Washington accentue la pression sur la CPI: L’ONU et le Tribunal international ripostent

Washington accentue la pression sur la CPI: L’ONU et le Tribunal international ripostent

Le bras de fer entre la Maison Blanche et la Cour pénale internationale (CPI) s’est encore durci cette semaine, après l’annonce par l’administration américaine de nouvelles sanctions contre ses juges et procureurs pour leurs participations à des enquêtes impliquant les Etats-Unis et Israël.

Mercredi, le secrétaire d’Etat américain, Marco Rubio, a annoncé des mesures à l’encontre de deux juges de la cour – la Canadienne Kimberly Prost et le Français Nicolas Guillou – ainsi que deux procureurs adjoints – la Fidjienne Nazhat Shameem Khan et le Sénégalais Mame Mandiaye Niang – pour leur « participation directe » aux efforts de la CPI visant à « enquêter, arrêter, détenir ou poursuivre des ressortissants des États-Unis ou d’Israël, sans le consentement de l’une ou l’autre de ces nations ». 

L’annonce a immédiatement été saluée par le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, lui-même visé depuis novembre 2024 par un mandat d’arrêt de la CPI pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité dans la bande de Gaza. 

Ces sanctions viennent s’ajouter à celles déjà prises contre quatre autres juges de la CPI et son procureur, Karim Khan, à l’origine du mandat d’arrêt contre M. Nétanyahou. Depuis le mois de mai, M. Khan s’est mis en retrait de ses fonctions, en attendant les conclusions d’une enquête administrative le concernant pour « faute présumée », dans le cadre d’allégations de comportement sexuel inapproprié que le procureur aurait eu envers une employée – accusations qu’il dément.

Une atteinte à l'indépendance de la justice

La réaction de La Haye ne s’est pas faite attendre. Dans une déclaration ferme, le tribunal a dénoncé mercredi « une atteinte flagrante à l'indépendance d'une institution judiciaire impartiale, mandatée par 125 États parties de toutes les régions ». Pour l’institution, ces sanctions ne sont pas seulement une attaque contre ses magistrats, mais aussi « un affront aux États parties à la cour, à l'ordre international fondé sur des règles et, surtout, aux millions de victimes innocentes à travers le monde ».

Loin de se laisser intimider, la CPI affirme qu’elle « continuera de s'acquitter de son mandat, sans se laisser décourager, dans le strict respect de son cadre juridique tel qu'adopté par les États parties et sans se soucier de la moindre restriction, pression ou menace ». Elle appelle les gouvernements qui partagent les valeurs de l’humanité et de l'État de droit à « apporter un soutien ferme et constant à la Cour et à son travail mené dans le seul intérêt des victimes de crimes internationaux ».

L’ONU demande le retrait des sanctions

Depuis Genève, le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Volker Türk, a enfoncé le clou. « L’intensification implacable des représailles américaines contre les institutions internationales et leur personnel doit cesser », a-t-il déclaré jeudi. Pour lui, « sanctionner des juges et des procureurs – qu’ils exercent à l’échelle nationale, régionale ou internationale – pour avoir rempli leur mandat conformément aux normes du droit international constitue une atteinte à l’État de droit et mine la justice ».

M. Türk demande le retrait pur et simple des sanctions visant les juges et les procureurs, ainsi que la Rapporteuse spéciale de l’ONU sur la situation dans le territoire palestinien occupé, Francesca Albanese, également sanctionnée le mois dernier par Washington. 

D’ici là, le chef des droits humains à l’ONU exhorte les États à protéger ces responsables, y compris en décourageant les entreprises présentes sur leur sol de mettre en œuvre les mesures américaines. « Ceux qui s’emploient à documenter, enquêter et poursuivre les violations graves du droit international ne devraient pas être contraints de travailler dans la peur », a-t-il averti.

Dans cette confrontation inédite, la CPI et l’ONU présentent un front uni face à une stratégie américaine qui, selon eux, fragilise le socle même du droit international : l’idée que personne, pas même les puissances les plus influentes, n’est au-dessus de la justice.

 

 

Votre commentaire