Le chef de l'OMS appelle à l’union contre Ebola
En lançant les travaux de l’Assemblée mondiale de la santé (AMS) lundi à Genève, le Directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) s’est inquiété du « risque de propagation très élevé » d’Ebola en République démocratique du Congo (RDC).
«Jusqu’à maintenant, cette flambée ne s’est pas étendue au-delà de deux provinces », a relevé Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, soulignant néanmoins que le nombre de nouveaux cas a fortement augmenté au cours des dernières semaines. Selon le chef de l’OMS, cette flambée dans l’Est de la RDC est l’une des situations d’urgence les plus complexes jamais rencontrées par l’organisation.
« Nous luttons contre un des virus les plus dangereux au monde dans l’une des régions les plus dangereuses du monde », a-t-il dit aux Etats membres présents à la 72e Assemblée de l’OMS, l’organe décisionnel suprême de cette agence spécialisée de l’ONU.
Même si jusqu’à présent, plus de 120.000 personnes ont été vaccinées et que des données probantes montrent un taux d’efficacité de plus de 97% de ce vaccin ou que quatre traitements expérimentaux utilisés pour la prise en charge de 800 patients, cette flambée montre qu’il ne « s’agit pas que de lutter que contre un virus ».
L’insécurité mine le combat contre Ebola
En effet sur le terrain, les travailleurs humanitaires font face à des résistances et des violences dans une région où plusieurs groupes armés sont actifs. En outre, rumeurs et défiance entravent le travail des personnels de santé alors que dans le même temps, une partie des habitants sont dans un déni de la maladie. « Nous luttons contre l’insécurité, nous luttons contre la violence, nous luttons contre la désinformation, nous luttons contre la méfiance. Nous luttons contre la politisation d’une flambée », a-t-il fait valoir.
« Depuis le mois de janvier, il y a eu des dizaines d’attaques menées contre des structures de santé dans le Nord-Kivu », a détaillé le chef de l’OMS. Or selon lui, chaque attaque donne au virus un avantage et empêche les intervenants d’agir. « Chaque attaque rend plus difficile l’accès aux communautés », a-t-il mis en garde, insistant sur le fait que « toute vie perdue est une tragédie ».
C’est dans ce contexte que lors de sa visite en RDC après la mort du Dr Richard Valery, il indique avoir découvert sur place un personnel « sous le choc et bouleversé, mais sans se laisser décourager ». « Ils ont affiché leur détermination à sauver des vies. Ils m’ont dit qu’ils ne seront pas intimidés par la violence et qu’ils finiront le travail », a fait remarquer Dr Tedros.
Renforcement de l’action à l’échelle de tout le système des Nations Unies
L’actuelle épidémie de fièvre hémorragique Ebola, déclarée en août dans les provinces du Nord-Kivu et d’Ituri (est du pays), est la dixième et la plus grave enregistrée sur le sol congolais depuis 1976. Elle est la deuxième la plus grave après celle en Afrique de l’Ouest de 2014-2016 (plus de 11.000 morts en Guinée, Sierra Leone et au Libéria principalement).
Devant les Etats membres, le patron de l’OMS a donc appelé à l’union face à cette épidémie. « J’ai rencontré le Président de la RDC et des responsables de l’opposition, nous avons parlé ensemble des mesures à mettre en place pour lutter contre cette flambée parce que Ebola ne prend pas partie, Ebola c’est l’ennemi public numéro un », a déclaré Dr Tedros.
« A moins que nous nous unissions pour mettre un terme à cette flambée, on court le risque qu’elle se répande et qu’elle coûte encore beaucoup plus cher et qu’elle soit encore beaucoup plus agressive », a-t-il ajouté.
Dr Tedros a également indiqué avoir informé le Conseil de sécurité à deux reprises sur la situation de l’épidémie en RDC et convenu avec le Secrétaire général de l’ONU d’un « renforcement de l’action à l’échelle de tout le système des Nations Unies».
Près de 1.800 cas confirmés et probables et plus de 1.000 décès authentifiés
Malgré tous ces défis, l’OMS fait le pari que chaque vie sauvée est un triomphe. C’est le cas de Faustin Kalivanda, un survivant d’Ebola de Beni. Faustin a perdu sa femme et sa fille Ester, âgée de cinq ans, à cause du virus Ebola. En dépit de cette tragédie, Kalivanda estime qu’en tant que survivant, il a le devoir de protéger les autres. Ce dernier travaille maintenant au centre de traitement Ebola en tant qu’infirmière auxiliaire. « Ce sont les histoires d’espoir qui nous font avancer », s’est réjoui Dr Tedros.
