Eleveurs de vaches laitières, collecteurs et transformateurs du lait tirent la sonnette d’alarme
C’est une véritable sonnette d’alarme que tirent les éleveurs de vaches laitières, conjointement avec les collecteurs et transformateurs du lait, mettant en garde contre l’effondrement de l’ensemble de la filière lait en Tunisie. La cause principale en est l’augmentation significative des coûts et charges, à tous les niveaux, sans une révision a minima des prix. D’une même voix, l’Union tunisienne de l’Agriculture et de la Pêche (UTAP) et l’Union tunisienne de l’Industrie, du Commerce et de l’Artisanat (UTICA), ont appelé les pouvoirs publics à se pencher immédiatement sur ce dossier brûlant et à l’ouverture d’un dialogue responsable afin de prendre les mesures urgentes salutaires.
Les deux organisations ont également déploré avec grande préoccupation la recrudescence de l’évasion des troupeaux de vaches laitières vers des pays voisins, à des nombres de plus en plus importants, et des conséquences néfastes qui en découlent.
Elles exhortent les autorités agricoles et sécuritaires à y mettre fin rapidement de la manière la plus ferme, pour préserver ce cheptel.
Des charges plus en plus lourdes et des pertes cumulées
L’UTAP et l’UTICA ne cessent d’alerter les pouvoirs publics quant à l’aggravation des pertes enregistrées par les éleveurs, les centres de collecte et les industries de transformation du lait et de ses produits dérivés. Ces pertes sans cesse accumulées sont de nature à obérer leurs charges, accroître leur endettement et mettre en péril la pérennité de leurs activités, les contraignant à l’arrêt de l’élevage, de la collecte et de la production. Une situation très déplorable qui pourrait priver le consommateur d’un produit alimentaire essentiel et constituer une menace pour la sécurité alimentaire, en plus de son impact négatif sur l’économie nationale.
La problématique qui accable la filière lait provient essentiellement du gel des prix à la consommation, sans tenir compte de l’augmentation des coûts, notamment pour ce qui est du prix des vaches laitières, de l’alimentation du bétail, des soins vétérinaires, des carburants et des salaires. A cela s’ajoute l’impact du dérapage du dinar face aux devises étrangères pour ce qui est des intrants nécessaires à l’alimentation, des médicaments vétérinaires et des emballages, importés. Le prix public du litre de lait stérilisé qui est actuellement en Tunisie de 1120 millimes est le plus bas dans l’ensemble de la région et d’un grand nombre d’autres pays. C’est ainsi qu’il est en Libye de l’équivalent de 1 500 millimes, à 1900 millimes au Maroc et 1 800 millimes en Egypte, à titre d’exemple.
Une nécessaire légère révision des prix
L’UTAP et l’UTICA sont en fait mues par un triple souci. D’abord, prendre en considération le pouvoir d’achat du consommateur. Ensuite, ne pas obérer la Caisse de compensation. Mais aussi, faire face à l’impératif stratégique et vital de préserver la filière lait et d’éviter son effondrement. C’est pourquoi, elles ont demandé une légère révision des prix à un minimum acceptable, bien que les différentes études menées aient affirmé que cette augmentation ne saurait être équitablement de moins de 200 millimes par litre, pour l’éleveur, 55 millimes pour le collecteur et 100 millimes pour l’industriel.
Les deux organisations nationales restent confiantes de voir le gouvernement intervenir énergiquement, avec toute la célérité et l’attention escomptées, pour résoudre cette étouffante crise menaçant gravement l’ensemble du secteur et éviter l’arrêt de la collecte et de la transformation du lait.
Un secteur vital et stratégique
La filière du lait compte pas moins de 112.000 éleveurs pour la plupart (82.8%) de petits éleveurs possédant de 1 à 5 vaches. Ils accomplissent 40% des journées de travail dans le secteur agricole et contribuent à hauteur de 11% dans la valeur de la production agricole. La transformation du lait et de ses dérivés représente 7% de la valeur des industries alimentaires. Cette industrie est forte de 45 unités dont 11 spécialisées dans le lait avec une capacité de 4.2 millions de litres/jour, 8 dans le yaourt, 2 dans le séchage et 25 dans les fromages.
La production totale s’élève à 1.413 millions de litres par an, dont 995 millions de litres sont traitées et transformées par les unités industrielles. La consommation annuelle par tête d’habitant est passée en Tunisie de 83 litres par personne en 1994 à 110 litres par personnes en 2017 et reste insuffisante par rapport à la moyenne européenne qui est 250 litres par tête d’habitant.
Tous ces indicateurs soulignent l’importance vitale de la filière du lait, à différents niveaux, notamment en tant que principale source de revenus pour des centaines de milliers de personnes, entre éleveurs, collecteurs, travailleurs dans les industries de transformation et ceux opérant dans les circuits de distribution. En outre, elle contribue substantiellement à l’alimentation des enfants et des personnes âgées, en plus du reste des consommateurs et constitue une composante essentielle de la sécurité alimentaire.
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