Hamouda Ben Slama: "Le choix d’un Président rassembleur s’avère capital dans la conjoncture délicate"
Discret et convivial, le combat du docteur Hamouda Ben Slama pour la liberté et le respect de l’individu ne date pas de la dernière pluie !
Au début des années soixante-dix, ce médecin tranquille n’était pas pour autant tranquillisé quant à l’avenir de son pays et ce n’est pas par hasard qu’il tenta, à ses risques et périls, de s’opposer à la politique du Président Bourguiba soutenant quelques destouriens réformateurs qui ne voyaient pas d’un bon œil non plus le dérapage non contrôlé d’un Président vieillissant et malade qu’une cour rapprochée encouragera, après le Congrès de Monastir de 1971, à abandonner l’orientation politique qu’il avait décidé d’entamer à travers son discours prometteur du mois de juin de la même année.
La Tunisie, tout comme Bourguiba d’ailleurs, allait rater une occasion unique de « goûter » au bonheur de la démocratie naissante, chose qui aurait permis à la Tunisie de gagner du temps ; chose qui aurait permis à feu Habib Bourguiba de sortir par la grande porte et d’éviter à la Tunisie tous les problèmes qui allaient suivre…
Ce médecin politicien en a vu des vertes et des pas mûres durant sa longue carrière politique… Il a vécu d’espoir avant de broyer du noir sous le règne sans partage de Bourguiba mais aussi et surtout de Ben Ali qui l’avait utilisé pour se rapprocher des « islamistes » avant d’accomplir un virage à 180°, de le démettre de ses fonctions ministérielles pour lui proposer par la suite un poste bidon d’Ambassadeur, poste que le militant Ben Slama allait naturellement refuser car le médecin n’avait plus confiance en celui qui lui fit croire son intention de démocratiser le pays !
Aujourd’hui, le médecin tranquille, l’ancien défenseur des Droits de l’Homme et ancien ministre n’est pas tranquillisé non plus quant à l’avenir d’une Tunisie qui vit une nouvelle expérience certes mais que la lutte de clans empêche de voir le bout du tunnel car quoiqu’on en dise, le plus dur reste à accomplir…
Il est regrettable que ceux qui ont « régné » sur notre chère Tunisie n’aient pas tenu compte de deux principes inestimables: l’émancipation de l’individu et l’instauration de la démocratie, deux principes qui, à l’horizon du XVème siècle, étaient déjà considérés par certains pays européens comme bases primordiales et incontournables de la modernité… des bases que ceux qui ont « régné » sur la Tunisie depuis son indépendance n’avaient pas su ou plutôt pas voulu codifier et instaurer.
Ecoutons plutôt l’homme qui a décidé, en tant qu’indépendant, de revenir à la source de la politique et de se présenter aux élections présidentielles du 23 novembre 2014 avec l’espoir d’apaiser les rancœurs, réconcilier les Tunisiens, rassembler les partis et donner à la Tunisie ce « plus » qu’elle recherche depuis longtemps, depuis son indépendance en fait.
Après tant d’années de silence, qu’est-ce qui a poussé finalement le militant et docteur Hamouda Ben Slama à renouer avec la politique et, d’entrée, à placer la barre aussi haut ?
La question mérite d’être posée effectivement ! Je me suis porté candidat à la prochaine élection présidentielle parce que grâce à la Révolution des Jeunes, je peux me le permettre conformément aux lois en vigueur et je suis heureux que ma candidature ait été retenue et officiellement acceptée par l’ISIE.
Pensez-vous avoir le profil recherché pour accomplir une telle mission ?
En vérité, ce n’est pas à moi de le dire, je laisse plutôt la réponse aux urnes, autrement dit, aux électeurs même si, en tant qu’Indépendant, je suis persuadé que je ne dispose pas de moyens adéquats dont disposent certains représentants des Partis.
Ceci dit, si les Tunisiens me choisissent parmi les prétendants et me font donc confiance, je pense en toute objectivité et sans fausse modestie que de par mon expérience, mon amour pour mon pays et mon attachement aux valeurs sacrées de la démocratie, je serai en mesure d’assumer le rôle, ô combien délicat, de Chef de l’Etat !
