Tunisie: la théorie du complot

Tunisie: la théorie du complot

« Le mélange de vrai et de faux est énormément plus toxique que le faux pur », disait paul Valery. 

Les déclarations fracassantes de Slim Riahi sur l’existence d’un présumé complot contre l’Etat sont venues jeter un pavé de plus dans le marigot politique tunisien. Riahi qui a été élevé, contre toute attente, au premier poste de responsabilité au sein de Nidaa Tounes, le parti présidentiel, n’est pas aussi hurluberlu qu’on le pense. Il a bien choisi le moment, le lieu et le média pour faire sa déposition comme témoin. C’est à la suite de la grève générale dans la fonction publique et à la veille des débats budgétaires, à Paris et sur la chaine France 24. Comme il a ciblé les personnalités qu’il accuse d’être impliquées dans cette conspiration : le chef du gouvernement, le chef de la sécurité présidentielle, l’ancien directeur du cabinet présidentiel, un ancien ministre… Question de donner à ses déclarations l’écho escompté, puisqu’elles ont été largement reprises par des médias nationaux et étrangers et ont alimenté les débats en Tunisie.

Sans entrer dans les détails de sa plainte, beaucoup a été dit sur son contenu, jugé par la plupart des observateurs et des initiés, farfelu, Slim Riahi n’a pas agi tout seul, mais il a été encouragé de le faire. Certains sont même allés jusqu’à dire qu’il a anticipé une probable mise en accusation dans l’affaire du Club Africain qui a porté plainte contre lui pour «trahison, falsification, usage de faux et exploitation du CA dans le but de blanchir de l’argent». L’avocat de l’équipe l’accuse d’avoir « dérobé un montant de 25 millions de dinars ». Mais là c’est une autre paire de manches.

« Complotisme et conspirationnisme »

Ce complot présumé s’ajoute à d’autres qui restent encore non élucidés. Il y a cinq ans déjà, l’ancien président provisoire Moncef Marzouki avait dénoncé dans une interview accordée au journal le Monde du 7 novembre 2013, « un complot des partisans de l’ancien régime de Ben Ali, de puissances arabes et des salafistes (sic) visant de faire avorter le processus démocratique et à déstabiliser la Tunisie ». Souvenez-vous bien c’était en pleine période du dialogue national mené par le quartette qui avait abouti au départ la Troïka et son remplacement par le gouvernement technocrate de Mehdi Jomaa. Un complot qu’il aurait fait avorter en sa qualité de chef suprême des armées !

Actuellement, un ancien ministre de l’intérieur, en fuite, est accusé avec deux anciens hauts cadres des renseignements, aujourd’hui sous les verrous, de complot contre la sureté de l’Etat. L’un de ses successeurs à la tête du ministère, Lotfi Brahem, a été, à son tour, accusé par un média étranger de fomenter un coup d’état et il a déposé plainte contre le journaliste français qui a fait cette révélation.

Cette théorie du complot ou « conspirationnisme ou complotisme », est très répandue dans le vocabulaire des politiques tunisiens. Au point qu’elle se trouve banalisée et décrédibilise ses auteurs.  Mais elle pourrait semer la paranoïa et la peur chez les citoyens et écorner l’image du pays à l’étranger. Et fragiliser ses institutions et remettre en question le processus démocratique en cours.

Car, comme le disait le philosophe et poète français Paul Valery( 1871-1945), « le mélange de vrai et de faux est énormément plus toxique que le faux pur. » 

B.O

 

 

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