La loi sur les banques votée sans l’opposition: Est-ce moralement acceptable ?

La loi sur les banques votée sans l’opposition: Est-ce moralement acceptable ?
 
 
Le ministre des Finances peut crier victoire. Comme il le réclamait la loi sur les banques et les institutions financières a été votée avant le 13 mai comme le lui imposait le Fonds Monétaire international. Le « diktat » de l’institution de Bretton Woods n’était pas dans l’air, c’était archi-connu puisque le président du groupe du Nidaa Soufiane Toubal qui inaugurait par l’occasion son office l’a bien exprimé et crié sur tous les toits.
 
En trois temps trois mouvements, un texte lourd de conséquences et qui compte pas moins de 201 articles a été examiné et voté, article par article, en quelques heures. Comme au bon vieux temps de la Chambre d’enregistrement que fut l’assemblée nationale sous Bourguiba ou la Chambre des députés sous Ben Ali. L’ARP a fait bien mieux puisque même en ces temps là, le parlement mono ou bicaméral prenait son temps. Rien que pour le principe.
 
Quel que soit l’avenir de cette loi maintenant que des groupes qui lui sont opposés ou qui font des réserves à son propos vont chercher à en invalider certaines dispositions pour inconstitutionnalité, il ne fait pas de doute qu’elle porte le défaut originel d’avoir été adopté à la va-vite et qu’elle a été bâclée.
 
Ennhndha et Nidaa Tounés, désormais alliés stratégiques ont ameuté leurs députés pour que la loi passe et ils ont obtenu ce qu’ils voulaient. 115 députés ont voté en faveur de cette loi. Si on fait le calcul (69 pour Ennhdha, 59 pour Nidaa) cela fait 128 voix, si on leur ajoute 12 pour l’UPL et 10 pour Afek et ses alliés on aura 150 députés. Sur ceux-là, 115 seulement ont donné leurs voix à la loi dans un climat de mobilisation générale. C’est évidemment peu. 35 voix manquent à l’appel. Ce n’est pas peu. Où sont-elles passées ?
 
Même si la loi est votée à la majorité absolue plus 6 voix, cela ne constitue nullement une prouesse c’est même un échec relatif. Car le FMI ne va pas  prendre le vote pour argent comptant. Le seul fait que les deux groupes constitutifs de l’opposition, à savoir le Front populaire (15 voix) et le groupe social-démocrate (10 voix) ainsi que les non-inscrits(15 voix) aient massivement boycotté le vote (puisqu’il n’ y a eu aucune voix contre) alors que le groupe Al-Horra (des transfuges de Nidaa a marqué ses réserves (22 abstentions sur les 27 inscrits à ce groupe) fragilise énormémént cette loi.
 
Il est sans aucun doute moralement inacceptable qu’une loi de cette portée ait été votée en l’absence sinon avec le boycott de l’opposition.
 
Ceci va à l’encontre de l’esprit de la démocratie mais aussi du texte de la Constitution qui dispose en son article 60  que «  l’opposition est une composante essentielle de l’Assemblée des Représentants du Peuple. Elle dispose de droits lui permettant la promotion de ses missions parlementaires et lui garantissant une représentation adéquate et effective dans toutes les instances de l’Assemblée ainsi que dans ses activités internes et externes (…). Il est de son devoir de participer au travail parlementaire de façon active et constructive ».
 
En demandant un examen approfondi et sans couperet sur la tête, les députés du Front Populaire ne font pas obstruction au travail parlementaire. Ils exercent de façon certes politiquement incorrecte leur mandat d’opposants, mais on ne peut leur reprocher de vouloir faire barrage à une loi de cette nature. Lourde de conséquences comme chacun sait.
 
La démocratie ne va sans opposition et vouloir faire taire l’opposition ou tout au moins faire comme si elle n’existe pas est un mauvais service qu’on rend à la démocratie.
 
Raouf Ben Rejeb
 
 

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