Ces médias qui font le jeu des terroristes !
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En dépit des rappels à l’ordre et mises en garde des sécuritaires et des institutions de régulation (Haica et autres), certaines chaînes de télévision et radios, obsédées par le buzz et l’augmentation de l’audimat, continuent à faire le lit du terrorisme en diffusant des images et scènes qui servent plus la propagande terroriste que l’information souhaitée de l’opinion publique.
Au nombre des bourdes les plus récentes, figure la diffusion sur la chaîne publique El Watania 1, de l’image de la tête coupée du berger martyr Mabrouk Soltani conservée dans un réfrigérateur. Cette image a suscité polémique, émoi et désapprobation auprès des professionnels et des spectateurs.
Cette bévue professionnelle a entraîné le limogeage du PDG de la chaîne publique et la démission de deux directeurs de télévision de la même institution. Ces départs ne sont pas suffisants lorsqu’on sait que cette même chaîne avait commis auparavant l’erreur de diffuser les images de soldats égorgés au mont Chaambi.
Le Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT) a condamné pour sa part « ce genre de dépassements commis malgré l’effort déployé pour ancrer les bases de la bonne gestion de l’information sur le terrorisme par les médias et les conférences et autres réunions de travail qui ont concerné cet aspect ».
Des chaînes privées comme Nessma et Shems fm ont commis, à leur tour, des fautes professionnelles lors de la couverture de l’attentat meurtrier perpétré contre un bus de la garde présidentielle, attentat qui a fait 13 morts et une vingtaine de blessés.
Ces médias avaient diffusé, entre autres, des interviews expresses de voisins et d’amis du terroriste Houssem Abdelli dans lesquelles cet ASSASSIN est présenté comme « une victime » et « un type aimable » qui ne pouvait pas commettre un acte aussi ignoble.
Des sanctions peu dissuasives
Ces dérapages non contrôlés ont amené la Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle (HAICA) à sanctionner la chaîne de télévision Nessma Tv et la chaîne de radio Shems FM, estimant que « les deux médias ont exploité l’état de désespoir et la douleur des familles des martyrs de la garde présidentielle ».
Conséquence : les séquences en question ont été retirées des sites électroniques des deux médias ainsi que des pages des réseaux sociaux. La HAICA a également décidé d’interdire la rediffusion des émissions en question.
Pour sa part, la Fédération tunisienne des directeurs de journaux (FTDJ) a appelé les journalistes tunisiens à faire preuve de responsabilité lors de la couverture des attaques terroristes et à respecter les normes du professionnalisme et l’éthique du travail journalistique.
La FTDJ a appelé également les journalistes à ne pas chercher à faire le buzz et à ne pas tomber dans le piège de la stratégie de communication mise en place par les terroristes et éviter de donner la parole aux défenseurs des terroristes ».
Néanmoins, ces sanctions et appels à la raison demeurent dérisoires au regard des risques que fait encourir le terrorisme au pays et la propagande y afférente d’où l’impératif de rappeler à l’ordre avec plus de fermeté les médias qui évoluent dans le giron du terrorisme.
Il faut reconnaître que les médias tunisiens ont particulièrement pris beaucoup de retard pour comprendre le phénomène terroriste et ses multiples facettes. Ils doivent assumer, par l'effet de leur inculture et leur laxisme vis-à-vis de ce fléau, une grande responsabilité dans sa propagation.
Médias et terrorisme : l’avis des experts
Pourtant, la littérature sur l’instrumentalisation des médias à des fins de propagande terroriste ne manque pas. Une étude menée par la chercheuse canadienne Angela Gendron de l'université Carleton (Ottawa-Canada) sur la stratégie médiatique et de propagande terroriste djihadiste mérite qu’on s’y attarde.
Selon cette étude, les objectifs des terroristes sont au nombre de deux. Politiques, d’abord, en ce sens où ils tendent à rétablir le califat pour unir les pays islamiques à majorité musulmane sous un même régime politique et offrir à la grande communauté musulmane une forme de gouvernement qui garantit la primauté de la religion dans les affaires sociales et d'Etat.
Pour y arriver, les djihadistes terroristes recourent à la violence armée et à la propagande religieuse, entendez par là le commerce de la religion.
Leur stratégie consiste à faire le plus de tort physique et psychologique possible à l'ennemi au moyen d'actes terroristes meurtriers (cas des soldats égorgés au mont Chaambi).
Les seconds objectifs des terroristes sont médiatiques. A travers la couverture des médias des attentats, ils cherchent à valoriser ces actes (compassion des spectateurs avec les terroristes ou leurs parents), en tant qu'exploits et victoires remportées contre les mécréants (Taghuts et Etats laïcs).
L'accent est particulièrement mis sur la gestion des impressions dans les médias. Celle-ci consiste à intensifier et à maximiser les effets psychologiques des actes terroristes accomplis pour susciter les réactions voulues chez le public cible des terroristes, le plus souvent de pauvres gens incultes.
Dans cette optique, l'aile du terrorisme daechiste djihadiste chargée de la propagande, fait un usage habile et novateur des technologies des communications et de l'information du 21e siècle pour accentuer les répercussions psychologiques de ses attentats terroristes.
Ainsi, à travers la gestion des impressions, ils peuvent transformer un échec opérationnel en victoire et faire d'une simple réussite un triomphe. Ils peuvent mettre en doute les valeurs et les principes de l'adversaire.
Pris au piège, certains médias tunisiens ont fait, jusque-là, le jeu du terrorisme
Moult journalistes et animateurs d'émissions télévisées ont commis la grave erreur d’inviter, au nom de la liberté de la presse et du droit de toutes les parties de s’exprimer, des terroristes de retour de Syrie, des salafistes djihadistes ou des parents de terroristes...
Cette tendance a été relevée par des experts étrangers. Le colonel Mohamed Khalfaoui, expert algérien dans les affaires sécuritaires, a déclaré, récemment, dans une interview accordée au journal algérien El Fajr que « dans le cas de la Tunisie, il est regrettable que les médias présentent des produits qui font la propagande du terrorisme »;
Il faut dire, toutefois, que sous la pression de toutes les parties concernées, le phénomène commence à s’atténuer, en dépit de la tendance fâcheuse de deux chaînes privées à s’entêter à accorder des tribunes aux terroristes et à leurs sympathisants. Apparemment, seules des mesures dissuasives et douloureuses financièrement peuvent les en empêcher. Et c’est le rôle de la HAICA.
Khémaies
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