Encore un gouvernement qui s’en va et un autre qui arrive, que va-t-il changer?
Aujourdh’hui aura lieu la passation des pouvoirs entre Habib Essid et son successeur Youssef Chahed. Un gouvernement qui s’en va, un autre qui s’installe. Le huitième, si on compte Ghannouchi I et Ghannouchi II, en moins de six ans. Soit une moyenne de huit mois et quelques jours par gouvernement. Cette instabilité aigue a fortement impacté la situation générale du pays qui n’a pas encore, totalement, réussi sa transition démocratique. La Tunisie s’est dotée d’une nouvelle Constitution en janvier 2014, a organisé des élections présidentielles et législatives en octobre 2014 qui ont amené un nouveau président de la République et une nouvelle majorité. Et alors que l’on espérait sortir de l’ornière avec un gouvernement composé de quatre partis et soutenu par une majorité confortable, on a vite déchanté, et le gouvernement Essid censé remettre le pays sur les rails s’est heurté à des difficultés à la pelle et n’a pas réussi en 18 mois à réaliser le miracle. En raison de plusieurs facteurs à la fois exogènes et endogènes qu’il est inutile d’énumérer, elles sont connues de tous.
Il est connu que l’instabilité politique, notamment dans les pays à l’économie fragile est un facteur handicapant. Les tiraillements entre formations politiques, notamment entre celles de l’ancienne coalition au pouvoir, a empêché un bon fonctionnement du gouvernement et le pays n’a jamais atteint, au cours des dernières années, un taux de croissance de plus de 2%. Le régime politique adopté par les Constituants a montré ses limites présentant simultanément des caractéristiques propres au régime présidentiel et au régime parlementaire. Un régime hybride qui échappe « aux typologies classiques des différents régimes démocratiques ». Il a effacé la fonction du président de la République, pourtant, élu au suffrage universel, au profit du chef du gouvernement qui, à son tour, dépend du bon vouloir du parlement. Alors que dans une démocratie naissante, la magistrature suprême devrait être valorisée et le chef de l’Etat devrait disposer d’assez de pouvoirs pour assumer ses fonctions de garant de « l’indépendance de l’Etat et de sa continuité ». Les constitutionnalistes débattront longtemps de cette situation abracadabrantesque, parfaite illustration de l’hybridité d’un système « imposé » par des constituants peu prévoyants.
Comble « d'hypocrisie politique », on a désigné à la tête d’un gouvernement composé de quatre partis, un chef indépendant, sans aucun soutien partisan, assis sur un siège éjectable et qui reste à la merci de tous. Après un premier carton jaune sorti par le premier parti qui l’a proposé à la primature, le carton rouge n’a pas tardé à suivre et Essid n’a récolté que trois petites voix lors du vote de vote de confiance.
Le nouvel arrivant, Youssef Chahed, qui a fait forte impression vendredi dernier devant l’Assemblée des représentants du peuple et dont le gouvernement, a été investi avec une large majorité, part avec un préjugé , mais il sait à quoi s’en tenir. Il va désormais devoir se pencher sur les lourds défis politiques, socio-économiques et sécuritaires. Le temps n’est plus aux promesses, ni aux atermoiements et aux hésitations, mais à la réflexion et au travail. Et si l’ouverture de son gouvernement à d’autres partis politiques et à d’anciens dirigeants de l’UGTT, lui assure une marge de manœuvre plus grande, il ne pourra pas, pour autant, bénéficier d’un état de grâce. Certes, Chahed espère obtenir une paix sociale, indispensable à la relance de l'appareil productif, et plus largement de l'économie, mais tout dépendra des résultats du prochain congrès de l’UGTT prévu pour le mois de janvier 2017.
Le nouveau chef du gouvernement sera jugé à l’aune de ses premiers pas et de ses premières décisions. Le vote de confiance obtenu le 26 août ne signifie pas un « chèque en blanc » et ceux qui, hier, l’ont investi, pourraient se retourner contre lui, notamment à l’approche des élections législatives prévues pour 2019. Un homme averti en vaut deux!
B.O
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