Tunisie: les employés de la BIAT espionnés
Le data journal OWNI a révélé il y a quelques jours que la société française Amesys avait contribué à espionner des figures de l’opposition libyenne,
dont l’actuel ministre libyen de la culture, ainsi que l’ambassadeur de la Libye à Londres.
Selon des informations obtenues par OWNI, Amesys ne se serait pas contentée d'espionner des figures historiques de l'opposition libyenne. Elle se serait aussi intéressée à la principale banque privée tunisienne à savoir la Banque internationale arabe de Tunisie (BIAT).
Pour y parvenir, la société française Amesya utilisait une solution baptisée "Eagle" qui n'est autre qu'un système de surveillance massif de l’Internet. Le mode d’emploi d’Eagle révèle également que ses utilisateurs ont cherché à identifier « tous les employés » de la BIAT, où on y trouve ainsi des dizaines d’adresses mail et de courriels échangés par plusieurs de ses employés (essentiellement des femmes), ainsi que des reçus envoyés automatiquement par les robots de la banque, ou encore par le système SWFIT de transferts interbancaires.
Toujours selon OWNI, la page 11 du manuel explique comment le « superutilisateur » du système assigne des tâches aux opérateurs chargés de faire le tri dans les télécommunications interceptées. Or, on peut y lire : « merci d’identifier tous les employés de cette banque ».
Les pages qui suivent, dans le manuel, sont ainsi truffées d’adresses e-mail de type prénom.nom@biat.com.tn, mais également de nombreuses adresses en @yahoo.fr, @gmail.com, @hotmail.com, @voila.fr, @wanadoo.fr ou @laposte.net… sans que l’on sache trop s’il s’agit de clients, ou bien d’employés, ni s’il s’agit de Français ou bien de francophones.
On y trouve également un e-mail de confirmation (en français) d’un virement SWIFT envoyée par la BIAT à l’un de ses clients libyens etc.
Pire encore et contrairement aux systèmes d’écoutes ciblées traditionnels, le système “massif” de surveillance d’Amesys aurait pour vocation d’intercepter et d’analyser l’intégralité des télécommunications, à l’échelle d’un pays tout entier.
Dans sa plaquette de présentation de sa gamme de solution pour les services de renseignement, Amesys avance ainsi qu”EAGLE a été conçu pour surveiller l’ensemble du spectre des télécommunications : trafic IP (internet), réseaux téléphoniques fixes et mobiles, WiFi, satellite, radio V/UHF, micro-ondes… grâce à des “sondes passives, invisibles et inaccessibles à quelqu’intrus que ce soit“.
Le système massif (EAGLE), a été conçu pour répondre aux besoins d’interception et de surveillance à l’échelle d’une nation (et) capable d’agréger tout type d’informations (et) d’analyser, en temps réel, un flux de données à l’échelle nationale, de quelques terabytes à plusieurs dizaines de petabytes1.
EAGLE serait ainsi susceptible de pouvoir agréger, de façon automatisée, les adresses emails, physiques, n° de téléphone, images des suspects, mais également d’effectuer des recherches automatisées par dates, heures, n° de téléphones, adresses email, mots-clefs, géolocalisations…
EAGLE permettrait ainsi de “regrouper toutes les données interceptées dans un seul et même datacenter, ce qui permet d’obtenir une vision claire des différentes activités de vos cibles“, de les géolocaliser, de reconstituer, de manière graphique, leurs réseaux sociaux, d’effectuer des analyses sémantiques, des retranscriptions, des traductions et de la reconnaissance automatique de conversations téléphoniques…
En l’espèce, Amesys se targue de pouvoir traiter tout autant l’arabe que le croate en passant par le farsi, le français, le québécois, le japonais, le tamoul, l’anglais (britannique, des États du Sud ou bien du Nord des USA), l’espagnol (caribéen ou non caribéen) ou encore le chinois mandarin.
En d'autres termes, il se pourrait que les cibles tunisiennes étaient écoutaient à partir de ce dispositif ? Mais une question reste en suspens: qui l'a commandé et pour quelle raison ?