Tunisie :La corruption peut devenir structurelle si rien n’est fait
La Tunisie a fêté, à l’instar de tous les pays du monde, la journée internationale de lutte contre la corruption, célébrée le 9 décembre de chaque année et dont l’objectif vise à sensibiliser la communauté internationale au fléau de la corruption. Un phénomène qui « sape, selon l’Organisation des nations unies, les institutions démocratiques, ralentit le développement économique et contribue à l'instabilité gouvernementale ».
A cette occasion, Kamel Ayadi, expert anti-corruption et président du département Mena au Centre international de lutte contre la corruption a tenu une conférence au cours de laquelle il a fait le point de la corruption en Tunisie et lancé un message aux cinq pouvoirs en place afin d’assumer leur responsabilité en matière de prévention et de lutte contre ce fléau, s’agissant des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire et ceux des instances constitutionnelles et des collectivités locales.
Selon Kamel Ayadi, au regard des classements de la Tunisie dans les rapports sur l’indice de perception de la corruption publié par l’ONG Transparency International (79ème en 2014 sur 176 pays listés) et sur l’indice de l’Etat de droit publié par l’organisation internationale «World justice project» (43ème en 2015 sur 102 pays listés), la Tunisie fait toujours mieux que les pays de sa région (Le Maghreb) en matière de lutte contre la corruption et n’a pas encore atteint des seuils alarmants. En plus clair encore, la Tunisie demeure le pays « le plus clean » de son environnement régional.
Eviter le scénario de la mafia en Italie
Il estime toutefois que si des mécanismes de prévention et de lutte efficace contre ce fléau ne sont pas mis en place, la corruption risque de devenir structurelle (à l’instar de la mafia en Italie), et d’être par conséquent difficile à éradiquer. Le principe étant : la corruption se propage très vite et prend beaucoup de temps pour être réduite. Il considère que si la corruption était compréhensible en 2011, elle ne peut plus l’être en 2015. Le moment est de réagir avec la plus grande fermeté à ce fléau.
Et Kamel Ayadi d’expliquer : les études qui se sont intéressées à la corruption dans les pays qui vivent des situations post-révolution ou post-conflit (cas du soulèvement du 14 janvier 2011 en Tunisie) relèvent unanimement un accroissement automatique de la corruption pendant la période de transition et l’apparition d’un nouveau phénomène appelé « la course aux situations de rente ».
Quant il ya un vide au niveau du pouvoir, dit-il, il y a inévitablement des forces qui vont essayer de se positionner dans ce nouveau paysage avec comme résultat, l’élargissement de la sphère de la corruption et la multiplication des corrupteurs et des corrompus, c’est ce qu’appellent les experts « la démocratisation de la corruption».
Traitant du rôle de l’Etat, l’expert a déploré la fâcheuse tendance du gouvernement à ne pas faire assez pour lutter contre la corruption et à donner l’impression qu’il se dessaisit complètement de ce dossier. Pour preuve, dès sa nomintation , le gouvernement Essid a été fortement critiqué par des voix locales, pour n’avoir pas prévu un département ministériel dédié à la bonne gouvernance et à la lutte contre la corruption. Des partenaires étrangers (américains, allemands…) et bailleurs de fonds ont relayé la fronde locale pour déplorer le peu d’intérêt accordé à la lutte contre la corruption.
Les pistes à explorer pour lutter contre la corruption
Pourtant de nombreux rapports officiels et témoignages de personnalités étrangères ont fait état de la recrudescence de la corruption en Tunisie : rapport de l’Institut national des statistiques (INS) sur la corruption de la police et les agents de santé, rapport de la chambre mixte tuniso-allemande (AHK) sur la perception de la corruption par les entreprises off shore allemandes, rapport sur la perception de la petite corruption en Tunisie « la petite Corruption : le danger banalisé »élaboré par l’Association tunisienne des contrôleurs publics…
Au chapitre des propositions, l’expert Kamel Ayadi suggère la mise au point d’une stratégie claire en matière de lutte contre la corruption, la publication des données sur la récupération par l’Etat des fonds publics accordés aux listes politiques qui ont participé aux dernières élections générales, l’organisation d’une conférence nationale sur la lutte contre la corruption et l’adoption d’un système de management anti-corruption (norme Iso 37001).
Il invite l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) à accélérer l’adoption, en urgence, de deux projets lois : le premier porte sur la création d’une Instance nationale de lutte contre la corruption (Instance prévue par l’article 130 de la Constitution) tandis que le second a trait à la protection des dénonciateurs.
C’est au final tout un programme que l’expert propose.
A méditer…
KIM
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