Controverses après la visite de Sarkozy en Russie
Au terme d’une journée où il a rencontré jeudi en Russie le président Vladimir Poutine, Nicolas Sarkozy a accordé un long entretien à BFMTV. Le président du parti Les Républicains s’est défendu de mener une diplomatie parallèle.
« Il n’y a qu’un seul président de la République, c’est François Hollande. Il mène une politique que je combats, mais je n’en parlerai pas à l’étranger », a expliqué l’ancien chef de l’Etat, qui a ironisé quelques instants plus tard sur son successeur : « Je ne suis pas porte-parole de M. Hollande, qui a déjà du mal à porter sa propre parole. » Sans critiquer explicitement la position de la France, M. Sarkozy a répété toute la journée qu’il fallait mettre en place un dialogue accru avec la Russie.
Le déplacement de M. Sarkozy avait entraîné des réactions en France. Plus tôt dans la journée, sur la chaîne Public Sénat, Manuel Valls avait ainsi demandé que les partis politiques français adoptent une position commune sur les sujets internationaux. « Moi ce que je souhaite, c’est que l’opposition comme la majorité, sur les questions de politique étrangère, sur les questions de défense, nous nous retrouvions sur l’essentiel, que nous ayons une politique, une vision commune de ce qui se passe en Syrie », a déclaré le premier ministre. « Je ne veux pas polémiquer avec M. Valls. Nous avons parlé avec M. Poutine de choses plus importantes que la petite politicaille », a riposté l’ancien président de la République.
M. Sarkozy pour une levée « progressive » des sanctions
L’entretien de M. Sarkozy avec M. Poutine a duré une heure et demie. Les deux hommes ont donc évoqué la situation syrienne alors que les Occidentaux et les Russes mènent des frappes séparément. « Les bombes russes comme les bombes françaises ou américaines doivent tomber sur ces barbares [de l’Etat islamique] et non pas sur l’opposition nationale syrienne », a estimé M. Sarkozy.
Comme souvent lors de ses meetings, il s’est dit inquiet par le climat de tension entre la Russie et l’Europe et a prôné un dialogue plus construit en rappelant à plusieurs reprises au cours de l’entretien sa visite à Moscou lors de la guerre entre la Géorgie et la Russie en 2008. « Est-ce qu’on a besoin de se rajouter une nouvelle guerre froide à la crise actuelle ? (…) L’Europe n’est pas l’adversaire de la Russie. A l’inverse de M. Obama, je pense que la Russie est une puissance mondiale et non pas une puissance régionale », a poursuivi M. Sarkozy. Il s’est également prononcé pour une levée « progressive » des sanctions européennes à l’égard de la Russie.
Juppé critique cette visite
Ce déplacement de l’ancien chef de l’Etat à Moscou a également fait réagir ses rivaux à droite. Car le rapprochement avec la Russie de M. Poutine divise les ténors du parti. Jeudi 29 octobre, François Fillon, qui a rencontré le président russe à plusieurs reprises depuis 2012, a opportunément envoyé un communiqué à quelques heures de l’entrevue entre M. Sarkozy et M. Poutine. L’ancien premier ministre y rappelle lui aussi l’importance du dialogue avec la Russie, préalable indispensable, selon lui, à des avancées sur le dossier syrien. Mais au passage, il critique M. Juppé, qui a une vision plus atlantiste.
« Dans une tribune récente, Alain Juppé évoquait les enseignements du Gaullisme en recommandant de ne pas choisir la Russie contre l’Amérique. Il s’agirait surtout aujourd’hui de parler avec Moscou et Washington pour défendre les intérêts vitaux des Français », écrit M. Fillon. La réponse de M. Juppé ne s’est pas fait attendre. Sur son blog, le maire de Bordeaux s’attaque à la fois à la visite de M. Sarkozy et à M. Fillon : « Parlons donc avec Poutine. Mais pour lui dire quoi ? (…) Evitons entre nous les leçons de gaullisme revisité ! Personne ne peut dire ce que De Gaulle aurait fait dans les circonstances actuelles. La seule certitude, c’est que la France ne se serait mise ni dans la roue des Américains, ni dans celle des Russes. Elle aurait eu sa ligne. » (Lemonde.fr)