La transhumance subsaharienne organisée
Le constat d’un mouvement transhumant régionalement organisé de l’Afrique Subsaharienne vers l’Afrique du Nord ne fait aucun doute. Au départ du Niger ou du Mali vers l’extrême-sud Algérien, il cherche au mieux à atteindre l’Europe, au pire à s’installer en Algérie. Le Second axe migratoire part du Soudan ou du Tchad vers la Libye. Le trafic humain dans cette région suit la règle de la proximité. L’Algérie ou la Libye, selon qu’il parte du pôle Niger-Mali ou de celui du Tchad -Soudan.
La Tunisie n’est pas frontalière du Sahel. Pour y arriver, encore faut-il passer deux gardes nationales. Mais les campagnes de refoulement de Subsahariens, y compris officieuses, s’effectuent à ses portes. Sans que les Autorités ne s’en formalisent. Notamment après les accords « tacites » entre Kais Said et les Européens conclus en juillet 2023. Présenté comme un projet de partenariat global non contraignant, l’unique trace qui en atteste, demeure liée à la migration. Il s’agit d’un mémorandum précisant les modalités de coopération, soulignant les obligations tunisiennes, mais restant bien vague en termes de délais, d’argent et d’obligations européennes.
La Tunisie aurait reçu 105 millions d’Euros en nature, sous forme de bateau de sauvetage, drones, véhicules et radars. Des aides pourraient suivre mais elles ne serviraient pas à gérer l’urgence ni à privilégier la croissance, et devraient particulièrement profiter aux Européens qu’aux Tunisiens: installation de câbles sous-marins entre l’Italie et 11 pays africains ( fibre optique ), électricité renouvelable…. En contrepartie de 300 visas talents pour les Tunisiens hautement qualifiés!
La crise économique, et le conditionnement de ces aides par un accord avec le FMI, aidant, Kais Said semblait ainsi contraint d’accepter ce marché de dupes, et les accords entrèrent en vigueur depuis quelques mois. Plus personne ne traverse la mer. Les gardes côtes ont arrêté 84 embarcations et plus de 4000 migrants selon Houssem Jebabli, porte parole de la garde nationale, dont seulement 90 tunisiens.
Ces candidats côtiers à l’émigration viennent s’ajouter aux « migrants pédestres » traversant le Sahara. 102000 personnes en 2022 selon l’agence Frontex..
La Tunisie qui regardait la mer, ne voyait pas venir la terre. Des refoulements à ses frontières notamment depuis l’Algérie et secondairement la Libye. Le voisin de l’ouest déposait par milliers des migrants aux points passage du centre-ouest . Mais le flux tendu pousse aujourd’hui le trafic humain vers le nord ouest! Trois fois l’ouest. Near west. Voisin et frère. Pourquoi ne pas refouler les migrants vers leur pays d’origine: le Niger ou le Mali, frontalier du Sud algérien? Pourquoi leur faire traverser quasiment tout le territoire algérien pour les refouler à Tunis: soit (2 241,9 km) de Tamanrrasset à Jendouba: 28 h de routes?!
Est-ce une sanction contre le mémorandum Tuniso européen, qui fait peser des menaces sur le voisinage, en termes de gestion commune de l’émigration?
Serait-ce un énième couteau dans le dos de la démocratie tunisienne, qui devrait crouler sous la menace sans répit, pour ne jamais se relever?
Quoi qu’il en soit, la transhumance orchestrée de subsahariens n’est plus réductible à un trafic migratoire aléatoire et individuel. Auquel cas notre humanisme aurait suffit. Il s’agit bel et bien d’une stratégie régionale du dérèglement.
Or cela appelle une stratégie de lutte commune à plaider auprès d’istances africaines. Une réhabilitation du Maghreb sécuritaire, des accords ad-hoc avec les pays du Sahel …..
Le racisme délié et abject, tout aussi que le niais déni des réalités géostratégiques, paraissent aujourd’hui de fausses réponses. Ajouté à cela l’apparition de doctrines afrocentrées qui accompagnent ce flux et le dirigent vers une lutte identitaire fabulatrice…les bons sentiments pourraient frôler le crime. La question relève de la stratégie régionale et ce que « goute » Rome cache ce qu’avale Paris mais surtout ce que croque Alger!
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