L’ARP malade de sa constitution

L’ARP malade de sa constitution

 

L’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP) est malade. Gravement malade de sa constitution et de ses députés.  Elle ne représente plus que ceux qui y siègent car sa configuration actuelle n’a aucun rapport avec celle sortie des urnes en décembre 2014.

La majorité choisie par le peuple aux législatives de 2014 laisse la place à une autre. Ni la constitution ni le règlement intérieur de l’ARP ne prévoient ce scénario. L’on trainera pendant longtemps les insuffisances de la constitution et les carences de la loi électorale . Peut-on accepter que le choix du peule soit transfiguré, en proclamant, par simple décision du Bureau de l’ARP, un autre parti en bloc majoritaire?

Bien sûr les exégètes affairés trouveront toujours des subterfuges en jouant sur la transhumance des députés d’un bloc parlementaire à l’autre. Bien sûr des politiques, par ignorance ou intérêts, tus ou avoués, y trouveront leurs comptes. Les médias sont occupés par l’infotainement, par la légèreté de l’être et, de temps à autre, par les querelles mesquines des rejetons, biologiques ou politiques, des uns et des autres, y compris des Beys.

Le devenir de la Nation ne peut s’accommoder de cela. Ce qui est advenu de la sentence du peuple à l’ARP n’est rien d’autre qu’un coup d’Etat version soft. Sans armes, sans rapport médical mais par la niaiserie des uns et le machiavélisme des autres. Par la complicité et la traitrise de certains. Par le silence des autres.

Nida Tounès porte l’essentiel de la responsabilité dans cet état de fait. Mais bien avant lui les Constituants qui ont mijoté une constitution handicapée.  Plus énorme sera la responsabilité à venir. En s’appuyant sur la constitution, Ennahda, désormais bloc majoritaire à l’ARP, ferait valoir son droit à présider le gouvernement en vertu de l’article 89 stipulant que «  le Président de la République charge le candidat du parti politique ou de la coalition électorale ayant obtenu le plus grand nombre de sièges au sein de l’Assemblée des représentants du peuple de former le gouvernement ».

Il est clair que cet article ne vaut que pour le choix du chef de gouvernement suite aux élections législatives. Mais l’on n’est pas à une violation près de la constitution. Les couleurs sont déjà annoncées en appelant à démettre l’actuel président du parlement au bénéfice d’un candidat d’Ennahda. Bientôt suivra le gouvernement. Et Ennahda n’est pas en reste quand Mohamed Ben Salem affirme que son parti est « faiblement représenté au gouvernement et ce malgré son poids législatif ».

Poids législatif, dit-il, et non légitimité ni légalité électorale. Comprenez donc que le parti islamiste a déjà dévoilé la première étape  de sa stratégie, celle d’obtenir une représentation au gouvernement proportionnelle à son « poids législatif ». Y figurera peut-être le chef du gouvernement.

Ce jeu sournois ne doit pas passer. Le  « poids législatif » d’Ennahda, est contraire à la volonté des électeurs. Il est grave et irresponsable pour un politicien, pour un parti en fait, d’opter pour une stratégie de hold-up politique pour s’approprier le pouvoir. Ennahda ne doit pas son « poids législatif » aux urnes mais à l’amateurisme et à l’égoïsme d’autres politicards. Travestir la voix du peuple en  « poids législatif » par des manigances de bas étages c’est se moquer des Tunisiens.

Une démarche pareille constituera à l’évidence une violation grave de la constitution. Il est des compétences du président de la République de dissoudre l’ARP et appeler à des élections anticipées. S’il ne le fait pas, il se trouvera sous la coupe de la constitution qui fait de lui son garant. Le président de la République même s’il ne viole pas la constitution de fait, il le fait de par son mutisme. Mais au fait peut-on être garant de la bonne santé d’un nouveau-né venu malade au monde !

Si des Tunisiens ont choisi la démission de la vie publique, les propos de Mohamed Ben Salem trouveront leur écho auprès de ceux qui ne l’ont pas fait. Des propos dans lesquels il promet  une nouvelle Troïka : « Cela a toujours été le cas, nous avons partagé le pouvoir avec Ettakatol et le CPR à un moment alors que nous étions largement devant avec 89% des voix, cela montre que le pouvoir n’est pas notre priorité ». A bon entendeur…

Mohamed Chelbi

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