Ben Gharbia présente son projet de loi pour instituer le partage égalitaire
Dans une conférence de presse, qui s'est tenue ce matin à Tunis, le député Mehdi Ben Gharbia a présenté son projet de loi prônant l’égalité entre les femmes et les hommes en matière d’héritage.
Ben Gharbia a d'abord tenu à préciser que ce projet de loi n'est pas contre la religion et qu'il s’inscrit dans la vision progressiste et moderniste que la Tunisie a adoptée depuis l’indépendance vis-à-vis des femmes. Une vision audacieuse qui a souvent bravé les spécificités culturelles, sociales et religieuses en tournant le dos aux inerties traditionnalistes.
Parmi tous les pays du monde arabe, la Tunisie a toujours fait l’exception en matière d’avancée et de modernité en légiférant des lois révolutionnaires ayant particulièrement touché le statut et les droits de la femme.
L’Histoire abonde d’exemples : la promulgation par Bourguiba du Code du statut personnel (1956), l’interdiction de la polygamie (1957), loi autorisant l’avortement (1973), adoption du planning familial et du droit à la contraception (1976), le mariage à partir de 18 ans avec le consentement de la femme, le droit de voter et le droit de divorcer en sont de parfaites illustrations de la place inédite qui a été donnée à la femme tunisienne au fil du temps.
Dans la même logique, c’est-à-dire pour davantage de libertés individuelles et en suivant cet imparable cheminement vers de nouveaux acquis, plus d’ouverture et de modernité, pourquoi ne pas légiférer aussi en matière d’héritage en introduisant l’égalité de partage entre les femmes et les hommes ?
Peut-on toucher aujourd’hui au système d’héritage en se détournant de l’injonction du Coran – reprise par la Constitution - qui dit « Au mâle l’équivalent de ce qui revient à deux femelles » ?
C’est en effet la grande question sur laquelle veut légiférer ce projet de loi pour franchir une nouvelle étape dans la conquête de l’égalité et de la parité hommes-femmes en appelant à adopter un mode civil et égalitaire de partage devant l’héritage. Une occasion aussi pour condamner toute forme de dogmatisme et de fermeture au débat de cette question délicate de l’héritage.
D’où ce projet tire-t-il sa légitimité ?
Pour une véritable citoyenneté avec plus de justice et d’équité sociales, la réforme préconisée veut résoudre lors de cette transition démocratique le problème de la discrimination intrinsèquement portée par la loi en vigueur sur le partage. Cette discrimination à l’égard de la femme tunisienne est dans une large mesure responsable de sa précarité, rappelle l’initiateur du projet.
Si l’appel à une nouvelle législation en matière successorale veut s’offrir la nouvelle Constitution comme cadre légal étant donné que l’Etat y est d’ores-et-déjà considéré comme civil et que l’égalité et la parité y sont déjà inscrites, elle se veut aussi conforme aux conventions internationales (notamment des Nations Unies) qui appellent à l’élimination dans le monde entier de toutes les formes de discrimination vis-à-vis des femmes.
En remontant plus loin dans l’histoire, le sociologue libéral Tahar Haddad (1899-1935) a traité dans les années 30 la question de l’héritage dans son combat acharné contre l’inégalité homme-femme en appelant à la contextualisation des préceptes religieux et à une lecture moderniste des textes sacrés.
Dans son approche critique, Tahar Haddad a démontré que le savoir religieux peut être un pouvoir de changement lorsqu’il tient compte de l’évolution progressive et des mutations sociales à travers le temps. Il a visé dans son programme de lutte contre la discrimination un idéal de parité (considéré par ses opposants comme subversif) via une émancipation plus élargie au profit de la femme tunisienne.
C’est essentiellement dans cet argumentaire que ce projet de loi puise sa légitimité et ambitionne la nécessité de réformer la présente législation restée immuable, insuffisante et largement conservatrice en matière d’héritage.
Les caractéristiques de cette initiative législative
L’initiateur de ce projet de loi, Mehdi Ben Gharbia, souligne que la notion d’égalité qu’il préconise dans le cadre du nouveau système d’héritage revêt un caractère facultatif. Il précise également que l’égalité du partage doit rester une option volontairement choisie par les héritiers.
L’égalité comme choix facultatif
La proposition de loi sur l’héritage prônant le partage égalitaire homme-femme s’inscrit, avant toute chose, dans un objectif de libertés individuelles, d’une plus grande égalité et d’une meilleure cohérence entre les différents membres de la société. Le texte de loi donne la liberté aux héritiers de choisir le système de partage auquel ils veulent adhérer. En cas de désaccord, c’est le législateur qui a le pouvoir d’intervenir et de trancher en faveur d’un partage égalitaire 50-50 entre les héritiers quelque soit leurs sexes.
Le choix pour l’égalité est volontaire
Erigée sur les principes fondamentaux de la citoyenneté et de l’égalité des chances, la 2ème République exclut la ségrégation entre ses citoyens et leur garantit la liberté nécessaire dans l’exercice de leurs droits. L’Etat est le garant des libertés individuelles et considère ses citoyens tous égaux devant la loi. C’est pour cette raison que ce projet de loi sur l’héritage attribue à l’égalité du partage entre hommes et femmes le caractère volontaire et délibéré.
Légiférer dans le domaine de l’héritage en faveur d’une égalité de partage qui, en l’absence de désaccord, soit choisie par les héritiers eux-mêmes de manière volontaire et facultative serait un nouveau pas vers le progrès social et la consolidation des acquis. Cela permettrait aussi à la nouvelle Constitution et ses prérogatives d’avoir un ancrage meilleur dans la société.
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