L’épidémie continue de faire toujours plus de victimes, les derniers chiffres mentionnant 1816 cas confirmés et probables et plus de 1.209 décès (1.121 confirmés et 88 probables) et 482 personnes guéries. Selon le Ministère de la santé de la RDC, 291 cas suspects en cours d’investigation. « Mais je reconnais que le virus Ebola n’est pas la seule urgence dans le monde », a souligné le chef de l’OMS.
L’an dernier, l’Organisation est intervenue face à 481 situations d’urgences ou potentielles dans 141 pays. Il s’agit notamment de la « plus importante épidémie de choléra enregistrée au Yémen, à la diphtérie à Cox Bazar, à la crise humanitaire en cours en Syrie et à de nombreuses autres qui n’ont pas fait les gros titres », sans oublier la nouvelle stratégie de l’Initiative mondiale pour l’éradication de la poliomyélite qui a permis de s’attaquer aux zones les plus difficiles restantes en Afghanistan et au Pakistan.
Le plaidoyer de la Suisse pour la santé dans les zones de crises
De son côté, le conseiller fédéral suisse Alain Berset a rappelé que plus de la moitié de la population mondiale n’a toujours pas accès aux soins médicaux de base et relevé que « le droit à la santé n’est pas négociable ». Dans son discours, le conseiller fédéral est revenu sur l’Appel à l’action lancé par la Suisse il y a un an à Genève et officialisé ensuite à New York pour soutenir les systèmes de santé fragilisés dans les pays confrontés aux conflits.
A cet égard, il a eu une pensée pour les « plus pauvres, qui n’ont pas les moyens financiers de se faire soigner de manière adaptée », mais aussi « aux réfugiés, qui fuient les conflits armés, et aux infrastructures de santé détruites par les combats ».
Le Ministre suisse s’est également préoccupé du sort des bébés, enfants, mères et pères qu’il a rencontrés il y a deux semaines à Kaga Bandoro, en République centrafricaine. « Ils souffrent de nombreux maux, et ne pourront pour la plupart pas être soignés, puisque aucune intervention chirurgicale plus complexe qu’une appendicite n’y est possible, tant le contexte sanitaire et médical y est fragile », a rappelé M. Berset.
L’OMS nomme 4 nouveaux Ambassadeurs
Lors de l’Assemblée ce lundi, l’OMS a annoncé la nomination de quatre nouveaux ambassadeurs de bonne volonté, venant du monde du sport, de la politique, ou actifs dans la mobilisation communautaire.« Je salue la Présidente Ellen Johnson Sirleaf, Cynthia Germanotta, Alisson Becker et Natália Loewe Becker en leur qualité de nouveaux ambassadeurs de bonne volonté de l’OMS et me réjouis de travailler avec elles au cours des prochaines années », a déclaré le Dr Tedros en donnant son discours d’ouverture.
« Chacun de nos nouveaux ambassadeurs est une champion dans sa spécialité, qu’il s’agisse d’aider sa communauté à se reconstruire et à se développer durablement, de lutter pour améliorer la santé mentale et le bien-être d’autrui, ou de servir de modèle pour que les gens vivent en meilleure santé », a ajouté le chef de l’OMS.
Les Ambassadeurs seront chargées de promouvoir des modes de vie plus sains, des personnels de santé plus forts et une amélioration de la santé mentale, dans le monde entier.
Alisson Becker, gardien de but de l’équipe nationale brésilienne de football et de l’équipe de football de Liverpool, et la Dre Natália Loewe Becker, son épouse brésilienne, médecin et fervente avocate de la santé, ont été nommés Ambassadeurs de bonne volonté de l’OMS pour la promotion de la santé. Cynthia Germanotta, Présidente de la Fondation Born This Way cofondée avec sa fille Lady Gaga, est elle nommée Ambassadrice pour la santé mentale.
Alors que Ellen Johnson Sirleaf, ancienne Présidente du Libéria, devient Ambassadrice de bonne volonté pour les personnels de santé.
A noter qu’outre la couverture sanitaire universelle avec l’amélioration de l’accès aux soins médicaux, l’ordre du jour de l’AMS prévoit également l’adoption du budget bisannuel 2020-2021. Ce budget qui s’élève à 4,8 milliards de dollars entend mettre l’accent sur l’amélioration de l’accès aux soins de base et une meilleure protection des populations face aux situations d’urgence sanitaire.
L’AMS est l’organe décisionnel suprême de l’OMS. Chaque année, en mai, les délégués des États membres de l’organisation se réunissent à Genève afin d’examiner et de fixer les orientations d’ordre thématique, financier et organisationnel, ainsi que les programmes à venir.
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