurs, certains progrès sont à saluer. Des services comme la plateforme e-bawaba ou le portail national des téléservices ont facilité certaines procédures, notamment pour les entreprises. La généralisation de l'identité numérique nationale, encore en phase pilote, pourrait également changer la donne à moyen terme.

Conclusion : un chantier encore ouvert

En conclusion, la Tunisie a bel et bien entamé sa transformation digitale, mais le chemin reste semé d’embûches. Il ne suffit pas de créer des sites web pour révolutionner l’administration : il faut revoir les pratiques, changer les mentalités, et surtout, placer l’utilisateur au centre de la démarche.

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