Tunisie : un verdict qui ternit l’image du pays

Tunisie : un verdict qui ternit l’image du pays

La condamnation à mort d’un citoyen par la justice, pour des faits liés à la diffusion de contenus en ligne, suscite des interrogations sur la proportionnalité des peines et sur l’image du système judiciaire tunisien à l’étranger.

La récente condamnation à mort par le tribunal de Nabeul d’un simple citoyen, journalier et père de trois enfants, a provoqué une vive réaction en Tunisie et dans les médias étrangers. L’homme était poursuivi pour la diffusion de « fausses nouvelles visant un fonctionnaire public », « offense envers le président de la République » et « entente ayant pour but de changer la forme de l’État ».
La décision de la chambre criminelle, où quatre juges sur cinq — dont le président — ont voté la peine capitale, a surpris par sa sévérité et relancé le débat sur la place de la liberté d’expression et sur le fonctionnement de la justice tunisienne.

Au-delà du cas individuel, ce verdict intervient dans un contexte délicat pour la Tunisie, où chaque décision judiciaire est désormais scrutée et interprétée à l’international. En appliquant l’article 72 du code pénal, qui prévoit la peine de mort pour atteinte à la sûreté de l’État, les magistrats ont choisi la voie la plus lourde. Le parquet, le juge d’instruction, puis la chambre d’accusation ont successivement validé la procédure, donnant à cette affaire une portée institutionnelle.

Cette décision risque d’avoir des répercussions sur la perception du pays à l’étranger. Elle intervient alors que la Tunisie cherche à renforcer sa crédibilité juridique, notamment à travers plusieurs demandes d’extradition de citoyens poursuivis pour des affaires de corruption et de blanchiment d’argent. La plus récente vise Halima Ben Ali, fille de l’ancien président, dont on réclame le retour pour qu’elle réponde devant la justice.

Dans un tel contexte, la condamnation à mort pour des faits d’expression publique, aussi discutables soient-ils, donne l’impression d’une justice à deux vitesses : inflexible face aux citoyens ordinaires, hésitante face aux grands dossiers de corruption. Les réactions internationales, déjà nombreuses, risquent d’alimenter davantage l’idée d’un pays en perte de repères juridiques.

De nombreux observateurs appellent à une réévaluation de la décision et à une réflexion plus large sur l’usage du décret-loi 54, souvent critiqué pour ses effets dissuasifs sur la liberté d’expression. La Tunisie, qui cherche à restaurer la confiance dans ses institutions, ne peut se permettre de donner le spectacle d’une justice perçue comme arbitraire.

Alors que le pays aspire à être respecté pour son sens de la justice et de la dignité, il lui revient de démontrer, par ses actes, que la rigueur judiciaire peut aller de pair avec l’équité et le respect des droits fondamentaux.

B.Oueslati

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