L’ancien premier ministre marocain Abderrahmane Youssoufi n’est plus
Une des grandes figures de la vie politique marocaine, l'ex-Premier ministre Abderrahmane Youssoufi, choisi en 1998 par le roi Hassan II pour mener à bien la transition avec son successeur Mohammed VI, est décédé à l'âge de 96 ans, a-t-on appris ce vendredi 29 mai par l'agence de presse officielle marocaine, MAP.
Dans le numéro 82 de la Revue pour l’intelligence du monde( Mars-Avril 2019) mon collègue Raouf Ben Rejeb et moi-même nous avons brossé le portrait de cet Homme que le défunt Roi Hassan II avait choisi en 1998 comme premier ministre. Pour justifier ce choix, il avait dit : « il n’y a que deux patriotes dans ce pays, Youssoufi et moi ».
Extraits :
Militant de la première heure pour l’indépendance de son pays, contraint à l’exil sous ce même Hassan II, il sera un opposant féroce à son régime. Condamné, en 1963, à deux ans avec sursis, puis gracié, il finira comme le dernier chef de gouvernement du regretté souverain décédé en juillet 1999. Un gouvernement d’alternance qui n’a jamais mieux porté son nom puisqu’il a assuré le passage de témoin entre le père et son fils…
Après l'assassinat de Ben Barka, il part à Paris pour participer à l'organisation du procès. Il entame alors quinze ans d'exil volontaire en France. Durant cette période, il est poursuivi par contumace lors du grand procès de Marrakech, qui s’est déroulé entre 1969 et 1973, pour complot. Le procureur du Roi requiert contre lui la peine de mort mais il était condamné à 12 ans…
Gracié en août 1980, il rentre au Maroc. Numéro 2 de l’USFP, il en devient le Premier secrétaire après la mort de son premier dirigeant Abderrahim Bouabid en 1992 avant de revenir au pays deux ans plus tard pour reprendre son poste de premier secrétaire…
Son parti ayant remporté les le scrutin de 1997, il est nommé le 4 février 1998 Premier ministre du gouvernement d’alternance par Hassan II. A la mort de ce dernier le 23 juillet 1999, il garde ses fonctions sous Mohamed VI, jusqu’au lendemain des élections législatives du 27 septembre 2002. L’USFP remporte ce scrutin ce qui, en théorie, aurait dû le reconduire à la tête du gouvernement, mais le souverain décide de nommer un technocrate, Driss Jettou à la primature, une nomination jugée comme « un non-respect de la méthodologie démocratique » par le parti de Youssoufi. Celui-ci démissionne, alors, le 28 octobre 2003 de son poste de Premier secrétaire de l’USFP et quitte, définitivement, la scène politique…
Depuis, il se fait rare, ne donnant jamais d’interviews, parlant peu. Ses seules confidences, il les a faites dans un livre qu’il a été presque forcé à publier et dont l’objet est de rassembler les nombreux discours faits au cours de son long parcours. Intitulé « Alhadith fi ma jara » (récits du passé), il est une compilation en trois tomes de 450 pages chacun, d’éléments biographiques, d’entretiens et de discours de l’ancien opposant et chef du gouvernement racontées à M’barek Bouderka...
Abderrahmane Youssoufi, qui a traversé le 20ème siècle, est le dernier des grands leaders politiques, non seulement au Maroc mais dans la région du Maghreb. Ce Maghreb dont il a été l’un des apôtres. Même s’il n’avait pas participé à la conférence de Tanger en avril 1958, son parti était représenté par deux autres ténors du mouvement Abderrahim Bouabid et Mehdi Ben Barka, il a toujours milité pour un Maghreb des peuples…
La photo prise le 15 octobre 2016 est unique dans les annales du Maroc. On y voit le Roi Mohamed VI se pencher sur la tête d’un Youssoufi alité pour lui baiser le front. Ce geste d’affection mais surtout de respect venant du Souverain Alaouite est suffisamment rare pour faire le tour de la toile et assurer le buzz sur les réseaux sociaux au Maroc et ailleurs.
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