Notre pays traverse une période difficile, mon devoir m’oblige à lui prêter main forte
Dois-je rappeler aux nouvelles générations que je fais personnellement partie des bâtisseurs de la démocratie moderne qui, il y a déjà plus de quarante ans, avaient pris des risques énormes en osant critiquer les régimes de l’époque et en tentant de changer le cours de l’histoire afin que la liberté et la démocratie triomphent de l’obscurantisme, voire de l’aveuglement politique, source de tous nos problèmes…
De nouveau par conséquent, vous décidez de remonter sur le ring pour combattre, même si, vous en êtes conscient d’ailleurs, quelques adversaires sont des poids lourds grâce aux électeurs de leur parti et aux moyens dont ils disposent…
J’en suis conscient effectivement mais je ne regrette pas pour autant ma décision de combattre de nouveau car j’estime qu’il faut contrer la médiocrité et l’immaturité sous toutes leurs formes et faire partie justement du cercle réduit de volontaires soucieux de l’avenir de notre pays. Force est d’avouer que parmi les nombreux prétendants à Carthage, seuls quelques-uns sont en mesure de donner un sens, une dimension et une valeur ajoutée à cette échéance électorale.
Comme notre pays traverse depuis quelques années une période difficile à tous les points de vue, j’ai estimé donc que mon devoir m’oblige à lui prêter, une fois de plus, main forte afin de l’aider, autant que faire se peut, à atteindre le cap de bonne espérance tant souhaité…
Nidaa Tounes a remporté le plus grand nombre de sièges…
Il faut accepter le choix des électeurs quoique leur nombre ait fortement diminué par rapport aux élections précédentes. Il y a matière à réflexion. Mais, ce qui me préoccupe le plus, c’est le désintérêt des jeunes qui se sont illustrés par leur étrange abstention au moment même où, paradoxalement, c’est leur intérêt qui est en jeu !
Il y a certainement une raison à cela pour expliquer le désintérêt de ceux qui ont fait la « révolution du jasmin ». Ce n’est pas par hasard que ces jeunes aient préféré s’abstenir, car de l’avis d’un grand nombre d’entre eux que j’ai rencontrés ces derniers jours, aucun discours politique et, qui plus est, aucun parti ne semble répondre à leurs vœux !...
Or, indépendamment du fait que les jeunes sont l’avenir de notre pays, il ne faut surtout pas oublier qu’ils représentent un pourcentage non négligeable de notre population et que par conséquent, il faut être en permanence à leur écoute pour les comprendre afin de rechercher des solutions à leurs problèmes et leur ouvrir des horizons prometteurs, toutes professions confondues, bref les guider vers les métiers d’avenir tout en aidant certains d’entre eux à opter pour les métiers traditionnels qui doivent aussi évoluer en fonction de la demande car aujourd’hui nous vivons dans un monde qui évolue à une vitesse prodigieuse, un monde où les innovations et les inventions naissent quotidiennement, comme des champignons…
"Les solutions existent et une bonne gestion économique peut créer de la richesse"
Or, convertir le rêve des jeunes en réalité a toujours été mon propre rêve mais, n’ayant jamais été malheureusement détenteur de la décision politique je ne pouvais que faire des propositions régulièrement envoyées aux calendes grecques !...
Si les jeunes électeurs me font confiance, je pense qu’en tant que Président, j’aurai certainement plus de poids pour infléchir la décision en ma faveur, en faveur du rêve des jeunes en fait qui ne croient plus en un monde meilleur… Le jeune qui termine ses études et entame une carrière de chômeur sans voir le bout du tunnel a raison d’être inquiet, déçu voire démoralisé…
Pourtant, les solutions existent et une bonne gestion économique peut créer de la richesse et offrir à travers les régions des emplois à un grand nombre de jeunes. Les jeunes donc demeurent un objectif primordial dans ma conception politique d’une Tunisie ancrée non pas dans le passé mais dans l’avenir et l’avenir n’est pas l’affaire d’un président ou d’un gouvernement, l’avenir est l’affaire de tous les Tunisiens pourvu qu’ils veuillent bien croire en la sincérité de celui qui a décidé de se présenter pour les élections et de gagner pour les faire gagner dans son sillage.
L’avenir de la Tunisie repose sur la concorde, le respect d’autrui, le travail concerté et le désir de porter tout haut, le flambeau de notre pays afin de relever ce nouveau défi, lequel, Dieu merci, demeure à notre portée. Voilà donc la raison pour laquelle, j’ai décidé de me présenter aux élections présidentielles.
Mais la Tunisie a aussi d’autres problèmes à résoudre...
