Au parlement, « Charité bien ordonnée commence par soi-même »

« Charité bien ordonnée commence par soi-même », dit le dicton. Il a trouvé hier un écho particulier à l'ARP, où les députés ont adopté un amendement élargissant leur propre régime de retraite, malgré les réserves explicites de la ministre des Finances, Mishket Salama. Le texte, intégré au projet de loi de finances 2026 n'est pas encore promulgué, suscite déjà un vif débat sur son opportunité et son impact sur les caisses sociales.
Un amendement adopté en séance plénière
Lors de la séance plénière d’hier, les députés ont approuvé l’article additionnel n°113 du projet de loi de finances 2026, avec 77 voix pour, 10 abstentions et 18 contre.
Le texte révise profondément le régime de retraite et de couverture sociale des élus de la législature actuelle, installée le 13 mars 2023. Il n’a toutefois pas encore été publié au Journal officiel, condition nécessaire pour son entrée en vigueur.
Contrairement à certaines interprétations, l’amendement ne concerne pas les anciens députés, mais uniquement les élus en exercice depuis 2023.
Ce que prévoit l’amendement
L’article adopté opère une refonte de la loi n°16 de 1985 relative à la retraite des députés, en abrogeant et réécrivant ses articles 3 et 5.
1. Nouveaux taux de pension
La pension parlementaire serait désormais liquidée comme suit :
30 % pour un mandat,
60 % pour deux mandats,
90 % pour trois mandats ou plus,
calculés sur toutes les composantes de l’indemnité parlementaire, y compris les primes jusque-là exclues.
2. Un double mécanisme de contribution
L’article impose :
une retenue obligatoire de 13,25 % sur toutes les indemnités des députés au profit de la CNRPS ;
une contribution additionnelle de 20,5 %, entièrement financée par le budget de l’Assemblée des représentants du peuple, et versée jusqu’à la fin de la jouissance de la pension.
3. Une application rétroactive limitée
L’amendement stipule que son application commence à partir du 13 mars 2023, date d’installation de la nouvelle Assemblée, sans obligation pour les députés de verser des cotisations pour la période antérieure.
Les réserves du ministère des Finances
La ministre des Finances, Mishket Salma, a émis de fortes réserves, estimant que l’amendement :
alourdit les charges des finances publiques par le biais de la contribution de 20,5 % ;
accentue la pression sur la CNRPS, déjà confrontée à un déficit structurel ;
contredit les efforts de réforme en cours dans le système national de retraite.
Aussi, faut-il rappeler que les caisses sociales et notamment la CNRPS, souffrent d’un déséquilibre aggravé depuis des décennies par la multiplication des régimes particuliers — concernant les députés, les membres du gouvernement, les gouverneurs ou encore certaines catégories de hauts fonctionnaires — dont le niveau d’avantages excède largement le volume des cotisations réellement versées.
Un vote politiquement sensible
Certains députés ont défendu l’amendement au nom de la « dignité du mandat parlementaire » et de la nécessité d’unifier les règles de cotisation. D’autres y voient une décision inopportune, dans un contexte de rigueur budgétaire, de déficit croissant du CNRPS et de méfiance accrue de l’opinion publique à l’égard des privilèges politiques.
Le texte doit désormais être transmis à la Présidence de la République, qui peut soit le promulguer, soit le renvoyer à l’Assemblée pour une nouvelle lecture.
B.Oueslati
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