L’accord de Kamour: Une bombe à retardement
Par Kaïs Ben Mrad
Lorsque le gouvernement tunisien a conclu le 16 juin 2017 un accord avec les protestataires d’El Kamour suite à une médiation du secrétaire général de l’UGTT Noureddine Taboubi, il était clair pour de nombreux observateurs qu’il ne pouvait en aucun cas être appliqué.
A l’époque, l’accord signé entre le ministre de la Formation professionnelle, Imed Hammami, ainsi que le gouverneur de Tataouine, côté gouvernement, et le représentant des sit-inneurs d'El Kamour accompagné de Taher Sekrafi, père du jeune décédé dans les affrontements avec la police Anouar Sekrafi, a été perçu comme un signe supplémentaire de la faiblesse d’un État tunisien obligé de jouer systématiquement le rôle d’employeur en dernier ressort, afin de mettre un terme aux blocages des sites énergétiques en achetant très cher la momentanée paix sociale.
En effet, il était clair que de nombreux points entérinés dans l’accord ne pouvaient pas être appliqués tels que le recrutement de 1500 jeunes de la région dans les entreprises pétrolières et l’embauche de 3 000 autres dans les sociétés d’environnement et de jardinage….
Le gouvernement de l’époque savait que les entreprises pétrolières n’étaient pas en mesure d’embaucher ce nombre considérable d’employés dont elles n’avaient guère besoin. Il savait aussi que les sociétés d’environnement et de jardinage ne pouvaient plus se permettre de recruter 3000 autres employés fictifs.
Surtout que le dossier des 15000 autres employés de ces sociétés, qui perçoivent des salaires sans jamais travailler, a été traduit devant la justice et devant l'instance nationale de lutte contre la corruption et va provoquer l’un des plus grands scandales de mauvaise gestion des gouvernements de l’après-révolution.
Néanmoins, malgré tout cela et au lieu de chercher des solutions plus adaptées pour assurer le développement durable de la région et créer de l’emploi pour les jeunes qui y sont originaires, l’exécutif de l’époque s’est contenté d’acheter la paix sociale en signant cet accord irréalisable pour calmer les esprits et permettre la reprise de la production des sites énergétiques.
Et voila qu’aujourd’hui c’est le gouvernement actuel qui paie la note puisqu’il est appelé au nom de la continuité de l’Etat à assumer la responsabilité des erreurs qui ne sont pas les siennes et d’appliquer cet accord irréalisable.
Le comble c’est qu’il y a certains politiques et syndicalistes qui continuent à mettre de l’huile sur le feu en appelant le gouvernement à honorer immédiatement ses engagements.
Il est certes du doit des habitants de Tataouine de bénéficier d’une partie des richesses naturelles de la région, d’aspirer au développement de cette contrée oubliée depuis l'indépendance et de faire travailler ses fils, mais cela doit se faire dans le cadre d’un projet global, visionnaire et surtout réalisable sans pénaliser encore plus l’Etat ou l’obliger à des engagements irréalisables ou des concessions très douloureuses.
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