Abdelmajid Mselmi: "Le travail des médecins spécialistes dans les régions de l'intérieur doit être obligatoire"

Abdelmajid Mselmi:  "Le travail des médecins spécialistes dans les régions de l'intérieur doit être obligatoire"

Abdelmajid Mselmi, chirurgien, professeur agrégé et dirigeant au parti de Tahya Tounes a accordé à Espacemanager, une interview exclusive où il a évoqué plusieurs points de grande importance dont la fuite des compétences ou ce qu’on appelle l’exode des cerveaux qui frappe encore fort en Tunisie, notamment dans le secteur de la santé. La nouvelle composition du gouvernement et le retard accusé ont été également évoqués.

La fuite des médecins tunisiens est un phénomène qui ne cesse de frapper fort en Tunisie, pourquoi selon vous ?

Il est vrai que ces dernières années, on assiste à une vague de départs des médecins tunisiens pour aller travailler à l’étranger notamment vers l’Europe (France, Allemagne) et vers les pays du Golfe (l’Arabie Saoudite surtout). Le facteur principal à mon avis, c’est la demande accrue de ces pays des compétences médicales vu le besoin énorme de leurs populations. 

La transition épidémiologique, l’augmentation de l’espoir de vie et la révolution technologique médicale ont entrainé une demande accrue des besoins de santé dans le monde et particulièrement dans ces pays riches.

Les médecins tunisiens dont les compétences sont reconnues mondialement sont bien placés pour répondre à cette demande. Les pays du Golfe proposent des salaires alléchants entre 20 mille et 30 mille dinars et même plus. En Europe les salaires proposés sont peut-être moins séduisants mais les conditions du travail et le cadre de vie dans les villes européennes attirent les médecins tunisiens et particulièrement les jeunes. 

Je pense que ce choix est légitime pour les médecins jeunes et moins jeunes qui aspirent à améliorer leurs conditions matérielles ou travailler dans des meilleures conditions. Que ce soit pour les médecins ou ingénieurs ou autres, il faut mettre fin à ce « populisme » et arrêter de diaboliser et dénoncer ces corps de métier.

Au contraire, je trouve que cette émigration est très bénéfique non seulement de point de vue économique mais aussi du point de vue scientifique et technologique car beaucoup d’entre eux reviennent en Tunisie et vont faire profiter les malades tunisiens de leur savoir-faire.

Est-ce qu’il y a un risque de désertification médicale en Tunisie ?

Je ne pense pas. Nous avons 4 facultés de médecine qui fonctionnent à plein régime depuis un demi-siècle et qui forment des médecins de très bon niveau. Nous avons un pool de 12 000 médecins actifs sur le territoire soit 1 médecin pour 1000 citoyens et c’est globalement dans les normes. Il faut surtout les bien répartir dans les régions car nous avons un grand problème de déséquilibre régional au niveau des médecins spécialistes.

Quel est le problème le plus urgent pour la santé publique ?

A mon avis, le problème le plus urgent pour la santé publique c’est le manque de médecins spécialistes dans les régions de l’intérieur et particulièrement les spécialités vitales telles que la gynécologie, l’anesthésie, la cardiologie, les spécialités chirurgicales…

Le fonds pour les gardes dans les hôpitaux régionaux instauré par Said Aidi en 2015, et considéré à l’époque comme une solution provisoire, a montré ses limites malgré les dépenses importantes ( autour de 25 millions de dinars par an). C’est le provisoire qui dure! D’autre part, on promet que les résidents formés pour être affectés dans les régions de l’intérieur depuis 2017 permettra de résoudre ce problème épineux. Personnellement j’en doute fort. D’une part ils ne seront fonctionnels qu’à partir de 2023 et d’autre part, on ne sait rien si les résidents qui se sont engagés à travailler dans les régions de l’intérieur vont tenir leurs engagements ou non. Plusieurs engagements similaires ont été pris auparavant sans qu’ils soient tenus.

Pour résoudre ce problème urgent, je pense d’instaurer le travail obligatoire des médecins spécialistes dans le secteur public pendant 2 ans et les répartir dans les régions selon leur classement. Par la suite, ils seront libres de s’installer dans le secteur libéral, partir à l’étranger ou rester dans le secteur public. Ce système appliqué en Algérie depuis plusieurs années a permis de résoudre beaucoup de problèmes.

La nouvelle composition du gouvernement tarde encore à voir le jour, quelle est la cause principale selon vous ?

Je pense que le « quartet » formé par Ennahdha, Tayar, Echhaab et Tahia Tounes constituent le meilleur format pour constituer le gouvernement. Ils peuvent avoir une plateforme commune et peuvent être complémentaire.

D’autant plus que ce « quartet » est proche du président Kais Saied qui l’ont soutenu pendant le 2éme tour de la campagne électorale. L’entente entre les 2 têtes de l’exécutif (président et gouvernement) est importante pour une meilleure gouvernance. Mais pour cela il faut que ces partis se débarrassent de leur « gauchisme » et de leur carapace idéologique et adoptent une attitude pragmatique et réaliste pour faire face aux défis majeurs que connait notre pays.

Propos recueillis par B.R
 

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