Financement du développement : Un plan pour sortir de la crise de la dette

À trois jours de l’ouverture à Séville de la quatrième Conférence internationale sur le financement du développement, les Nations Unies lancent un avertissement : la montée du surendettement dans les pays à faible revenu compromet gravement les objectifs de développement durable
"L’emprunt est un outil de développement. Aujourd’hui, il est devenu un obstacle ». Le constat dressé par la Vice-Secrétaire générale de l’ONU, Amina Mohammed, lors de la présentation d’un rapport intitulé « Faire face à la crise de la dette : 11 actions pour libérer un financement durable », se veut sans détour. Aux côtés d’experts internationaux et de la Secrétaire générale d’ONU commerce et développement (CNUCED), Rebeca Grynspan, elle a détaillé, vendredi à New York, les contours d’une crise qui, faute de bruit, n’en est pas moins dévastatrice.
Selon les données recueillies, plus des deux tiers des pays à faible revenu sont aujourd’hui en situation de surendettement, ou à haut risque de le devenir. En parallèle, plus de 3,4 milliards de personnes – soit près de la moitié de l’humanité – vivent dans des pays qui consacrent davantage de ressources au service de leur dette qu’à la santé ou à l’éducation. Un chiffre en augmentation de 100 millions en un an seulement.
« En 2023, les paiements liés au service de la dette ont atteint 921 milliards de dollars dans les pays en développement, contre 847 milliards l’année précédente », a précisé Mme Grynspan. Une envolée attribuée en grande partie à la flambée des taux d’intérêt sur les marchés mondiaux. « En une décennie, le coût du service de la dette a pratiquement doublé », a souligné Paolo Gentiloni, commissaire européen à l’économie.
Une feuille de route en onze points
Face à cette impasse, le rapport propose un plan d’action en onze mesures, jugées « réalisables techniquement et acceptables politiquement », selon Mahmoud Mohieldin, membre du Groupe d’experts du Secrétaire général sur la dette. L’enjeu : à la fois désamorcer les risques immédiats d’effondrement économique et renforcer les dispositifs de prévention pour éviter de futures crises.
Les recommandations s’articulent autour de trois niveaux d’intervention. D’abord, sur le plan multilatéral, il s’agit de réallouer et de renforcer les financements existants, notamment à destination des pays les plus vulnérables. Ensuite, au niveau international, le rapport appelle à la création d’une plateforme de dialogue structuré entre créanciers et débiteurs. Enfin, au niveau national, il prône un renforcement des capacités institutionnelles, une meilleure coordination des politiques économiques et une gestion plus rigoureuse des risques liés à l’endettement.
« Ce que nous proposons est à la portée des États comme des institutions financières. Ce qui manque encore, c’est la volonté politique », a insisté Mme Grynspan.
Un contexte d’urgence
Cette alerte intervient à un moment charnière. Dix ans après l’adoption de l’Agenda 2030 et à moins de cinq ans de l’échéance fixée pour les objectifs de développement durable (ODD), l’écart entre ambitions et moyens ne cesse de se creuser.
À Séville, du 30 juin au 3 juillet, les délégations attendues à la Conférence internationale sur le financement du développement devront se pencher sur les pistes évoquées dans le document final baptisé « Compromiso de Sevilla ». L’enjeu sera de convertir ces propositions en engagements concrets – et urgents.
« Cette crise n’est ni spectaculaire ni soudaine. Mais elle progresse, mine les fondations des économies les plus fragiles, et compromet l’avenir de générations entières », a prévenu Mme Mohammed.
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