Certainement, mais j’ai préféré parler d’abord des jeunes car leur désintérêt pour les élections m’avait réellement surpris et ne cesse d’ailleurs de m’interpeller. La Tunisie traverse des zones de turbulences, c’est une réalité. Elle a des problèmes à résoudre sur les plans sécuritaire, économique, culturel et social…
En fait, trop de problèmes à la fois ! Mais il faut être optimiste et lorsque, toutes tendances confondues, nous décidons de mettre la main dans la main, je suis sûr que nous serons en mesure de remettre notre pays sur les rails.
A présent que votre candidature a été retenue et officiellement acceptée par l’ISIE, pouvez-vous nous en dire plus ?...
Sur les principales raisons et motivations qui m’ont amené à ce cheminement ?
Tout à fait !
Je citerais à priori 5 raisons qui motivent ma participation et 5 engagements parmi ceux que je m’efforcerais de réaliser et d’en respecter l’esprit et la teneur.
La preuve par cinq ?
Pourquoi pas ?
1- Je dois avouer d’abord que ma non participation à cette échéance aurait surpris et déçu ceux qui connaissent mon itinéraire politique et mon engagement en faveur de la Démocratie, des Libertés et des Droits de l’Homme depuis près de 40 ans. On m’aurait certainement reproché une absence injustifiée non conforme à mon caractère.
On pourrait même me reprocher une sorte d’opportunisme par défaut de prise de risque sur le terrain de la confrontation politique comme si je me contentais de mon seul bilan de passé militant…
2- Comme vous le savez, le poste de Président de la République et de Chef de l’Etat exige un profil de sage et des aptitudes particulières telles que rassembler, réconcilier, sécuriser et transcender à l’échelle de la Nation entière chez tout prétendant à cette haute fonction. Plusieurs personnalités nationales, comme je l’avais déjà signalé, répondent heureusement à ce profil et certaines d’entre ces personnalités sont d’ailleurs candidates. Quitte à me répéter, j’estime en faire partie …
3- Par ailleurs, je ne vous apprendrai rien si je vous disais que la désintégration des institutions de l’Etat et l’affaiblissement de son autorité, en relation étroite avec les difficultés et les défis sécuritaires, économiques et politiques, ont conduit à des dysfonctionnements multiples internes et porté atteinte à l’image de la Tunisie. Cette atteinte à l’autorité de l’Etat est une raison de plus pour motiver mon engagement.
4- Depuis des années et bien avant la Révolution, nos jeunes sont marginalisés, sujets à des comportements violents et exposés à des fléaux ravageurs tels que la délinquance, la drogue… les échecs scolaires, l’absence de justice de répartition, les échecs en matière de création d’emplois et l’incapacité à dégager des perspectives de développement équitable, notamment dans les régions et les cités populaires défavorisées restent autant de problèmes qui interpellent et motivent tout candidat à la Présidence de la République.
Le Chef de l'Etat doit veiller au respect et à l’application de la nouvelle Constitution
5- Enfin, les relations de notre pays avec nos voisins d’une part et nos partenaires traditionnels (notamment la France) d’autre part, souffrent des tensions et des conflits qui se déroulent en ces moments dans certains pays frères, notamment en Libye. Nous les percevons comme des évènements extrêmement graves ayant un impact direct sur la stabilité et la sécurité politique et économique de notre pays. Ce qui exige des approches politiques et diplomatiques conformes aux intérêts stratégiques et vitaux de la Tunisie. La nécessité de soutenir et de raffermir ces relations représente une priorité absolue et une forte motivation présentes dans le calendrier de ma candidature.
Vos motivations vous engagent forcément non seulement vis-à-vis de vos électeurs mais aussi vis-à-vis de tous les Tunisiens qu’ils soient établis chez eux ou résidents à l’étranger…
Tous mes amis savent que je n’ai pas peur des défis et là aussi je m’engage à les relever…
La preuve par cinq, une fois de plus ! Etes-vous superstitieux ?...
Non, pas tellement, mais je crois en la vertu du travail bien accompli et la discipline car tous les pays qui sont en train de réussir le doivent à leur sérieux, à leur travail et à leur discipline.
Voici mes cinq engagements dans l’ordre :
1- La santé du Chef de l’Etat ne peut être une affaire personnelle et d’ordre privé bien que le souci du respect des Droits de l’Homme et de la dignité humaine doive demeurer présent. En ce qui me concerne, je m’engage à faire publier par les autorités médicales habilitées un bulletin périodique sur mon état de santé, comme je m’engage à faire état de toute atteinte ultérieure à mon état de santé qui rendrait impossible la poursuite de l’exercice de mes hautes charges ainsi qu’a en tirer les conséquences adéquates.
