Tunisie : Discours du Président Ben Ali sur la crise économique
Dans un discours prononcé en son nom par M. Mohamed Ghannouchi, Premier vice- Président du RCD et Premier
ministre, le chef d l'Etat s'est adressé aux participants à la séance d'ouverture du 21e symposium international du Rassemblement Constitutionnel Démocratique (RCD) sur le thème "Quel système économique mondial pour garantir la stabilité et le développement dans le monde ?"
«Mesdames, Messieurs,
Ce symposium international se propose de débattre du thème : « Quel système économique mondial pour garantir la stabilité et le développement dans le monde ». C'est là un sujet qui revêt une grande importance, tant il soulève les principales problématiques et les plus grands défis auxquels l'humanité se trouve confrontée en cette étape décisive de son histoire.
C'est que le monde connaît, de nos jours, des mutations profondes, engendrées par l'extension du phénomène de la mondialisation et l'orientation de nombreux pays vers la constitution d'ensembles régionaux et internationaux regroupant des pays développés et des pays en développement. Du fait de l'internationalisation des marchés, de la mondialisation des systèmes de production et de l'intégration financière mondiale, les échanges de biens et de services ont connu un développement sans précédent, tout comme la circulation rapide des capitaux entre les divers pays, qui a donné lieu à des résultats remarquables, à l'échelle mondiale, au niveau de la croissance et de la maîtrise de l'inflation.
Néanmoins, ceci n'aura pas empêché l'apparition de maints aspects négatifs, les déséquilibres fondamentaux du modèle de la mondialisation, la discordance des politiques macroéconomiques et le caractère partiel des réformes structurelles ayant donné lieu à des convulsions financières successives.
La conjoncture économique et financière mondiale a, ainsi, connu sa crise la plus grave depuis les années 30 du siècle dernier, du fait de l'étendue de la marge de risque due à la mondialisation des marchés financiers et à l'usage abusif des instruments financiers sophistiqués qui ont alimenté les manœuvres spéculatives et creusé l'écart entre le secteur productif et le secteur financier.
Le volume des transactions opérées par le biais de ces instruments non encadrés est ainsi monté en flèche pour atteindre des chiffres représentant plusieurs décuples du volume de l'économie réelle, à un point tel que le secteur financier est devenu un circuit distinct et autonome, échappant au pouvoir des autorités de contrôle.
C'est ce qui a conduit à une aggravation des risques dont ces instruments sont porteurs, un climat de défense s'est alors installé dans les places financières, avec pour corollaire, une pénurie des liquidités, une paralysie de l'activité de crédit et des retombées sur l'économie mondiale. Et n'étaient les interventions coordonnées et intensifiées des banques centrales, grâce à des mesures non-conventionnelles prises au niveau des politiques monétaires, et l'intervention des gouvernements, à travers les programmes diversifiés de sauvetage et de relance économique, la crise aurait pu prendre des dimensions autrement plus graves.
L'absence d'une approche globale prenant en considération la notion de développement humain équitable, a contribué à approfondir l'écart entre les pays et les peuples, et à élargir l'aire de cette crise dont les incidences ont frappé les pays en développement.
L'instabilité des cours des denrées de base et la hausse sans précédent des prix des hydrocarbures, au cours du premier semestre de l'année 2007, ont eu des répercussions directes sur les coûts de production, de stockage et de transport des denrées de base et des produits alimentaires, ce qui a mis en danger la sécurité alimentaire dans le monde et, tout particulièrement, dans les pays les moins développés.
Ce qui a aggravé la situation, c'est bien le danger de la pollution et de la dégradation de l'écosystème, la compétition débridée et la mondialisation de l'économie ayant donné lieu à une exploitation intensive et souvent incontrôlée des richesses naturelles non renouvelables.
La Tunisie a joué un rôle précurseur dans l'observation et l'analyse des développements intervenus sur les marchés financiers mondiaux, dès l'apparition des premières prémices de la crise, en mettant en place des cellules de veille et de suivi dont nous avions ordonné la création, depuis la fin de l'année 2007, et qui ont permis d'établir une stratégie nationale cohérente pour faire face aux retombées de la crise et préserver les équilibres intérieurs et extérieurs de notre pays.
Nous avons, en outre, veillé à suivre une démarche qui concilie l'option de libéralisation de l'économie avec la mise en place de mécanismes de prévention des risques, en adoptant le principe de la vigilance, en faisant recours à la prospective et en observant une prudence totale dans la politique monétaire.
