Accusée de désinformation sur Gaza, l’ONU rétorque : « Nous n’avons pas inventé les images »

Le sourire était poli, le ton résolu. Avant de s’envoler pour Séville où s’ouvrira, lundi 30 juin, la quatrième Conférence internationale sur le financement du développement, António Guterres a voulu parler d’autre chose. D'une urgence enfouie sous le fracas des missiles israéliens et des contre-frappes iraniennes. D'un territoire enclavé, ravagé, à bout de souffle : Gaza.
« Nous ne devons pas laisser la souffrance des Palestiniens de Gaza sombrer dans l’oubli », a-t-il lancé, vendredi matin, lors d’une conférence de presse au siège des Nations Unies, à New York.
Visiblement animé par l’urgence sur le terrain, le Secrétaire général de l’ONU a dressé un tableau implacable d’une enclave à l’agonie. « Les familles ont été déplacées à maintes reprises, et sont aujourd’hui confinées dans moins d’un cinquième du territoire de Gaza », a-t-il rappelé, dénonçant une situation plus grave aujourd’hui qu’« à aucun moment de cette longue et brutale tragédie ».
Ses mots ont claqué, nets, comme des coups de semonce. « Les bombes pleuvent sur des tentes, sur des familles, sur ceux qui n’ont plus aucun endroit où fuir », a-t-il lancé, avant d’asséner une phrase appelée à hanter les consciences : « Chercher de la nourriture ne devrait jamais valoir une condamnation à mort ».
Il faisait référence aux nombreuses vidéos largement diffusées sur les réseaux sociaux, montrant des civils palestiniens abattus ou blessés alors qu’ils tentaient de se procurer de la nourriture près de centres de distribution de la Fondation humanitaire pour Gaza, une initiative soutenue par Israël et les États-Unis.
Selon les Nations Unies, plus de 400 personnes ont été tuées par l'armée israélienne au cours des dernières semaines, à proximité des sites gérés par la Fondation, sans coordination onusienne.
Face aux critiques de la Fondation, qui accuse l'ONU de désinformation, António Guterres a réagi sans détour : « Ce ne sont pas nous qui avons inventé les images que le monde entier a vues ».
Quelques heures plus tôt, le quotidien israélien Haaretz publiait des témoignages de soldats israéliens affirmant avoir reçu l’ordre de tirer sur des civils palestiniens désarmés qui attendaient de l’aide. Le Secrétaire général n’a pas commenté directement ces révélations, mais a rappelé : « Il n’est pas nécessaire d’attendre ce type de rapports pour reconnaître qu’il y a eu de graves violations du droit international. Et lorsqu’il y a violation du droit, il doit y avoir redevabilité ».
Gaza asphyxiée, l’aide humanitaire piétinée
Depuis le 7 octobre 2023 et les attaques terroristes du Hamas en territoire israélien, l’armée du pays a mené une offensive d’une intensité inédite à Gaza. Plus d'un an et demi plus tard, l'enclave palestinienne est en ruines, et la famine menace. Selon les Nations Unies, plus de 90 % de la population souffre d’insécurité alimentaire aiguë.
Malgré cela, les opérations humanitaires onusiennes sont toujours entravées. Le chef de l’ONU l’a dit sans détour : « Israël, en tant que puissance occupante, a l’obligation, au regard du droit international, d’autoriser et de faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire. Or, les opérations humanitaires continuent d’être étouffées ».
Ce n’est que mercredi que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a pu faire entrer un petit convoi médical dans Gaza, le premier depuis près de quatre mois. Une goutte d’eau dans un océan de besoins. « Un filet d’aide ne suffit pas. Ce qu’il faut, c’est un déferlement. Ce filet doit devenir un océan », a insisté M. Guterres, appelant à « des mesures concrètes » pour un acheminement rapide, massif et sûr de l’aide dans tout le territoire.
Une solution politique, pas militaire
Au fil de son intervention, António Guterres est revenu à plusieurs reprises à une idée centrale : la guerre ne peut pas être la solution. « Il est temps d’instaurer un cessez-le-feu immédiat à Gaza. De libérer, sans condition et sans délai, tous les otages. Et de garantir un accès humanitaire total, sûr et durable », a-t-il martelé.
L’ONU, rappelle-t-il, dispose d’un plan éprouvé, déployé lors du précédent cessez-le-feu, fondé sur les principes humanitaires de neutralité, d’indépendance et d’impartialité. « Il doit être autorisé à fonctionner de nouveau », a-t-il insisté, appelant les États membres à « faire honneur » à la Charte des Nations Unies, célébrée la veille pour son 80e anniversaire.
En réponse à une question sur l’avenir de Gaza, António Guterres a une nouvelle fois affirmé son soutien à l’Autorité palestinienne. « Nous reconnaissons l’Autorité palestinienne comme l’autorité légitime sur les territoires palestiniens. Et bien sûr, nous soutiendrons toute initiative de paix menée par elle ».
Et de conclure avec un rappel à l’essentiel, dans une salle silencieuse : « La seule voie durable pour redonner espoir est celle de la solution à deux États ».
Votre commentaire