2- Le Président de la République doit veiller au strict respect et à l’application loyale de la nouvelle Constitution qui garantit les libertés et les droits fondamentaux et consacre unanimement les acquis de la femme, de la famille et le caractère civil de l’Etat, dans le respect de l’identité du pays. Je m’engage à y veiller scrupuleusement ainsi qu’à restaurer l’autorité et la crédibilité de l’Etat, pour rehausser l’image de notre pays et sauvegarder ses intérêts supérieurs.
3- Le Chef de l’Etat en conformité absolue avec ses prérogatives constitutionnelles et dans le strict respect de celles du Parlement et du Gouvernement s’engage à soutenir les forces de sécurité intérieure et de l’armée nationale dans leurs missions par un nouvel élan en matière d’équipement et par l’amélioration de leur condition matérielle et organisationnelle, tout en œuvrant à implanter un système sécuritaire - défensif, ce qui constitue, en synergie avec la consolidation du front intérieur, la meilleure stratégie pour lutter contre le terrorisme.
4- L’exercice du pluralisme politique, consacré constitutionnellement, risque d’engendrer des tensions et des conflits entre les divers protagonistes tant au niveau du Parlement qu’au niveau du Gouvernement au point que ces crises peuvent entraver la bonne marche des institutions du pays. Le Chef de l’Etat devrait être le mieux habilité pour intervenir dans la gestion des crises, arbitrer dans ces conflits et prendre toute initiative nationale conciliatrice … Je m’y engage et les partenaires politiques et sociaux pourraient mieux dialoguer sous l’égide de la plus haute autorité constitutionnelle et morale de l’Etat…
5- Il est grand temps pour nous d’avoir et de rêver pour la Tunisie moderne d’un grand projet et d’une généreuse vision d’avenir notamment pour notre jeunesse, de positiver nos atouts et notre grand potentiel de compétitivité, d’attractivité et de créativité …
Pour cela il y a lieu de libérer l’initiative économique des entraves qui gênent le cycle de la production et de l’exportation et d’assurer ainsi un positionnement favorable des opérateurs tunisiens sur les marchés extérieurs.
Les Tunisiens sont capables de vaincre toute forme de virus anti-démocratique
Dynamiser notre diplomatie vers des champs d’action économiques diversifiés et mieux assurer la représentation de la Tunisie par la présence des compétences tunisiennes dans les organismes internationaux et régionaux seraient autant de voies à explorer en y associant les Tunisiennes et les Tunisiens résidant à l’Etranger…
Je m’engage à m’y employer en collaboration étroite avec le Parlement et le Gouvernement et tout en prenant soin d’éviter d’empiéter sur les prérogatives des uns et des autres.
Il y a du pain sur la planche ! C’est tout un programme en somme qui nécessiterait au médecin-Président que vous êtes, au cas où vous seriez élu, la prescription d’antibiotiques, force 5 !
(Souriant) J’espère de tout cœur ne pas recourir aux antibiotiques ! De toutes façons, après tout ce qu’ils avaient encouru et supporté jusque-là, le corps et l’esprit de la majeure partie des Tunisiens ont fini par créer des anticorps. Désormais, les Tunisiens sont capables de vaincre toute forme de virus anti-démocratique. Que Dieu nous en préserve toutefois !…
Et si les électeurs votent pour un autre Président…!
Eh bien, je le féliciterais et, pour autant qu’il soit humble et démocrate, je lui souhaiterais bonne chance et serais disposé à l’aider à réussir sa noble mission car, je le répète, pour réussir ce nouveau et grand défi, la Tunisie a besoin de l’apport de tous ses citoyens et aucun Président ne peut réussir sa mission sans la collaboration de tous les chaînons de la société.
Quand bien même, le choix d’un Président expérimenté, convivial et rassembleur s’avérerait capital dans la conjoncture délicate qui caractérise actuellement notre cher pays.
Puisse Dieu nous aider à surmonter nos problèmes durant ces cinq années à venir afin que la Tunisie cueille enfin les fruits tant attendus depuis l’avènement de la Révolution que les Jeunes Tunisiens avaient déclenchée… il y a déjà quelques années. Vive la Tunisie !
Texte et photos: Tijani Azzabi