Tunisie: le journal « Tunis Hebdo » demande des comptes
Dar « Tunis Hebdo » vient de porter plainte contre tous ceux qui ont participé à ce que ses dirigeants appellent « grande injustice» dont a été
victime le journal sous le régime de Ben Ali. Les péripéties de cette affaire remontent à l’année 1995, lorsque pour punir cette société qui édite les deux journaux Tunis Hebdo et Al Akhbar, 12 sanctions financières, lui ont été imposés pour règlement immédiat à la CNSS. Le montant global de la sanction dépassait le demi-milliard. Raison invoquée: «Dar Tunis Hebdo» avait sous-déclaré ses revenus couvrant les années 1992, 1993, 1994.
« Tunis Hebdo », a été obligée de payer cette somme, parce que M. Ben Ali avait donné des consignes précises pour «naufrager Dar Tunis Hebdo ».
Comme cela ne lui suffisait pas il a recommandé aux sociétés et aux entreprises étatiques et semi-étatiques de rompre leurs abonnements à ces journaux et de ne plus leur accorder de publicité. Même le secteur privé a suivi la consigne de ZABA.
Malheureusement la chaine de télévision « Tunisie 21 » a participé à ce complot. Les sbires de ZABA ont ordonné à la chaîne «Tunis 21», en activité sous cette appellation à cette époque-là, d’attaquer ces journaux, de les discréditer et de salir leur réputation. Très fier de sa fidélité à l’ancien régime l’animateur Moez Khadhraoui, n’a pas eu froid aux yeux de demander aux téléspectateurs dans une émission en direct, de boycotter les journaux de «Dar Tunis Hebdo.
Témoin de ce complot contre « Dar Tunis Hedbo », le réalisateur Slah Sghiri vient de témoigner via un courrier qu’il a adressé à cette grande maison d’édition et dans laquelle il a particulièrement écrit :
« Étant le réalisateur de l’émission lors de laquelle M. Moez Khadhraoui a jeté indûment l’opprobre sur « Dar Tunis Hebdo », je me rappelle que je fus choqué par son intervention inopinée et la violence de ses propos. Cette intervention ne figurant nullement dans le conducteur établi par l’animateur et visé par le Directeur de la chaîne. Je l’ai écourtée en balançant le générique de fin.
Scandalisé par un manquement total aux rudiments de la profession et l’outrance des propos quasiment autodaféesques ; j’ai fait part de ma réprobation auprès de M. Sadok Bouabane — à l’époque directeur de l’ex-Canal 21— sa réponse a été on ne peut plus nette, claire et sans appel. A son avis, les ennemis du Président méritent bien plus que des « condamnations somme toute verbales». Et «si le bal ne fait que commencer», le simple fait de demander des explications quant à la justesse des procédés me rend à ses yeux plus que suspect. Ecourtant notre entrevue, M. Bouaban fut tranchant. Il ne manquera pas, conclut-il, d’informer M. Abdelwahab Abdallah de mon hostilité à sa politique.
Ma présence à Canal 21 devint insoutenable et je fus sommé de quitter la chaîne. Les dés étaient jetés….. Ils ont certes parasité ma carrière mais n’ont pu, en aucun cas, entamer mon approche du rôle de la télé en tant qu’institution publique ni ébranler mes convictions éthiques.
C’est donc sans le moindre regret que j’ai pris ma retraite, enfin soulagé de quitter une galère déglinguée partie à la dérive. Victime ?
Certainement. Né sous une bonne étoile ? Affirmatif. Même contrariée, une carrière reste une carrière tout simplement. Une babiole, en définitive, lorsque je pense à tous ceux qui, moins chanceux que moi, ont payé une simple velléité de leurs biens, de leur intégrité morale voire leur vie, broyés par un système nauséabond, érigé sur l’incurie, l’imposture, l’ignorance et l’ignominie.
A propos, savez-vous que profitant de la confusion générée par la révolution, ils ont de nouveau refait surface ? Déroutant ce tandem et à croire indéboulonnable. M. Bouaban se retrouvant à la tête de l’ex-canal 21 (avant d’échouer à El Watania 1), alors que M. Khadraoui dirige des débats sur la bonne gouvernance post-révolutionnaire. Dans sa cellule M. A. Abdallah doit certainement bien se marrer. Ses créatures sont toujours aux commandes, alors qu’importe qu’il y ait révolution. Ou pas. »
Cette affaire dont le dénouement sera connue bientôt, prouve qu’une purge est plus que nécessaire pour assainir les médias des fidèles serviteurs de l’ancien régime.