A cet effet, nous avons créé un Centre de recherches et d'études financières et monétaires, au sein de la Banque Centrale de Tunisie, afin d'observer les développements de la situation financière et économique mondiale, de les analyser et d'évaluer leurs incidences sur l'économie nationale.
Et si nous avons pu, grâce à ces mesures structurelles et conjoncturelles que nous avons ordonnées, renforcer l'aptitude de notre économie à faire face à la crise, l'évolution de la conjoncture économique nationale constitue la meilleure preuve de la pertinence de nos choix et du réalisme de notre approche à travers laquelle nous nous sommes attachés à mobiliser les secteurs banquier et financier au service de l'activité économique.
Dans le domaine de la libéralisation des finances extérieures, nous avons accordé la priorité à l'affranchissement des opérations financières liées aux activités de l'entreprise économique, ainsi que des investissements directs qui contribuent au financement de projets générateurs d'emplois.
Nous sommes déterminés à poursuivre les réformes afin de réaliser la libéralisation totale du Dinar, avant la fin de l'année 2014, de hisser la Tunisie au rang de place financière régionale, d'élever le taux de croissance à un niveau qui nous permettra de rejoindre le cortège des pays développés et d'améliorer davantage la situation sociale.
Nos réalisations et nos acquis dans les domaines économique et financier nous incitent, aujourd'hui, à un surcroît de labeur et d'effort, et à une vigilance et une prudence accrues et continues, pour que notre pays puisse atteindre ses objectifs de développement et relever les défis à venir que nous avons mentionnés dans notre programme électoral.
Comme nous l'avons précédemment souligné, nous sommes confiants en la capacité de notre pays de retrouver les taux de croissance les plus élevés, au début de cette nouvelle étape, et de continuer à accomplir des réalisations pour concrétiser nos objectifs pour les années à venir, lesquels nécessitent un changement qualitatif majeur dans notre approche de développement et de l'investissement, pour habiliter notre pays à relever le défi de l'édification de l'économie nouvelle et à rattraper, dans les plus brefs délais, le cortège des pays développés.
Nous avions, à cet égard, appelé la communauté internationale à établir des règles d'éthique sous forme de code de conduite international engageant tous les pays, garantissant l'harmonie entre le secteur financier et le secteur économique, édictant des normes de gestion et d'évaluation des risques, et encadrant les transactions opérées au moyen des produits financiers sophistiqués. Et cela outre la nécessité d'étendre le contrôle à toutes les institutions financières dont les activités impliquent le facteur risque.
Les récents développements de la conjoncture économique et financière mondiale ayant apporté des signes annonciateurs de la sortie de récession de l'économie mondiale issue de la crise, nous appelons la communauté internationale à coordonner davantage ses efforts et à intensifier ses mécanismes de coopération, pour prévenir le retour d'une pareille crise.
C'est que nombreuses sont les données qui attestent de la fragilité de la situation, dans le contexte de la montée du chômage, du déficit des budgets publics et des paiements courants, et du recours de la plupart des Etats à une politique protectionniste.
Nous invitons, également, la communauté internationale à faire preuve de vigilance continue et à accorder une importance maximale à l'impératif d'établir des stratégies cohérentes pour sortir de la crise et de s'assurer du plein rétablissement de l'économie mondiale. Dans ce cadre, il importe d'être attentifs aux risques d'inflation, de hausse de la dette publique et des conséquences de blocage du processus de relance de l'économie mondiale, dans le cas où il serait fait recours à des politiques financières et monétaires inadéquates.
Les efforts déployés pour redonner à l'économie mondiale sa cadence normale ne doivent pas nous faire perdre de vue la nécessité de répondre aux besoins des pays émergents et en développement, en flux de capitaux à des conditions qui puissent leur permettre de réaliser leurs programmes de développement et de s'intégrer dans le circuit économique mondial.
Nous rendons hommage au Groupe des 20 et aux instances financières internationales pour les efforts qu'ils ont déployés en vue de jeter de nouvelles bases pour l'organisation et le réajustement de la finance mondiale, et lançons un appel en faveur du renforcement de la présence des pays émergents et en développement, et de leur implication effective dans les sphères de décision.
Dans ce cadre, nous avions appelé à la nécessité de réviser le rôle du Fonds Monétaire International dans le traitement des problèmes financiers et monétaires mondiaux en lui conférant des prérogatives exhaustives en la matière et en assurant l'engagement de tous les pays, y compris les pays développés, en faveur de l'opération de redressement du secteur financier qui est menée par cette instance internationale.»